Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 10 mars 2023
Santé publique

Plafonnement des tarifs de l'intérim médical : les maires, inquiets, demandent de « l'anticipation »

Les dispositions de la loi Rist, qui plafonne la rémunération des vacations des médecins intérimaires dans les établissements de santé, vont entrer en vigueur le 3 avril. Si les associations d'élus sont favorables à ce plafonnement, elles appellent l'État à faire preuve d'anticipation. 

Par Franck Lemarc

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© Pixabay

2 000, 3 000, jusqu’à 5 000 euros par jour. C’est le tarif que perçoivent certains médecins intérimaires pour venir travailler dans un service d’urgence. Face à l’opprobre que suscitent ces pratiques (et à leur coût pour les finances publiques), le législateur a décidé de plafonner ces tarifs – via la loi dite Rist (loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification). Le plafond a été fixé à 1 170 euros brut pour une vacation de 24 heures. 

Mais beaucoup craignent aujourd’hui que la mise en œuvre de cette disposition, le 3 avril prochain, provoque des dysfonctionnements. 

Concertations locales

Le ministre de la Santé, François Braun, ne mâche pas ses mots quand il évoque ce sujet : dans un débat parlementaire, il a évoqué « un intérim cannibale qui rémunère injustement le nomadisme professionnel et détruit la cohésion des équipes ». Le terme de « mercenariat »  est également souvent évoqué pour qualifier ces pratiques – dont François Braun a rappelé, cette semaine encore au Sénat, qu’elles sont « minoritaires », la question étant non de s’attaquer « à l’intérim médical de manière générale mais à ses dérives ». 

Reste que les élus comme les professionnels sont inquiets, à l’approche de l’échéance du 3 avril. Témoin, la sénatrice socialiste des Côtes-d’Armor Annie Le Houérou, qui indiquait le 2 mars dernier, lors d’une séance de questions au gouvernement : « Nous sommes alertés par les praticiens hospitaliers, notamment dans les services d'urgence, qui peinent à boucler les plannings faute d'intérimaires acceptant les nouveaux tarifs. » 

C’est la même question que pose Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission Santé de l’AMF : « Nous sommes évidemment favorables au plafonnement, parce que les dépenses liées au paiement de l’intérim sont totalement déraisonnables, explique-t-il à Maire info. Mais nous avons la crainte d’un bras de fer entre les médecins urgentistes et l’État. Que va-t-il se passer si certains urgentistes jouent la politique de la chaise vide ? » 

Du côté de l’Association des petites villes de France (APVF), les craintes sont les mêmes : dans un communiqué publié hier, les maires des petites villes disent souhaiter « la fin du mercenariat »  mais vouloir à tout prix éviter que celle-ci « menace le fonctionnement des établissements de proximité », qui sont « très dépendants des intérimaires ». L’association demande au ministre de la Santé si des « dérogations »  pourront être accordées après le 3 avril « pour ne laisser aucun établissement sans solution ». 

Il paraît donc indispensable, tant à l’AMF qu’à l’AMRF, de préparer très en amont le basculement. « Il faut absolument anticiper les conséquences de ce plafonnement, insiste Frédéric Chéreau, il faut partager l’information avec les maires. »  Même préoccupation à l’AMRF, qui constate que « les concertations locales que doivent mener les ARS avec les acteurs locaux pour anticiper les risques de fermetures de services et apporter des solutions sont encore trop disparates sur le territoire ». L’association appelle l’État à « renforcer »  ces concertations, quitte, si nécessaire, « à repousser une nouvelle fois encore la mise en œuvre concrète de ce plafond tarifaire »  (qui devait initialement entrer en vigueur en octobre dernier). 

Le ministre de la Santé semble sur la même longueur d’onde. Début mars, au Sénat, il a indiqué avoir « demandé aux agences régionales de santé (ARS) d'animer des concertations locales, territoire par territoire, avec les préfets et les élus pour affiner les diagnostics, établissement par établissement ». Il leur a demandé de « construire des solutions avec les professionnels de santé du territoire, mais également avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les établissements sièges de groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont c'est la responsabilité. » 

La question de la ville

Sans oublier la médecine de ville, car, comme le répète inlassablement Frédéric Chéreau, « le vrai sujet des urgences, c’est la médecine de ville ! ». Alors que les statistiques montrent que les deux tiers des patients reçus aux urgences devraient, en réalité, être reçus en ville, la véritable question est là : comment assurer une permanence des soins, en ville, qui permette aux patients de se tourner vers un généraliste de garde plutôt que d’engorger les urgences ? Des réflexions devraient être menées sur plusieurs fronts, estime le maire de Douai, non seulement sur la présence des médecins, par exemple au sein des maisons médicales de garde, mais y compris sur les modalités d’accès aux soins : « Il faudrait réfléchir par exemple à la suppression du ticket modérateur dans les maisons médicales de garde, pour que leur accès, comme celui des urgences, soit perçu comme gratuit ». Et d’ajouter : « Du côté des maires, nous sommes prêts à appliquer des solutions innovantes. Il faut que l’État invente – la santé est de sa compétence – et nous participerons à l’effort collectif. » 

La question de l’intérim, on le voit, n’est qu’une partie d’un problème bien plus général. Reste que beaucoup de questions se posent, à moins d’un mois de l’échéance du 3 avril. Les établissements privés, par exemple, vont-ils s’aligner sur les tarifs imposés par la loi Rist dans le public ? S’ils ne le font pas, la distorsion qui s’établirait alors entre établissements publics et privés risquerait de vider littéralement les hôpitaux publics. Le ministre de la Santé se veut optimiste sur ce point : il a indiqué le 2 mars que « les acteurs du secteur privé se sont engagés (…) à nous suivre sur la voie d'une rémunération raisonnée de ces périodes d'intérim médical ». À voir. 

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