Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 9 mars 2023
Réforme des retraites

Réforme des retraites : le Sénat obtient la garantie de la compensation de l'augmentation des cotisations pour les employeurs territoriaux

Le débat sur la réforme des retraites se poursuit au Sénat, où le recul de l'âge de départ à 64 ans a été voté hier. Les sénateurs ont fait inscrire dans le texte, par amendement, le principe de la compensation par l'État de la hausse des cotisations retraites des employeurs territoriaux. 

Par Franck Lemarc

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© Senat.fr

Les débats sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), au Sénat, prennent une tournure différente de ceux qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale : la droite sénatoriale, en effet, a pris le parti de soutenir clairement le texte du gouvernement, quitte à utiliser une forme de procédure accélérée pour écourter les débats. Au milieu des invectives, interruptions de séances et autres départs groupés de l’opposition, les sénateurs ont toutefois fait adopter un amendement engageant le gouvernement à compenser l’augmentation d’un point des cotisations retraites des employeurs territoriaux. 

« Garanties » 

C’est au cours de la discussion sur l’article 6 du texte, mardi 7 mars, que la question des cotisations des employeurs publics, et plus généralement du régime de la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) a été discutée.

Une première batterie d’amendements visait à faire supprimer la hausse d’un point des cotisations employeurs qui, rappelons-le, a été décidée non seulement sans concertation avec les associations d’élus, mais aussi après que le gouvernement eut affirmé publiquement que ces cotisations n’augmenteraient pas. C’est donc à la fois « une mauvaise surprise et une mauvaise manière, puisque le gouvernement s’était engagé à ne pas y toucher », comme l’a relevé la sénatrice LR de Paris Laurence Muller-Bronn. Cette augmentation des cotisations à la CNRACL devrait représenter quelque 500 millions d’euros par an pour les budgets locaux, a poursuivi Cécile Cukierman (Loire, PCF). « Or les collectivités territoriales sont déjà dans une situation financière compliquée, entre gel ou baisse des dotations et hausse des prix de l'énergie. Le service public local s'en ressent, alors qu'il est pour nombre de nos concitoyens le dernier service public qui reste. » 

Tous les amendements visant à supprimer cette hausse de cotisations ont été rejetés. Des amendements de repli ont ensuite été défendus, pour inscrire dans le texte l’engagement pris par la Première ministre de « compenser »  cette hausse. Sans enthousiasme de la part de nombreux sénateurs, qui savent ce que valent, à long terme, les promesses de « compensation à l’euro près ». Quand bien même les amendements garantissant la compensation ont été adoptés, (« Pour les employeurs publics de la CNRACL, l’État compensera intégralement le surcoût qui en résulte dès 2023, selon des modalités définies en loi de finances », dispose désormais le texte), plusieurs sénateurs ne se sont guère montrés plus rassurés : « Rien ne garantit la pérennité des compensations demandée par l'amendement des rapporteurs. L'expérience montre que la compensation promise n'est pas toujours au rendez-vous », a ainsi remarqué Jean-Claude Tissot (Loire, PS). « Nous voulons la garantie qu'il n'y aura aucun tour de passe-passe dans cette promesse de compensation, comme une baisse de DGF pour financer cette hausse de cotisation », a surenchéri Jean-Michel Arnaud (Hautes-Alpes, Union centriste). 

Le gouvernement ne s’est pas engagé sur les modalités de compensation : le ministre chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, s’est dit « ouvert »  sur ces modalités, qui pourraient passer par un prélèvement sur recettes, une hausse de la DGF... « J’attends les calculs des associations, avant d’avancer avec elles », a indiqué le ministre, qui a clairement « refusé de revenir sur cette hausse de cotisations ». Et d’enfoncer le clou : « Des hausses des cotisations à la CNRACL, il y en a eu tous les ans durant le quinquennat Hollande, elles n’ont jamais été compensées. C’est la première fois. » 

Questions de fond

Au-delà de la question de la hausse des cotisations, le débat n’a pas vraiment eu lieu sur le fond, c’est-à-dire, d’une part, sur l’assiette du régime CRNACL et sur les prélèvements financiers de celle-ci vers les autres caisses. Plusieurs amendements, soutenus par l’AMF, sur ce sujet (lire Maire info du 2 mars), ont été jugés irrecevables. 

Plusieurs sénateurs ont toutefois abordé ces questions. « Malgré son déficit, la CNRACL est contributrice nette au régime des compensations démographiques à hauteur de 670 millions par an, a soulevé la sénatrice centriste du Jura Sylvie Vermeillet. Il aurait mieux valu supprimer cette contribution plutôt que d'augmenter les cotisations. » 

Par ailleurs, d’autres sénateurs, comme Françoise Gatel (UC, Ille-et-Vilaine), ont rappelé que la part croissante des contractuels dans la fonction publique territoriale (contractuels qui cotisent au régime général) creuse le déficit de la CNRACL. « La moitié du personnel des collectivités territoriales, contractuel, ne cotise pas à la CNRACL, a souligné l’ancienne maire de Châteaugiron. Comment élargir la base des cotisants ? Il faut réviser l’assise de la CNRACL ».

Gabriel Attal, pour le gouvernement, n’a pas nié cette difficulté. « Nous avons souhaité une remise à plat de la CNRACL, a-t-il affirmé. Mais c’est un chantier d’ampleur, que nous mènerons avec vous. » 

Et maintenant ?

L’accélération des débats au Sénat permet de penser que l’examen du texte ira jusqu’au bout, contrairement à ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale. Le texte pourrait donc, dans la mesure où il bénéficie du soutien de la droite, majoritaire au Sénat, être adopté d’ici dimanche soir. 

Dès lors, une commission mixte paritaire se réunira pour tenter de trouver un compromis entre les deux versions du texte. Ayant peu de chances d’être conclusive, le texte devrait ensuite revenir à l’Assemblée nationale, où il semble de plus en plus improbable que le PLFRSS trouve une majorité. Si cela devait être le cas, le gouvernement n’aurait plus qu’une alternative : utiliser l’article 49.3 pour passer en force ; ou faire durer les débats suffisamment longtemps pour dépasser les délais de 50 jours de débat parlementaire prévu par l’article 47-1 de la Constitution. Dans ce cas, il serait autorisé à faire passer le texte par ordonnance, c’est-à-dire à l’appliquer sans vote du Parlement. Ce qui, eu égard à la très large opposition de la population à ce texte, serait politiquement la pire des solutions pour le gouvernement. 

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