Médecine préventive dans la fonction publique territoriale : état des lieux des difficultés rencontrées
Par Lucile Bonnin
« Nous sommes au cœur des préoccupations de la délégation, commence Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. C’est un sujet préoccupant dans la mesure où il en va de la capacité des maires à pouvoir faire face à la responsabilité d’employeur qui est la leur. »
Cette table ronde est en lien direct avec un rapport d'information de Philippe Mouiller et Patricia Schillinger, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, Les collectivités à l'épreuve des déserts médicaux : l'innovation territoriale en action.
« La loi de 1984 créé des obligations précises et lourdes en terme de responsabilité aux exécutifs de la fonction publique territoriale, puisqu’il y a une obligation de disposer d’un service de médecine préventive, rappelle Françoise Gatel. La loi précise que le cadre de la médecine préventive est "d’éviter toute altération de l’état de santé des agents du fait de leur travail" » . Les élus peuvent donc créer leurs propres services de santé préventive ou adhérer à des services de santé existant. Mais certains maires peuvent se sentir démunis face à cette obligation.
Médecine préventive : un problème d’attractivité
La présidente rappelle alors en préambule que lors de l’audition de François Baroin, président de l’AMF, « beaucoup d’entre nous ont soulevé la question de l’attractivité de la médecine préventive dans la fonction publique territoriale et les difficultés de recrutement et de formation. »
Mauvaise réputation auprès des jeunes, salaire moins attractif, impossibilité de faire des prescriptions… Catherine Di Folco, sénatrice du Rhône, raconte que « pour avoir discuté avec beaucoup de jeunes médecins, quand je leur demande pourquoi ils ne vont pas sur la filière médecine de prévention, ils répondent : « ce n’est pas de la médecine ». Il y a une culture à modifier dans l’approche de l’étude de médecine. »
Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion, constate également cette grande difficulté à recruter des médecins de prévention. « D’abord, durant le cursus universitaire, peu de médecins sortent avec cette spécialité, il faut donc pallier cette carence. En centre de gestion, on peut recruter des médecins collaborateurs mais il faut déjà un médecin agréé pour être tuteur. Ensuite, un médecin collaborateur doit faire une formation longue et coûteuse : 278 jours de formation qui coûtent environ 25 000 euros en plus du salaire. C’est une difficulté financière. Il arrive même de payer la formation et de les voir partir dans le privé. Pour pouvoir renforcer la prévention santé, il faut attirer les compétences et les fidéliser. »
Les centres de gestion accompagnent les élus
Pour accompagner les employeurs territoriaux dans la mise en œuvre de leurs obligations réglementaires en matière de santé et de sécurité au travail et afin de préserver la santé des agents, le centres de gestion travaillent avec des équipes pluridisciplinaires. « À ce jour, 82 centres sur 98 ont mis en place la médecine préventive qui couvre environ un million d’agent sur 1,9 million, explique Michel Hiriart. Les autres agents sont couverts par la médecine propre de la collectivité ou par la médecine privée. »
Mais pour être efficaces, les CDG ont besoin aussi de plus. « Depuis 10 ans, les CDG ont recruté des infirmières du travail pour pallier le manque de médecin, raconte Chantal Étard-Voisin, présidente du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine. Ces professionnelles assurent notamment les entretiens infirmiers et le suivi, l’entretien médical sous la responsabilité du médecin. Mais il faudrait un protocole réglementaire pour sécuriser les médecins qui confient des missions aux infirmières. »
D’autres solutions pour venir en soutien de certains élus, et aider leurs agents, ont été développées dans des CDG. Catherine Di Folco rapporte que le centre de gestion 69 a créé « la médecine de contrôle en complément à la demande de grands employeurs qui ne sont pas affiliés aux centres de gestion mais qui ont pris cette initiative. Cela permet une rencontre des agents en arrêt avec un tiers de confiance, qui est là pour prendre en compte la situation. » Ce même réseau a déployé un service de maintien ou de retour à l’emploi.
Besoin d’accompagnement et de formation des élus
La situation difficile pointée lors de cette table ronde a une cause bien plus profonde. Françoise Gatel la résume ainsi : « Un maire se découvre soudainement employeur et a besoin d’être accompagné et formé. Il faut que l’État comprenne que les collectivités ne sont pas l’État et que l’État ne peut pas décider de parler pour nous… »
Référence directe au projet gouvernemental de plan santé au travail 2021-2026 qui avait été présenté en juillet dernier par la DGAFP. Les sénateurs ont d'ailleurs regretté l’absence de cette dernière et espèrent pouvoir faire porter la voix des collectivités notamment sur ce sujet qui préoccupe toujours les élus.
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