Punaises de lit : bientôt une proposition de loi
Par Franck Lemarc
Depuis quelques semaines et l’annonce de la découverte de punaises de lit dans un cinéma parisien, les vidéos se multiplient, sur les réseaux sociaux, affirmant montrer la présence de ces insectes dans le métro ou le RER franciliens, dans des bus de plusieurs grandes villes, dans les hôpitaux ou les écoles… Si ces vidéos sont difficiles à certifier – certains transporteurs affirment que ce sont des faux – et si le risque d’emballement collectif et de psychose ne peut pas être écarté dans certains cas, le développement de ces insectes est indéniable. Selon des chiffres publiés ce matin par Franceinfo, le nombre d’interventions de désinfection pour des cas de punaises de lit a augmenté de 65 % en un an, selon les chiffres de la Chambre syndicale « 3D » (dératisation, désinsectisation et désinfection).
Si la détection de punaises de lit dans l’espace public (cinémas, transport) est relativement nouvelle, le phénomène se développe depuis des années dans les logements, ce qui peut s’avérer catastrophique pour les locataires, qui sont parfois contraints de se débarrasser de toute leur literie et tous leurs vêtements. Une situation vécue comme « un fléau et même un enfer », a déclaré hier le président du groupe Renaissance, hier, lors d’une conférence de presse.
Il semble que toutes les grandes villes sont à présent concernées par ce phénomène dans le pays – ce qui est également le cas dans la plupart des pays de l’hémisphère nord.
Le gouvernement, rappelons-le, a lancé l’an dernier un « plan d’action interministériel » sur ce sujet, qui tarde semble-t-il à produire ses effets, pour ne pas dire qu’il n’en a aucun.
« Vous m’avez ri au nez »
La députée LFI du Val-de-Marne, Mathilde Panot, a interpellé avec colère le gouvernement sur ce sujet, hier, lors de la séance de questions au gouvernement. « En 2017, il y avait 200 000 lieux infectés. J’ai alerté, vous m’avez ri au nez. (…) Nous avons manifesté, pétitionné, désinsectisé des logements, déposé une résolution pour exiger un plan d’urgence. (… ) En 2022, il y avait 1,1 million de sites infestés. Vous avez agi et menti : avec un plan interministériel sans aucune mesure contraignante et l’annonce de la création d’un observatoire, qui n’a jamais vu le jour. » La députée a réitéré la demande de son groupe – « la création d’un service public de la désinsectisation gratuit, efficace, garant de la santé et de l’environnement » – et demandé s’il faudrait attendre « que Matignon soit infesté » pour que le gouvernement agisse.
La Première ministre, Élisabeth Borne, a répondu que ce sujet « ne devrait pas prêter à la polémique » et appelé « à la décence ». Elle a reconnu que le sujet était « une angoisse et un calvaire pour ceux qui sont touchés », et défendu le plan interministériel de 2022, y compris la création de « l’observatoire (qui est) en cours de création ». Pour « amplifier son action », le gouvernement va réunir « l’ensemble des acteurs concernés » dans les prochains jours.
Toutefois, la Première ministre n’a pas répondu sur les demandes concrètes de l’opposition ou de certains élus, comme ceux de la mairie de Paris qui demandent au gouvernement de légiférer pour inclure les punaises de lit dans les risques couverts par les assurances habitation.
Proposition de loi
Le même jour, des députés des trois groupes de la majorité à l’Assemblée nationale (Renaissance, MoDem et Horizons) ont tenu une conférence de presse pour annoncer qu’ils mettraient à l’ordre du jour du 4 décembre une proposition de loi sur le sujet, en première position de l’ordre du jour pour être sûrs qu’elle soit débattue. Cette proposition devrait contenir des mesures concrètes en particulier sur « la connaissance » du phénomène et sa « cartographie », mais aussi des moyens financiers pour lutter contre la prolifération. Interrogé ce matin sur Franceinfo, le député Renaissance Bruno Studer, qui a mis en place un groupe de travail sur cette question, a appelé à « raison garder », estimant que les vidéos diffusées ces derniers jours ne sont pas « sûres ». Il a jugé que l’idée évoquée par la mairie de Paris sur le risque assurantiel est « une piste très sérieuse ». « L’État ne peut pas tout faire, a-t-il conclu, il faut travailler très étroitement avec les collectivités territoriales ».
Que peuvent faire les collectivités ?
Mais quels moyens d’agir ont celles-ci, aujourd’hui ?
Dans le plan d’action interministériel de l’an dernier, le gouvernement met avant tout l’action sur la formation, par exemple celle des Atsem, afin de les aider à détecter les punaises de lit dans les écoles maternelles et « à adopter les comportements adéquats ».
Plus largement, le plan invite à la signature de « conventions de partenariat » entre l’État et les collectivités dans les zones les plus « significativement infestées », sous l’égide des préfets de région. Au moins « un territoire pilote » devait être identifié dans chaque région. Cela a-t-il été fait ? quel en est le bilan ? Il semble qu’aucune donnée ne soit fournie par l’État sur cette question.
C’est d’autant plus dommage que la convention, précise le plan, peut amener à des actions très concrètes, « en précisant la répartition des responsabilités entre les services de l’État et les services communaux dans le cadre de leur mission générale de salubrité publique ». Par exemple, « la convention permettra de mutualiser et coordonner autant que possible les relais d’information et d’accompagnement des particuliers (ADIL, services communaux, CAF, services du conseil départemental, antennes des bailleurs sociaux, etc.), les moyens techniques (tentes chauffantes, chambres froides, etc.) et d’organiser le prêt, la mise à disposition ou la location de petit matériel (appareils à vapeur sèche par exemple) ».
La question de la collecte des déchets infestés se pose également pour les communes et EPCI : des ménages peuvent déposer dans la rue des matelas ou fauteuils infestés, qui peuvent être récupérés et aller infester d’autres logements. Il faut donc mener une politique volontariste pour « rendre ces biens inutilisables ».
Il paraît souhaitable que les solutions préconisées par ce plan fassent l’objet de bien davantage de publicité et de volontarisme de la part des préfets. Il reste à savoir ce que sera le contenu précis de la proposition de loi que va proposer la majorité en décembre, dont on ne peut qu’espérer qu’elle permettra d’apporter – y compris aux élus – des moyens à la hauteur de ce « fléau ».
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