Service public de la petite enfance : « Les maires ne sont pas seuls ! », assure Élisabeth Laithier
Par Emmanuelle Stroesser
Bilan, difficultés, réussites et échecs, mais aussi mise en œuvre du service public de la petite enfance (SPPE), dont l’ancienne adjointe au maire de Nancy est « rapporteure générale de la concertation » … Élisabeth Laithier a répondu aux questions de Maire info.
Votre mandat devait s’arrêter à l’automne, mais a été renouvelé dès juillet. Pour quelles raisons ?
Le bureau du comité filière petite enfance s’est inquiété en juin, dans un courrier à la ministre déléguée à l’Enfance, la Jeunesse et la Famille, Sarah El Haïry, de la pérennité de nos travaux. En réponse, celle-ci a décidé de prolonger le comité jusqu’en décembre 2027. Ce qui nous donne la sérénité nécessaire pour poursuivre les chantiers engagés.
Avec les mêmes participants ?
Nous allons renouveler les engagements de chaque participant, lors de la réunion plénière du 3 octobre. Et sans doute en intégrer quelques nouveaux, notamment des représentants des assistants maternels en crèche familiale. Je compte bien aussi relancer Départements de France, en espérant que, cette fois, elle ne sera pas la seule association territoriale à faire défaut.
Vos travaux auront-ils une thématique différente ?
Nos axes de travail restent inchangés : la formation, le recrutement et la qualité de vie au travail. Et nous creuserons la question de l'accueil à domicile, que nous avons jusque-là très peu abordé. C’est un mode de garde minoritaire, mais qui prend de l’ampleur. Et dans l’optique du service public de la petite enfance (SPPE), on ne peut le laisser de côté.
Les maires comme les professionnels décrivent un état des lieux qui semble avoir empiré ces dernières années : personnel épuisé, pénurie de personnel, crèches par conséquent surchargées ou berceaux fermés… Rien ne semble s’être amélioré malgré vos travaux et recommandations ?
Je serais plus nuancée ! Notre grosse difficulté, et le frein à la mise en œuvre concrète de nos recommandations, a été le changement fréquent de ministres (six en trois ans) et de secrétaires généraux du CFPE, qui ont été régulièrement débauchés par les ministres. Je rappelle également que le CFPE n’est pas un comité prescriptif mais consultatif.
Quels sont les points sur lesquels vous avez le sentiment d’avoir abouti ?
Nous avons abouti sur le groupe de travail « rémunérations», en obtenant l’accord d’engagement des partenaires sociaux sur l’harmonisation des conventions collectives. Cela a permis d’engager la provision dans la convention d’objectifs et de gestion d’un bonus attractivité pour couvrir en partie ces augmentations.
La préfiguration de l’observatoire de la qualité de vie au travail est prête, ce sera une grande avancée, il ne nous manque que l’aval ministériel pour le mettre en place.
Nous avons aussi joué un rôle d’alerte, travaillé avec la mission de l’Igas sur un référentiel qualité que nous sommes en passe de tester dans certaines structures.
Quant à la pénurie de professionnels, cela reste le point saillant. Il est évident que sans professionnels, on a beau créer des places, elles ne peuvent pas ouvrir. Cela aura bien sûr des répercussions directes pour la mise en place du SPPE. Nous avions demandé une enquête pour mesurer cette pénurie, il y a deux ans. Une nouvelle enquête va être faite par la Cnaf à l’automne.
La première enquête estimait à au moins 10 000 le manque de professionnels. Est-ce que vous redoutez que les chiffres à venir indiquent une aggravation ?
Je le crains, oui. Même si nous avons avancé sur beaucoup de freins ou leviers (VAE, formation, etc.) pour augmenter le nombre. Mais il faut le temps que ces travaux portent leurs fruits… or pour former des professionnels diplômés, c’est un an pour une auxiliaire de puériculture, quatre ans pour une infirmière puéricultrice et autres postes de direction.
Considérez-vous que la petite enfance soit le parent pauvre des politiques publiques ?
Je nuancerai cela. Un ministre, Adrien Taquet, a eu le courage de soulever le tapis. Puis le covid a prouvé que, sans l’accueil de la petite enfance, la société s’arrêtait. Je regrette toutefois qu’au-delà des ministres, plus haut et au niveau de Bercy, les choix politiques font que les déclarations d’intention ne sont pas toujours en adéquation avec les choix budgétaires…
La convention d’objectifs et de gestion a été pourtant bien dotée ?
Je rends pour cela hommage à Jean-Christophe Combe, ancien ministre, qui l’a négociée. Des COG, j’en ai vu au moins cinq pendant mes 25 années d’élue locale, et celle qui est en cours est sans doute la plus généreuse sur le volet petite enfance. Avec des sommes sanctuarisées sur l’amélioration de la qualité, par exemple. Les élus territoriaux doivent profiter dès maintenant de cette COG, car ne suis pas sûre que la suivante sera du même niveau.
Vous avez interpellé sur les réseaux sociaux le Premier ministre, lui rappelant qu’il y a « urgence » dans la petite enfance. Qu’attendez-vous du prochain gouvernement ?
Déjà, qu’il y ait un ministère de l’Enfance, de plein exercice, et non noyé dans les Solidarités. J’attends ensuite qu’il se penche rapidement sur le service public de la petite enfance et signe tous les décrets d’application car, sans cela, le démarrage au 1er janvier 2025 risque d’être compromis. On attend notamment le détail des compensations financières pour les communes devant créer un relais de la petite enfance. L’autre urgence est de travailler sur la qualité de vie au travail. Les maires ont aussi un énorme besoin de soutien en ingénierie, j’en suis persuadée. Je sillonne les départements pour parler du SPPE, et je rencontre encore des maires de petites et moyennes communes qui semblent le découvrir !
Il faut également rassurer ceux qui sont inquiets, voire angoissés, car ce futur SPPE reste une grande inconnue ! Je le comprends pour avoir été élue. Mais je leur redis, certes le 1er janvier 2025 est la date officielle, mais nous n’irons pas à 10 heures faire le tour des popotes pour vérifier si tout est en place. Le SPPE va se construire brique par briques. Nous avons posé le cadre, nous attendons les décrets, et, ensuite, nous allons nous occuper de le mettre en œuvre. Les maires ne sont pas seuls. Je me déplace, les services du ministère sont à disposition, avec des documents très bien faits comme le FAQ en ligne, sans parler du rôle des Caf et de la Cnaf.
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