Situation de plus en plus critique dans les services d'urgence
Par Emmanuelle Stroesser
L'annonce fait grand bruit. Mardi 17 mai, le CHU Pellegrin de Bordeaux – l'un des cinq plus gros centres hospitaliers du pays – a annoncé qu’il fermait ses urgences la nuit, faute de personnel. Entre 20 h et 8 heures, les urgences n'accueillent donc plus que les patients orientés par le 15. Il faut « réserver les urgences adultes aux personnes qui en ont réellement besoin », justifie la direction, expliquant dans un communiqué avoir pris la décision en relation avec l'ARS Nouvelle Aquitaine.
La situation n'est pas isolée ni restreinte à la Gironde. Dans le Centre-Val-de-Loire, début mai, les urgences du Centre hospitalier intercommunal d'Amboise - Château-Renault ont annoncé qu'elles fermaient la nuit pendant le week-end. Là encore faute de médecins pour les nuits de garde. Ce genre de situations se rencontre dans plusieurs départements depuis plusieurs mois, et de façon plus intense depuis plusieurs semaines. Mi-avril, confronté à des problèmes de recrutement, le CHU de Poitiers prévenait que les urgences de Montmorillon fermeraient les 15 et 22 avril. Il y a quelques jours, c'est cette fois pour faire face aux difficultés de recrutement d’infirmières, que le Centre hospitalier de Libourne a décidé, avec l’ARS, de réorganiser le service des urgences en le fermant plusieurs jours de suite avant le week-end. En tout, une cinquantaine de services d'urgences seraient en danger selon le collectif Santé en danger (https://collectif-sed.org).
Sursis à Oloron, mais pour combien de temps ?
Les urgences d'Oloron viennent, elles, d'éviter de justesse le même sort. Les élus soufflent dans le Béarn, mais la respiration reste artificielle, pour user d'une image médicale… Ces urgences devaient fermer jour et nuit voire tout l'été. La nouvelle, connue le 6 mai, a fait l'effet d'un électrochoc. Tout comme l'annonce de leur réouverture quelques jours plus tard, le 10 mai. Ce même jour, dans la rue, les manifestants s'étaient donnés rendez-vous pour défendre l'hôpital. La mairie et la Communauté de communes du Haut-Béarn avaient donné quartier libre à leurs salariés et de nombreux commerçants avaient baissé leur rideau. Finalement, ce n'est pas tant leur mobilisation – bien que massive – qui a joué, mais la décision de quelques médecins de finalement rester travailler au centre hospitalier encore quelques mois.
« La direction de l'hôpital et l'ARS n'avaient pas pris cette décision de fermer les urgences, en réalité, cela s'imposait car il n'y avait pas le personnel suffisant pour assurer les gardes sans avoir des trous dans le planning », corrige Valérie Revel, maire de Lescar et vice-présidente de l'association des maires de Pyrénées-Atlantiques. L'élue connaît bien le centre hospitalier d'Oloron pour avoir présidé, en tant que médecin, sa commission médicale.
La décision des praticiens de rester sur Oloron offre donc un sursis. Rien n'est réglé pour autant. Car ici, sur les 12 médecins qui font tenir l'hôpital, seuls trois sont titulaires, les autres étant intérimaires. « Il nous faut construire la coopération avec l'hôpital de Pau, support du groupement hospitalier de territoire », relance l'élue, désolée qu'il ait fallu cet électrochoc pour relancer ce travail prévu au début de la création du GHT. Ce qui, une fois de plus, met en évidence l’importance d’associer les élus aux décisions stratégiques du GHT et notamment le projet médical de territoire.
Le risque de la course aux vacataires
Face à la pénurie de médecins, le risque est réel que la « course au plus offrant » s'exacerbe entre les hôpitaux. Les enjeux des urgences sont considérables car leur fermeture risque à chaque fois d'entrainer la fermeture d'autres services (chirurgie, etc.). Certains en auront les moyens, d'autres pas. La loi Rist devait justement limiter et encadrer le recours à l'intérim des médecins dans le public en janvier. Le gouvernement a reporté son application (jusqu'à nouvel ordre). Une décision qui semble paradoxale mais qui s'imposait, selon Valérie Revel. « Sinon cela aurait été la catastrophe. » Elle ne pourra s'appliquer que lorsque les hôpitaux se seront a minima organisés dans les territoires, selon elle.
La situation actuelle des services des urgences renvoie aux problématiques récurrentes de l'organisation des soins de premiers recours : la démographie médicale, la situation de l'hôpital et la question des vacataires surpayés. La réponse n'est donc pas unique. « Nous devons travailler à la coopération territoriale entre les hôpitaux, former plus de médecins et mieux rémunérer les gardes de la permanence des soins », conclut l'élue, reprenant les crédos défendus par l'AMF.
Sauver les urgences, voilà donc sans doute le titre de l'un des premiers dossiers à atterrir sur le bureau du futur ministre de la Santé. Les maires, eux, auront l’occasion d’en reparler lors de la prochaine réunion de la commission santé de l'AMF, le 22 juin prochain.
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