Sécurité dans les transports : le Sénat autorise policiers municipaux et gardes-champêtres à intervenir dans les trains, avec l'accord préalable du maire
Par A.W.
Élargissement du périmètre d'intervention des polices municipale et ferroviaire, palpations facilitées, nouveau « délit d'incivilités d'habitude », interdiction d’entrer en gare à certaines personnes... Les sénateurs ont adopté hier, en première lecture, par 227 voix contre 109, un projet de loi visant à renforcer « la sûreté dans les transports », cosigné par la droite et le centre.
Avec « près de 124 570 personnes victimes de vols et de violences dans les transports en commun », en 2022, ces derniers s’inquiètent d’une « insécurité croissante ». Jugeant que le « contexte de la sûreté dans les transports s'est profondément dégradé ces dernières années », le sénateur LR des Alpes-Maritimes Philippe Tabarot, à l’origine du texte, a donc décidé de boucher « les trous dans la raquette ». Une réponse à « la prégnance de l'insécurité » à quelques mois de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
L’accès aux trains étendu aux gardes-champêtres
Parmi l’ensemble des mesures adoptées, l’une d’entre elles intéressera plus particulièrement les maires : l’autorisation donnée aux policiers municipaux, à l'instar des agents de la police et de la gendarmerie nationales, d’accéder aux trains (mais aussi aux véhicules et stations de transport routier) afin de « renforcer le continuum de sécurité ».
Alors que le texte initial prévoyait le libre accès, sans « accord préalable du maire », des agents de la police municipale aux espaces et matériels roulants des transports de voyageurs, les sénateurs ont finalement choisi de conditionner cet accès à la signature d’une convention, tout en l’étendant, par ailleurs, aux gardes-champêtres.
Lors de l’examen du texte en commission, ils ont ainsi remplacé le dispositif initial par « une simple faculté » donnée aux exploitants des services de transport public de « conclure avec une ou plusieurs communes ou EPCI ainsi qu’avec l’autorité organisatrice une convention déterminant les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale ou les gardes-champêtres peuvent accéder librement aux espaces de transport et aux trains en circulation sur leur territoire ».
L’objectif ainsi établi est de « réaffirmer l'autorité du maire sur l'activité de sa police municipale », a assuré la rapporteure du texte Nadine Bellurot (LR), à l’origine de l’amendement.
Dans son rapport, celle-ci précise qu’il « n'était pas opportun de remettre en cause l'autorité du maire sur la définition et le champ des missions confiées aux agents de la police municipale », le dispositif initial proposé « sembl[ant] entrer en contradiction avec les dispositions du Code de la sécurité intérieure qui consacrent cette autorité ».
Conducteurs de bus : les caméras-piétons expérimentées
De leur côté, les agents habilités d'Île-de-France Mobilités pourront être autorisés à « visionner, au sein de Centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS), les images des systèmes de vidéoprotection déployés dans les réseaux de transport en commun dans les mêmes conditions que celles applicables aux agents de la SNCF et de la RATP ». L’entrée en vigueur de cette mesure a, toutefois, été reportée, en commission, à la date de début de l’ouverture à la concurrence des réseaux de bus et de tramway.
La commission a également permis aux conducteurs d’autobus et d’autocars de recourir à des caméras-piétons, à titre expérimental et pour deux ans.
Pointant la hausse du nombre d’agressions ayant donné lieu à un arrêt de travail (+ 14 % en 2022) dans les entreprises de transport public et le fait que « les conducteurs d’autobus sont particulièrement exposés aux risques d’agressions », Philippe Tabarot a souligné, dans son amendement, que ce dispositif permettrait de « faciliter la collecte de preuves dans le cadre de procédures judiciaires, administratives et disciplinaires et de mieux garantir la sécurité des conducteurs et des voyageurs, les expérimentations menées jusqu’à aujourd’hui démontrant que le recours à l’enregistrement audiovisuel permet bien souvent d’apaiser les situations conflictuelles auxquelles sont confrontés les agents ».
Pouvoirs renforcés de la police ferroviaire
Le texte autorise également l'utilisation des caméras-piétons par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP dans le cadre d'interventions « aux abords immédiats des emprises de transports ».
En effet, parmi les mesures phares et soutenues par le gouvernement, le texte prévoit de faciliter certaines palpations préventives et les « inspections visuelles » des bagages par les agents de sécurité, mais aussi de les autoriser à intervenir sur la voie publique proche des infrastructures de transport, comme le parvis de gares par exemple, « lorsque le caractère inopiné ou urgent de la situation le justifie ».
Si la commission a décidé, dans un premier temps, de supprimer les dispositions (des articles 10 et 11) relatives à la collecte de données sensibles par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP et à la captation du son dans les véhicules de transport, les sénateurs les ont rétablies lors des débats dans l’hémicycle.
En séance, les sénateurs ont également autorisé les opérateurs de transport public de personnes, en particulier ceux assurant le transport de mineurs, à consulter, « par l’intermédiaire des préfets », le fichier automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (Fijais) « sur le modèle des dispositions existantes au bénéfice des élus locaux ». « Il est, en effet, prioritaire de garantir que les personnes qui sont amenées à encadrer, à titre professionnel, des enfants, présentent les garanties d’honorabilité requises pour cette fonction », a justifié, dans son amendement, la sénatrice LR de Saône-et-Loire Marie Mercier.
Jusqu’à trois ans d’interdiction en gare
La proposition de loi instaure, par ailleurs, une nouvelle interdiction d'entrée en gare – pour les personnes qui « troublent l’ordre public » et dont « le comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations » – et crée un nouveau « délit d'incivilités d'habitude » afin de sanctionner « plus sévèrement » les contrevenants réguliers aussi bien aux règles tarifaires que de comportement.
Il prévoit ainsi une amende pouvant aller jusqu'à 7 500 euros et une peine de six mois d'emprisonnement pour les usagers commettant la même infraction répétée à cinq reprises, ou dix infractions différentes (allant du vapotage à la fraude en passant par l'absence d'étiquetage de son bagage, ou encore la mendicité). Une mesure jugée inapplicable par la gauche : « Vous voulez créer un répertoire pour chaque infraction... Tout cela n'a aucun sens », s’est ainsi indignée la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie.
Les sénateurs ont également mis en place une « interdiction de paraître » spécifique aux réseaux de transport public. Cette « peine complémentaire » concernerait les auteurs de crimes et de certains autres délits réalisés dans les transports en leur prohibant, pour une durée de « trois ans au plus », l’entrée en gare, station et « dans tout ou partie d’un ou plusieurs réseaux de transport public […] ou dans les lieux permettant l’accès à ces réseaux ».
Les oublis de bagages ayant des conséquences sur l'exploitation des trains et des métros seront, eux, punis d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 euros.
À noter qu’un numéro téléphonique « unique » d'alerte pour les usagers des transports devra être utilisé par l’ensemble des entreprises ferroviaires du pays.
Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur ce texte (pour qu'il puisse être promulgué avant les JO), l'Assemblée nationale doit désormais l'examiner lors d'une seule lecture.
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