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Édition du mardi 22 octobre 2024
Santé publique

Le droit à l'avortement affaibli par des disparités territoriales dans l'accès à l'IVG

La commission des affaires sociales du Sénat souligne dans un rapport l'importance d'assurer un accès effectif à l'IVG pour l'ensemble des patientes et dans tous les territoires. Aujourd'hui, l'accès à l'IVG est très inégal et certains freins locaux ont été identifiés par les rapporteurs.

Par Lucile Bonnin

Depuis mars 2024, la loi inscrit dans la Constitution la liberté garantie des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). C’est donc désormais un droit fondamental et garanti. Pourtant, la protection de ce droit dans les faits est complexe car l'accès à l'IVG en France est très inégal. 

D’un département à l’autre et d’une commune à l’autre, il peut être plus ou moins compliqué d’avoir recours à un avortement. Malgré de récentes évolutions législatives qui visent à simplifier le parcours de soins des patientes, de fortes disparités territoriales demeurent et mettent à mal l'effectivité du droit. 

Un inégal engagement des professionnels de ville

La mission flash du Sénat constate que « si la part de la ville dans l'offre d'IVG a significativement progressé ces dernières années, elle demeure toutefois très inégale d'un territoire à l'autre et ne repose que sur une faible minorité de professionnels de santé impliqués ».

Les sénateurs indiquent qu’en 2023, moins de 10 % des IVG ont été réalisées hors d'un établissement de santé dans l'Orne, la Creuse, la Sarthe ou la Haute-Vienne, alors que plus de 60 % d'entre elles étaient réalisées en ambulatoire dans les Hautes-Alpes et dans les Alpes-Maritimes, en Guadeloupe et en Guyane.

L’inégale répartition des professionnels de santé libéraux en France ne serait pas responsable de ces écarts problématiques : l'inégal engagement des professionnels de ville dans l'offre d'IVG et l'inégale propension des femmes à y recourir sont en réalité à l’origine de ces disparités. 

L'implication des professionnels de santé dans la réalisation d'IVG en ville est « fortement minoritaire »  puisqu’en 2023 seulement 14 % des sage-femmes, 19 % des gynécologues médicaux ou gynécologues-obstétriciens et 1,5 % des médecins généralistes ont pratiqué au moins une IVG dans l'année.

Rappelons que le gouvernement a procédé, le 1er mars 2024, à une revalorisation du tarif associé aux IVG médicamenteuses et a « fait figurer parmi les missions des DSRP celle de soutenir la montée en compétence des professionnels exerçant en cabinet libéral ». Pour aller plus loin, le Sénat propose de « fixer aux ARS des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville contribuant à l'offre d'IVG médicamenteuse, favoriser l'accès des professionnels à une formation de qualité et simplifier les procédures de conventionnement ».

Choix de la méthode et accès aux IVG tardives 

Il faut aussi souligner que le nombre d'établissements de santé ayant réalisé plus d'une IVG a diminué de 23,7 % depuis 2005, alors que le nombre d'IVG réalisées en France augmentait de plus de 8 % sur la même période. Plus grave encore : cet effet de la concentration de l'offre hospitalière sur l'accès à l'IVG va de pair avec le fait que l'ensemble des établissements impliqués ne proposent pas une offre complète. De fait, il y a peu d’offre pour les patientes et peu de choix en ce qui concerne le type d’intervention souhaitée. 

Un quart environ des établissements réalisant des IVG ne proposent un accès qu'à l'une des deux techniques et, le plus souvent, qu'à la technique médicamenteuse. En 2023, seulement 23 % des établissements contributifs proposent les deux techniques : l'IVG médicamenteuse et l'IVG chirurgicale (ou instrumentale). Pourtant, la loi dispose que « toute personne doit être informée sur les méthodes abortives et a le droit d'en choisir librement » .

La mission indique que, selon le ministère, dix ARS font état de zones infrarégionales dans lesquelles une seule méthode d'IVG est proposée. « De la même manière, d'après le "Baromètre IVG" publié par le planning familial, 31 % des femmes ayant avorté avant le début de leur huitième semaine de grossesse affirment ne pas avoir eu le choix de la méthode. » 

Plus inquiétant encore, concernant la prise en charge des IVG tardives (au-delà de 12 semaines),  232 établissements peuvent proposer cet intervention, soit environ 44 % des structures contributives. Les rapporteurs insistent sur l’importance de soutenir au niveau régional la formation des sage-femmes et, plus largement, des équipes hospitalières à la technique instrumentale.

Des difficultés durables dans certains territoires 

Six ARS (Auvergne-Rhône-Alpes, Corse, Centre-Val-de-Loire, Grand Est, Guadeloupe, Guyane) estiment que des zones de leur territoire régional sont éloignées de plus d’une heure d’une offre d’IVG. Particularités géographiques, maillage insuffisant de l'offre hospitalière et libérale, difficultés de transport : les outre-mer et zones rurales sont particulièrement concernées.

Les sénateurs demandent donc un renforcement du suivi de l’accès à l’IVG, par la mise en place d’indicateurs supervisés par les ARS notamment comme la distance entre le lieu de réalisation et le domicile de la patiente, le délai de réalisation, le libre choix de la méthode retenue etc… Les rapporteurs préconisent aussi de faciliter la réalisation d'IVG médicamenteuses en téléconsultation dans le cadre d'une prise en charge hospitalière.

L’information à destination des patientes est aussi un axe d’amélioration décisif. Pour améliorer la visibilité de l’offre locale disponible, les sénateurs appellent à « finaliser la mise en place des répertoires régionaux et favoriser leur actualisation en permettant aux ARS de prendre connaissance des conventions conclues entre les établissements de santé et les professionnels exerçant en ville. » 

Consulter l'Essentiel du rapport.

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