Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 18 avril 2023
Réforme des retraites

Après la réforme des retraites, Emmanuel Macron s'accorde « 100 jours d'apaisement, d'unité et d'actions » pour relancer son quinquennat

Pour tourner la page de la réforme des retraites, le chef de l'État a souhaité, hier, « ouvrir ou reprendre » des chantiers sur des thèmes aussi larges que la santé, l'école, la délinquance ou le travail... Sollicitant notamment les « maires » et les « Ã©lus », il est resté très évasif.

Par A.W.

Maire-Info

Dans une allocution particulièrement attendue après trois mois de conflit social, Emmanuel Macron s’est accordé, hier, « cent jours »  pour relancer son quinquennat qui se retrouve bloqué par la crise engendrée par la réforme des retraites qu’il a promulguée vendredi dernier

Sans réelle annonce forte lors de cette « adresse aux Français »  de près de 15 minutes, il a évoqué trois chantiers et une série de mesures dont les contours restent encore imprécis. D'ores et déjà, certains estiment que ces perspectives se résument à un catalogue de « voeux pieux ».

Une feuille de route « la semaine prochaine » 

Revenant rapidement sur sa réforme, il a dit entendre « la colère »  des Français, tout en jugeant que « ces changements »  - dont le report de l’âge légal à 64 ans, point de discorde majeur - étaient « nécessaires ». 

« Cette réforme est-elle acceptée ? A l’évidence, non », a-t-il concédé, avant de faire valoir que, à ses yeux, ce profond mécontentement ne se réduisait pas à sa réforme. « J’ai entendu dans les manifestations une opposition à la réforme des retraites mais aussi une volonté de retrouver du sens dans son travail, d’en améliorer les conditions, d’avoir des carrières qui permettent de progresser dans la vie », a souligné le président de la République, évoquant une « colère »  provoquée par « un travail qui ne permet plus de bien vivre », « des prix qui montent, qu’il s’agisse du plein, des courses, de la cantine »  ou encore « des services publics [pas suffisamment] efficaces ». 

« Personne, et surtout pas moi, ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique », a-t-il assuré, avant d’affirmer que « la réponse ne peut être ni dans l’immobilisme, ni dans l’extrémisme ».

Dans ce contexte, le chef de l’État a fixé « un cap »  de « cent jours d’apaisement, d’unité et d’actions au service de la France ». Une période qui débutera « la semaine prochaine »  par la présentation de la nouvelle « feuille de route »  du gouvernement par la Première ministre et se clôturera « le 14 juillet prochain »  par « un premier bilan ». 

Travail, délinquance et immigration

Ainsi, sa « réponse »  doit se construire à travers l’ouverture ou la reprise de « trois grands chantiers » : le travail, la délinquance et l’immigration ainsi que la santé et l’école.

Disant vouloir « bâtir un nouveau pacte de la vie au travail […] construit dans les semaines et les mois qui viennent par le dialogue social », il a invité, « dès [ce] matin », à l’Elysée les organisations patronales et syndicales « qui y sont prêtes ».

Il souhaite ainsi ouvrir toute une série de négociations sur des « sujets essentiels » : « améliorer les revenus des salariés »  et « les conditions de travail », « faire progresser les carrières », « mieux partager la richesse », « trouver des solutions à l'usure professionnelle », « accroitre l’emploi des séniors »  et « aider aux reconversions ».

Bien que l’intersyndicale ait déjà refermé la porte à sa proposition, Emmanuel Macron a fait savoir que sa « porte »  serait « toujours ouverte aux syndicats » … tout en pointant à nouveau, un peu plus tôt dans son discours, son « regret »  sur le fait qu’un « consensus n’est pu être trouvé »  sur la réforme des retraites malgré « les mois de concertations ».

S’agissant du « deuxième chantier », celui de « la justice et de l’ordre républicain et démocratique », il a souligné qu’il continuerait à « recruter plus de 10 000 magistrats et agents »  et à « créer 200 brigades de gendarmerie dans nos campagnes ». Une mesure déjà annoncée ces derniers mois.

Concernant l’immigration, le chef de l’État a dit vouloir « renforcer le contrôle de l'immigration illégale », alors qu’il avait annoncé le report du projet de loi dédié lors de sa denière allocution. Et, afin de lutter contre la délinquance et les « fraudes sociales et fiscales », des « annonces fortes »  seront faites « dès le début du mois de mai ».

Il souhaite, par ailleurs, proposer des « grandes pistes »  pour que le fonctionnement des institutions françaises gagne « en efficacité »  et « en participations citoyennes ».

École et santé

Le dernier chantier, qui visera le « progrès pour mieux vivre », doit être « porté »  par les « services publics : de la petite enfance au grand âge ».

Pour cela, « l’Education nationale doit renouer avec l’ambition d’être l’une des meilleures d’Europe ». « Dès la rentrée, notre école va changer à vue d'œil. Pour les enseignants qui seront mieux rémunérés, pour les élèves qui seront davantage accompagnés en français et en mathématiques, pour leurs devoirs, et pratiqueront plus de sport à l'école, pour les parents qui verront le remplacement systématique des enseignants absents », a-t-il assuré.

Le système de santé devra, quant à lui, être « profondément rebâti », le chef de l’État réclamant des « résultats concrets à court terme »  concernant notamment les 600 000 patients atteints de maladies chroniques sans médecins traitants ou le « désengorgement »  des services d’urgences d'ici la fin de l'année prochaine. 

« Pour les quelque 10 millions [de Français] vivant dans les quartiers les plus défavorisés, dans les zones rurales les plus en difficulté, dans nos territoires d’outre-mer, nous trouverons là encore des solutions concrètes pour améliorer la vie quotidienne », a-t-il annoncé.

Pour y parvenir, Emmanuel Macron a sollicité « toutes les forces d’action et de bonne volonté : nos maires, nos élus, nos forces politiques, nos syndicats, tous ensemble »  et souhaite agir « au-delà des clivages »  pour bâtir des « coalitions et alliances nouvelles »  sur « les bases solides du conseil national de la refondation »  et au « plus près du terrain ». Là aussi très évasives, ces éventuelles coalitions restent difficiles à imaginer en l’état, au regard des tensions qui existent entre la majorité et ses opposants politiques.

« Vide sidéral »  et concert de casseroles

Pour preuve, les réactions dans la foulée de son allocution. Jean-Luc Mélenchon (LFI) a ainsi estimé le chef de l’État « complètement hors de la réalité », quand la députée écologiste Sandrine Rousseau a parlé de « vide intersidéral ».

Le président des Républicains, Éric Ciotti, a, lui, accueilli « avec scepticisme »  ces annonces qui « n'apportent ni cap ni nouveauté, malgré des objectifs tout aussi louables qu'évidents ». Au RN, Marine Le Pen, a, pour sa part, estimé qu’Emmanuel Macron avait « choisi de nouveau de tourner le dos et d’ignorer les souffrances »  des Français par sa « pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir ».

Du côté des syndicats, le résultat n’est guère plus probant. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé qu'il n'y avait « rien de concret »  dans cette « adresse », ajoutant que « l'apaisement, il fallait le faire sur le sujet qui a créé l'embrasement social, la réforme des retraites ». La nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a de son côté estimé que « cette allocution aurait pu être faite par ChatGPT »  (l’outil d'intelligence artificielle du moment) avec son « côté très désincarné ».

Dans la rue, l’allocution du président de la République a également été accueillie froidement par des concerts de casseroles dans plusieurs villes à travers la France.

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