Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 22 octobre 2024
Social

Cotisations CNRACL : employeurs et députés dénoncent une hausse « insoutenable »

Prévue dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la hausse brutale de la cotisation employeur à la CNRACL provoque l'incompréhension et la colère des employeurs territoriaux et hospitaliers. À l'Assemblée nationale, plusieurs députés demandent, par amendement, le retrait de cette mesure. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© Adobe stock

C’est avec « stupéfaction »  que la Coordination des employeurs territoriaux (1) a appris le projet du gouvernement d’augmenter de 4 points la cotisation employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), hausse qui devrait être suivie de deux autres en 2026 et 2027. Dans un communiqué publié hier, la CET dénonce « une hausse soudaine et inédite, décidée unilatéralement », qui pourrait coûter jusqu’à 5 milliards de plus par an aux collectivités et aux employeurs hospitaliers en 2027.

La CET « tire la sonnette d’alarme » 

La Coordination rappelle que les cotisations à la CNRACL ont déjà augmenté d’un point en 2024. La Première ministre Élisabeth Borne avait alors promis une compensation pérenne… mais celle-ci ne se prolongera pas en 2025, ce qui prouve une fois de plus que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et voilà donc un nouveau train de hausses dont le premier wagon – 4 points en 2025 – coûtera 1,3 milliard d’euros aux collectivités l’an prochain. Si le projet d’appliquer une hausse similaire les deux années suivantes se concrétise, ce seront bien entre 4,5 et 5 milliards d’euros supplémentaires qu’il faudra dépenser… à l’heure où le gouvernement somme les collectivités de réduire leurs dépenses de fonctionnement. 

Rappelons qu’en 2012, la part employeur de cette cotisation était de 27,3 %. En 2027, si une hausse de 4 points par an était appliquée, elle serait de 43,65 %... soit une hausse de 60 % en une quinzaine d’années !

« Face à cette augmentation massive de cotisations annoncée, écrit la CET, qui s’inscrit dans un cadre budgétaire de plus en plus contraint, la Coordination des employeurs territoriaux tire la sonnette d’alarme sur la mise en péril des finances publiques locales, sur le risque d’insolvabilité de certaines collectivités territoriales. »  Sans compter qu’à l’heure où chacun s’accorde à dire qu’il faut augmenter l’attractivité des métiers de la fonction publique territoriale, on voit mal comment les employeurs pourraient faire des efforts sur les rémunérations s’ils doivent assumer ce coup de bambou sur les cotisations. 

En conséquence, la Coordination se dit « indignée de la façon dont sont traitées les collectivités territoriales et du manque de considération porté aux employeurs territoriaux qui, en responsabilité, ont multiplié les alertes et se sont tenus à disposition du gouvernement ». 

Mesure réglementaire

Il faut donc espérer que lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) au Parlement, qui se déroule parallèlement à celui du projet de loi de finances, le législateur arrivera à faire reculer le gouvernement sur ce point. Mais la chose est assez compliquée, car la hausse des cotisations CNRACL ne relève pas de la loi mais d’une simple mesure réglementaire (décret). C’est la raison pour laquelle cette mesure ne figure pas « en dur »  dans le PFLSS : en réalité, elle est inscrite dans un rapport « décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général »  (voir en p. 85 du PLFSS). Dans le projet de loi lui-même figure uniquement, à l’article 14, le fait « d’approuver »  ce rapport. Cette approbation donnerait quitus au gouvernement pour recourir à ces hausses de cotisation, par décret. 

Et pas seulement : c’est également dans ce rapport que figurent les objectifs de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) ainsi que des mesures diverses comme la hausse du reste à charge après consultation chez le médecin, ou le report de six mois de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation.

Amendements d’appel

À l’Assemblée nationale, un certain nombre de députés ont donc déposé des amendements sur cet article 14 pour contester la hausse des cotisations CNRACL. 

Plusieurs d’entre eux ont choisi de déposer directement un amendement proposé par l’AMF, France urbaine, Intercommunalités de France et la Fédération hospitalière de France. Cet amendement vise à « interpeller le gouvernement sur le caractère unilatéral »  de la hausse  – qui n’a fait l’objet d’aucune concertation – et le fait que cette hausse « soudaine et substantielle »  soit « insoutenable ». L’amendement, tout comme le communiqué de presse de la CET, ne manque pas de rappeler que la CNRACL, au titre du mécanisme dit de « compensation démographique », a largement contribué à renflouer les autres caisses, puisqu’elle a vu ses recettes amputées de quelque 100 milliards d’euros à ce titre depuis 1974. Cette nouvelle hausse, peut-on lire dans l’amendement, « confère aux employeurs territoriaux et hospitaliers un rôle inacceptable de ‘’payeurs en dernier ressort’’ du solde du système de retraite pris dans sa globalité ». 

Il est également rappelé que, pour les collectivités locales, cette hausse de 5 milliards s’ajoute à toutes les mesures contenues dans le projet de loi finances (ponctions sur le budget des collectivités, non-indexation de la DGF, baisse drastique du Fonds vert…). En additionnant toutes ces mesures, on aboutit à une addition qui est probablement la plus lourde jamais payée par les collectivités, pour « participer »  à la réduction d’un déficit dont il faut, une fois de plus, rappeler qu’elles ne sont aucunement responsables. 

Il est intéressant de noter que l’amendement de l’AMF et des autres associations d’élus a été repris par des députés d’obédiences politiques très variées, allant du Parti socialiste (Céline Thiébault-Martinez) aux Républicains (Vincent Rolland) en passant par la députée macroniste Violette Spillebout. Si les choix individuels de ces députés se reflètent, ne serait-ce qu’en partie, dans ceux de leur groupe politique à l’Assemblée, il est tout à fait possible que ces amendements soient votés. Mais il ne s’agit que d’amendement d’appel – autrement dit, même si l’article 14 était rejeté, cela n’empêcherait pas forcément le gouvernement de décider par décret d’augmenter les cotisations employeurs. 

L’AMF et la CET continueront, quoi qu’il en soit, à réclamer une « remise à plat globale et sérieuse »  du système de retraite des agents, qui pourrait s’appuyer sur certaines pistes proposées dans un rapport inter-inspections publié fin septembre

(1)   AMF - Départements de France - Régions de France – Intercommunalités de France - France Urbaine - Villes de France - APVF - AMRF - CNFPT - FNCDG -Collège employeurs du CSFPT

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2