Ehpad : des sénateurs préconisent le lancement de contrôles financiers dans tous les groupes privés
Par A.W.
« Les autorités de contrôle ne remplissent pas leur mission, en tout cas pas suffisamment. » C’est le constat du sénateur de la Loire Bernard Bonne (LR) qui a fustigé « la volonté de faire des profits […] au détriment des résidents » des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad), lors de la présentation, mercredi dernier, du rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur le contrôle de ces maisons de retraite.
Une mission lancée après la parution, en début d’année, d’une enquête du journaliste Victor Castanet sur les pratiques du groupe Orpea et les mauvais traitements infligés aux personnes âgées, mais qui n’a rien d’un « exercice d’Ehpad-bashing », s’est défendu d’emblée le sénateur.
Contrôles financiers des groupes privés
Alors que les contrôles existants ont jusqu’à présent été « prioritairement axés » sur la maltraitance, la commission juge que « cela ne suffit pas » et déplore ainsi de « nombreux angles morts ». Selon Bernard Bonne, « il faut absolument que le contrôle et l’encadrement des groupes multigestionnaires soient renforcés », alors même que le gouvernement a annoncé un vaste plan de contrôles dans les 7 500 Ehpad français (publics et privés) dans les deux prochaines années
Pour les sénateurs, « ce n’est pas la priorité ». « La priorité, c’est de contrôler sur le plan financier tous les Ehpad privés lucratifs », a estimé le sénateur de la Loire, celui-ci souhaitant ainsi étendre la campagne de contrôle annoncée par le gouvernement aux sièges des groupes privés lucratifs.
À ses yeux, « on a beaucoup parlé d’Orpéa, mais je crois qu’il y a beaucoup à voir au niveau de tous les autres groupes privés lucratifs […]. Ils méritent que l’on s’attarde assez longuement sur la façon dont ils procèdent dans leur gestion des fonds publics ». En effet, selon lui, « il n’est plus suffisant de contrôler les établissements, il faut surtout trouver le moyen de contrôler les groupes, ce qui n’était pas fait du tout jusqu’à aujourd’hui ».
Des situations contrastées selon les territoires
La priorité est donc de « commenc[er] par les groupes privés commerciaux » et par la suite les Ehpad privés non-lucratifs et publics. Les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) seraient ainsi chargées de contrôler tous les groupes intervenant dans le secteur, « une convention pluriannuelle d’objectifs entre ces groupes privés et la CNSA serait conclue pour piloter cette campagne ».
En outre, les auteurs du rapport mettent en avant un nombre de contrôles réalisés par les ARS (sur la période 2018-2021, ce sont environ 2 800 missions d’inspections qui ont été réalisées, soit environ 700 par an en moyenne) qui reste « limité » au regard du nombre d’établissements autorisés en France. En effet, « un Ehpad est contrôlé tous les 20 ou 30 ans », pointent-ils. En cause, la baisse des effectifs des autorités de tarification et de contrôle.
De plus, ces situations sont « assez contrastées selon les territoires », observent les sénateurs, pour qui il est « indispensable d’attribuer des moyens supplémentaires aux autorités de tarification et de contrôle pour accroître les missions dans ce secteur ».
Meilleure coordination
Les sénateurs souhaitent également une meilleure coordination entre les différents acteurs (ARS, la répression des fraudes/DGCCRF, etc.) qui peuvent intervenir, en créant « un comité d’animation des contrôles » au niveau national qui réunirait les directions d’administrations centrales et les caisses de sécurité sociale concernées, le défenseur des droits, dans le but de « définir des orientations nationales et donner des impulsions aux réseaux déconcentrés ». Celui-ci serait également décliné au niveau départemental.
Ils rappellent, par ailleurs, que, « pour un certain nombre d’acteurs, la médicalisation souhaitable des Ehpad emporte ou emportera à terme une compétence élargie des ARS dans les territoires, ne laissant éventuellement aux départements que la compétence d’aide à domicile ». « Un tel recul de la place des départements dans la politique médico-sociale n’est pas opportun », juge ainsi les auteurs du rapport.
Limiter l’expansion des groupes privés
Alors que « la place croissante » des groupes privés dans le secteur des Ehpad est indéniable, ces derniers estiment qu’il faut désormais limiter leur expansion.
Entre 1986 et 2015, le nombre de places en établissements médico-sociaux médicalisés et non médicalisés s’est accru de 85 %, une croissance qui a été très majoritairement portée par le secteur privé et notamment par le secteur privé lucratif, où elle atteint 560 % sur cette période. « Même si le secteur public gère toujours la moitié des places accessibles, le poids de ce dernier s’est considérablement réduit », constatent les sénateurs, ceux-ci soulignant que « dans certains départements, l’offre privée lucrative représente maintenant plus de la moitié des places effectives ».
Les rapporteurs suggèrent ainsi de proposer des mesures d’encadrement de l’offre à but lucratif et que les autorités puissent avoir un « droit d’opposition » aux transferts d’autorisation afin qu’elles soient « en capacité de piloter l’offre dans le temps et de choisir les opérateurs ».
Ils demandent, enfin, l’examen d’une loi consacrée au grand âge et à l’autonomie, « une priorité absolue ». D’autant que le besoin de places en Ehpad va continuer à s’accroître dans les années à venir. « La population de personnes âgées dépendantes, estimée à 2,5 millions de personnes en 2015, pourrait atteindre 4 millions en 2050 », rappellent-ils, estimant à 56 000 le nombre de places à ouvrir en Ehpad d’ici 2030. « Il devient fondamental d’investir massivement dans la modernisation du bâti […] surtout publics », assurent-ils.
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