Maire-info
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Édition du mardi 28 mars 2023
Éducation

Scolarisation des élèves allophones : le Sénat et la Cour des comptes espèrent des améliorations

La scolarisation des élèves allophones, c'est-à-dire ceux dont la langue maternelle n'est pas le français, a fait l'objet d'un rapport fait au nom de la commission des finances. Des fragilités existent au sein du dispositif d'accueil de ces élèves.

Par Lucile Bonnin

A la mi-mars, un rapport de la Cour des comptes portant sur la scolarisation des élèves allophones (c'est-à-dire ne parlant par le français) a été publié. Quelques jours plus tard, un rapport d’information sénatorial fait au nom de la commission des finances a été publié. 

Auditionné dans ce cadre, Nacer Meddah, président de la troisième chambre de la Cour des comptes explique que « l’enquête de la Cour (…) a montré que le système en place avait des mérites, mais qu’il souffrait de plusieurs difficultés. » 

Trois grandes difficultés ont été identifiées par les magistrats : des délais d’affectation parfois trop longs, la formation insuffisante des enseignants en la matière et les carences de l’évaluation. Ces constats ont largement été partagés par le rapporteur spécial de la mission Enseignement scolaire, Gérard Longuet, qui appelle à une révision et une réadaptation du système d’accueil de ces élèves. 

Engorgement des structures d'accueil

Avec la guerre en Ukraine, 20 075 élèves ukrainiens ont été accueillis en novembre 2022 en France, dont 54 % dans le premier degré, 33 % au collège et 13 % au lycée. « Cela représente une hausse d'un tiers du nombre d'élèves allophones scolarisés par rapport à la rentrée 2020-2021 » , peut-on lire dans le rapport de la Cour des comptes. 

Cette intégration est considérée comme un succès du côté de la Cour des comptes comme du côté du Sénat notamment parce que « leur localisation géographique assez bien équilibrée »  a pu permettre à ces élèves d’être scolarisés dès leur arrivée.

Le sénateur s’étonne cependant que cette conjoncture n’ait pas poussé le gouvernement « à créer de nouvelles UPE2A (1) au vu de l'ampleur de la hausse des effectifs de ces classes. » 

En effet, ce cas positif est à relativiser car tout ne se passe pas aussi bien à chaque fois. Les couacs s’observent surtout au niveau des collèges et des lycées, selon le rapporteur spécial. « 15 % des collégiens et 25 % des lycéens attendent plus de trois mois, et respectivement près de 3,5 % et 5,4 % d'entre eux n'ont toujours pas de place plus d'un an après leur test de positionnement. Plus inquiétant, les délais augmentent par rapport à la rentrée 2016-2017. La part d'élèves qui n'étaient toujours pas scolarisés au bout de six mois a augmenté de 126 % au collège et de 106 % au lycée. » 

Ainsi, le rapporteur spécial considère que la recommandation formulée par la Cour de fixer un objectif de délai maximal pour l’accès à l’éducation d’un EANA et l’entrée dans le dispositif (MENJ) va dans le bon sens.

Accompagner l’enseignement 

Pour les magistrats de la Cour des comptes, le constat est clair : la formation des enseignants est insuffisante. En effet, selon l’OCDE, 8 % des enseignants en France « se sentent « bien préparés »  ou « très bien préparés »  pour enseigner en milieu multiculturel ou plurilingue, contre 26 % en moyenne dans l’ensemble de l’OCDE ».

Dans son rapport, le sénateur soulève aussi le fait que peu d’enseignant sont titulaires d'une certification « français langue seconde »  (FLS) alors que cette obtention serait « logique »  pour enseigner à ces « élèves de langues et de cultures différentes ». 

Dans le rapport du Sénat on apprend qu’en Normandie, « parmi les enseignants du premier degré en UPE2A, 66 % sont certifiés FLS et 10 % engagés dans la formation, mais 24 % ne sont pas certifiés. Parmi ceux du second degré dans la même académie, la moitié n'est pas certifiée ». Plus étonnant, la Cour indique que « les enseignants qui ont la certification ne sont pas forcément ceux affectés en UPE2A ».

La Cour propose « de mettre en place une politique systématique de généralisation de cette certification pour ces enseignants. »  Le rapporteur spécial considère lui que cela doit aussi passer « par une mobilisation prioritaire des enseignants certifiés FLS en UPE2A et à long terme par une obligation de certification ou à tout le moins d'engagement dans une certification pour enseigner en UPE2A. » 

Absence de données 

Il est particulièrement difficile d’estimer le nombre d’élèves qui sont dans cette situation. La Cour, comme le rapporteur, regrette le manque de rigueur dans le travail statistique réalisé à ce sujet. Il regrette d’autant plus qu’aucune donnée ne soit fournie sur « sur les langues les plus parlées par ces élèves, leur âge d'arrivée dans le système scolaire français ou leur orientation scolaire. » 

Enfin, le Sénat s’aligne sur le constat établi par la Cour en matière de suivi de ces élèves. « Les données d’évaluation sont très parcellaires et parfois anciennes, explique Nacer Meddah. C’est d’autant plus dommageable que les difficultés initiales de ces jeunes peuvent expliquer en partie le nombre d’élèves se retrouvant au bout du compte en situation d’échec scolaire. Il n’existe pas en particulier d’étude de suivi de cohorte des EANA à partir de la date de leur premier test de positionnement. » 

(1) unité pédagogique pour élèves allophones arrivants : dispositif d’accompagnement des élèves allophones inclus dans les classes ordinaires.
 

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