Maire-info
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Édition du jeudi 4 mai 2023
Réforme des retraites

Pourquoi le Conseil constitutionnel a rejeté la proposition de loi de référendum d'initiative partagée

Le Conseil constitutionnel a refusé, hier, de valider la proposition de loi que l'opposition souhaitait soumettre à la procédure de référendum d'initiative partagée (Rip). Il a en effet estimé que ce texte ne satisfait pas aux conditions fixées dans la Constitution pour organiser un tel référendum. Explications.

Par Franck Lemarc

Pas de surprise, hier, rue Montpensier, au siège du Conseil constitutionnel : la deuxième proposition de loi déposée par l’opposition pour l’organisation d’un Rip a subi le même sort que la première, douchant les espoirs – très ténus il est vrai – de ceux qui voyaient là la dernière étape du combat contre la réforme des retraites. 

Conditions 

La procédure conduisant à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée, issue de la réforme constitutionnelle de 2008, est encadrée par l’article 11 de la Constitution. Cet article fixe un nombre important de conditions pouvant permettre, au bout du compte, la tenue d’un tel référendum.

Première condition : la proposition de loi soumise à référendum, doit porter sur un nombre limitatif de sujets : l’organisation des pouvoirs publics, une réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale, ou la ratification d’un traité. 

Deuxième condition : la proposition de loi soumise à référendum doit être signée  par au moins un cinquième des membres du Parlement, soit au moins 185 députés ou sénateurs. 

Troisième condition : le texte « ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ». 

Si toutes ces conditions sont réunies, le Conseil constitutionnel valide le texte, et ses auteurs doivent alors recueillir le soutien « d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales », soit environ 4,9 millions  de personnes. Enfin, si cette ultime étape est passée et, là encore, validée par le Conseil constitutionnel, il ne faut pas croire que le référendum est alors automatiquement organisé : le texte doit alors être examiné « au moins une fois par les deux assemblées dans un délai de six mois ». C’est uniquement si cette condition n’est pas réalisée que le président de la République est obligé d’organiser un référendum. Autrement dit, il suffit de faire passer le texte devant les deux assemblées pour qu’il n’y ait pas de référendum, même si le texte est rejeté par le Parlement. 

Précisons également que rien, dans l’arsenal législatif, n’oblige l’exécutif à suspendre l’application d’une loi pendant la période de recueil des signatures.

Subtilités constitutionnelles

Le Conseil constitutionnel devait donc statuer pour décider si la proposition de loi de l’opposition remplissait, ou non, les conditions fixées par l’article 11. 

La réponse a été « oui »  pour une d’entre elles : la proposition de loi a bien été présentée par au moins un cinquième des parlementaires, puisque 253 d’entre eux (162 députés et 91 sénateurs) l’ont signée. 

Pour les autres conditions, les choses sont moins simples. 

Que disait la proposition de loi de l’opposition ? Elle comportait deux articles : le premier fixait à 62 ans l’âge maximum pour l’ouverture d’une pension de retraite ; le second proposait de relever à 19,2 % le taux de CSG sur les revenus du capital mobilier.

La proposition de loi concernée ne doit pas, on l’a dit, avoir pour objet d’abroger une disposition promulguée depuis moins d’un an. Les signataires de ce texte l’ont fait enregistrer par le Conseil constitutionnel le 13 avril, alors que la loi passant l’âge légal de la retraite à 64 ans a été promulguée le 14 avril. Le Conseil devant statuer en tenant compte de la date d’enregistrement du texte, la condition était donc respectée : la proposition ne remettait pas en cause une disposition promulguée.

Mais précisément, à la date où a été enregistré ce texte, l’âge légal de la retraite était déjà fixé à 62 ans… pour 24 heures encore ! À cette date donc, interdire de fixer l’âge légal de la retraite au-delà de 62 ans ne constituait donc pas « un changement de l’état du droit », a expliqué hier le Conseil constitutionnel. L’article 11 de la Constitution impose que le texte soumis à référendum porte « sur une réforme de la politique économique ou sociale »  et, en l’espèce, ce texte ne proposait pas de réforme à l’heure où il a été enregistré. 

Autrement dit, on peut dire avec le recul que ce texte n’avait aucune chance d’être validé par le Conseil constitutionnel : enregistré avant le 14 avril, il ne constituait pas une « réforme »  ; enregistré après le 14 avril, il remettait en cause une réforme promulguée depuis moins d’un an. 

Soit dit en passant, on peut comprendre pourquoi un constitutionnaliste expliquait, hier matin dans la presse, que cette réforme instaurant le RIP a été écrite de façon « à ne jamais pouvoir aboutir ». 

Et maintenant ?

Il n’est désormais plus possible de proposer une démarche référendaire, sauf à attendre le 14 avril 2024, soit un an après la promulgation de la loi. 

Les opposants à cette réforme placent maintenant leurs derniers espoirs dans les propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale « abrogeant la réforme des retraites ». 

Deux textes ont été pour l'instant déposés : l'un émane du groupe Liot, l'autre du groupe communiste. Les deux textes disposent, à l'article 1er : « La loi numéro 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est abrogée. »  Le Rassemblement a annoncé hier son intention de déposer, lui aussi, un texte similaire. 

Le texte du groupe Liot devrait être présenté lors de la prochaine niche parlementaire de ce groupe, le 8 juin prochain. L’occasion de rejouer, peut-être, le scénario de la motion de censure présentée par le même groupe Liot, le 20 mars dernier, et qui n’avait été repoussée qu’à 9 voix près. À une différence près – mais de taille : une motion de censure doit être adoptée à la majorité absolue, tandis que pour une proposition de loi, la majorité simple suffit. Tout reposera donc, cette fois encore, sur le choix des députés du groupe LR. 
 

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