Pièges à moustiques au CO2 : l'Anses appelle les maires à la prudence
Par Franck Lemarc
Le développement préoccupant des moustiques tigres, vecteurs de maladies telles que dengue, chikungunya et zika, incite un certain nombre d’élus à chercher des solutions techniques, d’autant que la réglementation leur donne, depuis 2019, des responsabilités particulières en la matière.
Il faut néanmoins être prudent, alerte l’Anses, notamment sur la question des pièges à moustiques émettant du C02, car les fabricants de pièges à CO2 doivent déposer une demande d'autorisation de mise sur le marché, mais,à ce jour, aucun dispositif n'en dispose. Ils sont néanmoins tout de même achetés par des communes pour des sommes parfois importantes.
Publicité mensongère
Un coup d’œil aux sites internet spécialisés permet de consulter les offres alléchantes des fabricants de pièges à moustiques à base de CO2. Tel fabricant assure que l’efficacité de son dispositif est « prouvée scientifiquement » (en soulignant cette mention), qu’il « respecte l’environnement » et ne contient « aucun produit toxique ». Tel autre se dit « écologique » avec une « efficacité maximale » là encore « prouvée scientifiquement ».
Le problème étant que ces affirmations sont uniquement publicitaires voire, dans certains cas, mensongères.
Pas de preuves scientifiques
De quoi parle-t-on ? Il existe, explique à Maire info Johanna Fite, référente du groupe « Vecteurs » à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), deux types de pièges à moustiques : les premiers « imitent des lieux de ponte », avec un récipient rempli d’eau qui piège, avec des bandes collantes ou des insecticides, les femelles qui viennent y pondre. Les seconds attirent les moustiques en simulant la présence d’un être humain, ou l'émission de CO2 ou d'agents olfactifs, afin de simuler la respiration d’un être vivant.
L’Anses n’affirme pas « que ces pièges ne sont pas efficaces », mais simplement qu’il n’y « a pas de preuves scientifiquement établies de leur efficacité », explique Johanna Fite. Au temps pour la mention « scientifiquement prouvé » qui figure sur de nombreuses annonces.
Plus grave, le CO2 qui est utilisé dans ces pièges est une substance biocide. Les dispositifs sont donc soumis à une réglementation particulière et doivent bénéficier d’une AMM (autorisation de mise sur le marché). Or « les fabricants passent outre », regrette Johanna Fite, qui constate qu’aucun dispositif n'en dispose. Certes, l’application d’un régime transitoire fait que ces dispositifs peuvent être commercialisés sans AMM jusqu’au mois de juillet prochain, mais à cette date, cela ne sera plus légalement possible sans AMM.
Le manque d’études scientifiques sur l’efficacité de ces pièges et sur leur innocuité doit donc pousser les maires à la prudence. Mais il est pourtant remonté à l’Anses qu’un certain nombre de communes s’équipent de tels dispositifs, pour un budget qui peut atteindre « plusieurs dizaines de milliers d’euros ».
Dans un avis publié en septembre dernier, l’Anses appelle à attendre que des protocoles scientifiques d’évaluation de l’efficacité de ces dispositifs soient menés avant de dépenser des sommes parfois importantes pour s’en équiper.
Prendre le problème à la source
De toute façon, Johanna Fite rappelle que les pièges ne doivent être utilisés qu’en complément d’autres mesures, à commencer par le traitement du problème à la source – c’est-à-dire l’élimination des gîtes larvaires. Une lutte efficace contre les dépôts d’eau stagnante est le principal moyen de lutter contre la propagation des moustiques. Et si, en l’espèce, les maires ont un certain nombre de responsabilités, tous les experts insistent sur l’importance de « la mobilisation sociale », c’est-à-dire le fait d’impliquer le plus grand nombre de personnes possible dans cette lutte. « Un petit geste comme celui de vider les coupelles sous les pots de fleurs n’a l’air de rien, explique l’experte de l’Anses, mais il a une importance considérable » s’il est effectué par tous. D’où l’importance de la communication, par les communes par exemple, vis-à-vis du grand public.
« Lutte intégrée » et « mobilisation sociale »
Rappelons que depuis le décret du 29 mars 2019, les maires ont des responsabilités nouvelles en la matière, puisqu’il entre désormais dans leurs compétences « d’agir aux fins de prévenir l’implantation et le développement d’insectes vecteurs sur (leur) commune ». Dans ce but, il peut notamment « informer la population et mettre en place des actions de sensibilisation du public » ; mettre en place, dans les zones urbanisées incluant une mare, « un programme de repérage, de traitement et de contrôle des sites publics susceptibles de faciliter le développement des insectes vecteurs » ; intégrer un volet relatif à la lutte antivectorielle dans le plan communal de sauvegarde (PCS). Les maires concernés doivent également prescrire aux propriétaires de terrains bâtis ou non bâtis incluant des mares ou des fossés à eau stagnante « les mesures nécessaires pour lutter contre l'insalubrité que constitue le développement des insectes vecteurs ».
Pour en savoir plus sur les mesures que peuvent prendre les maires dans ce domaine, l’Anses recommande aux maires de s’inspirer du Guide à l’attention des collectivités souhaitant mettre en œuvre une lutte contre les moustiques urbains vecteurs de dengue, de chikungunya et de zika publié en 2016 par le Centre national d’expertise sur les vecteurs. Même si ce guide a vieilli sur les questions réglementaires, puisqu’il date d’avant le décret de 2019, il est riche de conseils et de recommandations pour mener une « lutte intégrée », c’est-à-dire « combinant des mesures biologiques, physiques, chimiques et de mobilisation sociale, dans un double objectif d’efficacité contre la population vectorielle ciblée et de respect de l’environnement ».
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