Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 12 novembre 2024
Sécurité

Le gouvernement présente son plan contre le narcotrafic

Face à « l'explosion incontrôlée » des crimes et délits liés au trafic de drogue, les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont présenté, vendredi 8 novembre, une série de mesures et l'ébauche d'un projet de loi, prévu pour le début de l'année 2025. 

Par Franck Lemarc

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© Min. de l'Intérieur

« Conjurer le sort, prouver qu’il n’y a pas de fatalité et montrer que la volonté politique est une arme puissante pour lutter contre la criminalité organisée. »  Tel était l’objectif du déplacement de Bruno Retailleau et Didier Migaud à Marseille, vendredi dernier, pour indiquer leurs orientations dans la lutte contre le crime organisé en général et le narcotrafic en particulier. 

« Nécessaire sursaut » 

Le phénomène des violences liées au trafic de drogue prend des proportions de plus en plus inquiétantes, dont l’apogée a sans doute été atteint à Marseille, début octobre, lorsque l’on a appris que le tueur à gage accusé du meurtre d’un chauffeur de VTC, dans une affaire de règlement de comptes entre bandes de trafiquants de drogue, était âgé de 14 ans. 

Cette affaire a fait l’effet d’un électrochoc, qui a obligé l’exécutif à réagir. Le garde des Sceaux, tout en réfutant le terme très utilisé ces derniers temps de « mexicanisation »  de la société française (il faut rappeler, pour raison garder, que les violences liées au narcotrafic font environ 40 000 morts par an au Mexique), a dénoncé une menace « multiforme, grandissante, tentaculaire (…), qui sape les fondements de notre République »  et appelle à « un nécessaire sursaut ». Bruno Retailleau a, lui, parlé d’une « pieuvre qui menace les intérêts fondamentaux de notre nation ». 

Le plan des deux ministres est constitué de deux phases : l’une, « immédiate »  – donc à droit constant ; l’autre, de plus long terme, avec « de nouveaux outils législatifs ». Ces deux phases s’inspirent très largement des propositions du rapport des sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain, rendu en mars dernier, dont « 95 % »  des propositions ont été retenues.

Campagne choc

Pour ce qui concerne la première phase, Didier Migaud veut d’abord mettre l’accent sur la prévention, rappelant qu’il « n’y a pas de trafic de stupéfiants sans consommateurs ». Il souhaite un « électrochoc »  pour faire comprendre aux consommateurs des conséquences de leurs actes, dans la droite ligne des propos de Bruno Retailleau, quelques jours auparavant, qui déclarait dans la presse : « Fumer un joint, c’est deux balles dans la tête d’un enfant de 5 ans, c’est ce jeune qui a été lardé de 50 coups de couteau et brûlé vif. »  Une campagne « choc »  d’information va être diffusée par le gouvernement, et ce « ne sera pas de l’eau tiède », a promis le ministre de l’Intérieur. Le garde des Sceaux a également demandé que les amendes pour les consommateurs soient mieux appliquées.

Il a ensuite déroulé les autres mesures de la première phase : « des moyens pour investiguer », « des moyens pour poursuivre »  (avec notamment la création d’une « cellule de coordination nationale chargée de dresser un état de la menace, fixer une stratégie et la mettre en œuvre » ), « les moyens de juger »  (5 postes supplémentaires de juges seront créés), et enfin « les moyens de punir ». Le ministre prévoit notamment la création de « quartiers spécifiques »  au sein de certaines prisons pour « isoler »  les narcotrafiquants, avec dispositifs de brouillage des téléphones portables et « dispositifs de lutte anti-drones ». 

Parquet national

Dans un deuxième temps, donc, le gouvernement présentera un projet de loi ou reprendra à son compte la proposition de loi des sénateurs Durain et Blanc. L’une des principales mesures envisagées est de créer « un parquet national »  dédié au narcotrafic, voire plus largement au « crime organisé », sur le modèle du parquet national antiterroriste. Didier Migaud souhaite également mettre en place des cours d’assises spéciales – comme c’est le cas, là encore, pour le terrorisme – qui seraient composées uniquement de magistrats professionnels, sans jury populaire. « Cette professionnalisation des cours vise à éloigner le risque de pression exercé sur les jurés en vue d’orienter la décision judiciaire finale. » 

Enfin, le gouvernement a décidé de recourir plus largement aux « repentis »  (« collaborateurs de justice » ). 

Rappelons que le congrès de l’AMF sera, la semaine prochaine, l’occasion de débattre de ce sujet, puisqu’un forum aura lieu mercredi 20 novembre sur « les maires face au trafic de stupéfiants », en présence notamment des sénateurs Jérôme Durain et Étienne Blanc et de Grégoire Dulin, procureur de la République du tribunal d’Évry (Essonne). Le ministre chargé de la Sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, devrait conclure cette séance.  

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