Une situation économique et sociale de plus en plus tendue
Par Franck Lemarc
« Des annonces de fermetures de sites, il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent. Ça va se compter en milliers d’emplois. » Les propos peu optimistes de Marc Ferracci, samedi matin sur France inter, ont été la conclusion d’une semaine marquée par les annonces de la fermeture de deux usines Michelin et de 2 400 licenciements chez Auchan. Mais en réalité, cela fait plusieurs semaines que les experts économiques alertent sur une brutale dégradation de la situation économique.
Record de défaillances d’entreprises
Dès le mois de septembre, l’Insee a alerté sur un nombre de défaillances d’entreprises inquiétant au premier semestre (+ 18 %). Des chiffres qui se confirment en fin d’année, puisque plusieurs organismes, dont l’OCDE, estiment que le nombre de défaillances d’entreprises pourraient atteindre les 66 000 fin 2024, ce qui constituerait un triste record : même après la crise des subprimes de 2008, ce nombre n’avait pas été atteint (64 000 défaillances d’entreprises en 2009).
Les conséquences risquent d’être lourdes en termes d’emplois : l’OCDE chiffre à 150 000 le nombre de « destructions nettes d’emplois » qui pourraient intervenir l’an prochain. Car si l’année 2024 a été mauvaise, 2025 risque d’être pire encore, selon les économistes. Entre la situation géopolitique qui continue de s’aggraver, l’élection de Donald Trump qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour les exportations vers les États-Unis du fait de l’augmentation des droits de douane, la concurrence exacerbée de l’industrie chinoise, la crise de l’immobilier qui s’enlise… les indicateurs sont loin d’être au vert.
Sans compter, là encore de l’avis des experts, que la situation budgétaire de la France aura elle aussi des impacts sur l’économie : entre l’État qui diminue drastiquement le budget des ministères et les collectivités territoriales qui se voient ponctionnées de plus de 10 milliards d’euros, c’est la capacité d’investissement publique tout entière qui va être amputée. « Quelles que soient les mesures budgétaires finalement adoptées en loi de finances, les entreprises subiront les conséquences de la baisse des dépenses publiques », expliquait ainsi l’un des dirigeants du cabinet Deloitte dans La Tribune il y a quelques jours, ajoutant que l’incertitude est telle que « les investissements sont presque tous suspendus en France depuis quelques mois ».
Solutions timides
Pour l’instant, le gouvernement semble comme paralysé par la dégradation brutale de tous les indicateurs, sans proposer de solution qui semble à la hauteur. Marc Ferracci a bien évoqué, samedi, « une meilleure gouvernance des aides publiques » ou « des mécanismes de soutien à la filière automobile », mais ces solutions apparaissent bien timides face à la crise. Et peut-être contre-productives : selon plusieurs experts, les aides massives accordées aux entreprises lors de la crise du covid-19 ont, paradoxalement, fragilisé celles-ci. Si des dizaines de milliers de défaillances ont été évitées pendant cette période grâce au flot de liquidités issues du « quoi qu’il en coûte », certaines entreprises n’ont survécu que sous respiration artificielle et en payent le prix aujourd’hui, au moment où il s’agit de rembourser les prêts garantis par l’État.
Quant à un grand plan de relance, il semble inimaginable aujourd’hui au vu du niveau stratosphérique du déficit de l’État. Sauf à ce que ce plan de relance vienne de l’Europe, ce que semble espérer Marc Ferracci, qui a évoqué un « emprunt commun européen » pour financer des « mécanismes de soutien ».
Situation sociale tendue
La situation sociale semble également s’être brusquement tendue ces derniers jours. Chez Michelin, à Cholet, l’usine est en grève depuis l’annonce de la fermeture et le ministre Marc Ferracci, venu discuter avec les grévistes, a été reçu dans une ambiance si tendue qu’il a dû être exfiltré au bout de quelques minutes.
Du côté des agriculteurs, le feu semble couver sous la cendre, à quelques jours du G20 qui va se tenir à Rio, au Brésil, et lors duquel l’accord sur le Mercosur (accord de libre-échange entre l’Union européenne et cinq pays d’Amérique du sud) devrait être signé. Tous les syndicats agricoles promettent une reprise du mouvement de protestation des agriculteurs en cas de signature de cet accord – la FNSEA ne parlant pas de ligne rouge mais de « ligne écarlate », la Coordination rurale pronostiquant « une révolte agricole sans précédent » et le « blocage du fret alimentaire », à partir du 19 novembre.
Il faut peut-être également s’attendre à une fin d’année tendue à la SNCF, avec un premier appel à la grève pour le 21 novembre, prélude à un appel à la grève « illimitée » à partir du 11 décembre déposé par les quatre syndicats représentatifs de l’entreprise, pour s’opposer à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire et à ce qu’ils estiment être « la privatisation du fret ferroviaire ».
Au mois de novembre toujours, le 14, c’est également le secteur aérien qui sera touché par une grève, à l’appel des pilotes de ligne, pour protester contre la nouvelle taxe sur le transport aérien prévue dans le projet de loi de finances.
Enfin, y aura-t-il d’ici la fin de l’année un important mouvement de grève des fonctionnaires, en réponse aux annonces du gouvernement sur les jours de carence dans la fonction publique ? Les syndicats semblent le souhaiter – sans que l’on puisse savoir aujourd’hui si un tel mouvement serait suivi par les agents.
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