La Défenseure des droits déplore « un éloignement » des services publics en 2022
Par Lucile Bonnin
« Depuis presque trois ans que je suis en poste, je constate des atteintes aux droits qui portent atteinte à la cohésion et à la démocratie. On a une augmentation dans tous les domaines », a expliqué Claire Hédon à l’AFP hier, à l’occasion d’une conférence de presse dédiée à la présentation de son rapport annuel d’activité 2022.
La Défenseure des droits recense en effet, pour la seule année 2022, près de 226 000 sollicitations et 125 456 réclamations, ce qui représente une hausse de 9 % entre 2021 et 2022.
Pour rappel, l’autorité administrative intervient sur cinq grandes missions : le respect des droits des usagers des services publics ; la protection et la promotion des droits de l’enfant ; la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité ; le respect de la déontologie par les forces de sécurité et la protection et l’orientation des lanceurs d’alerte. Sur tous ces sujets, la Défenseure des droits relève de « multiples entailles dans les principes qui fondent notre société. »
Atteintes aux droits des étrangers : premier motif de saisine
Le rapport pointe dans un premier temps une « dégradation des droits fondamentaux des personnes étrangères » . En 2022, l’atteinte aux droits des étrangers devient d’ailleurs le « premier motif de saisine », représentant « près du quart des réclamations adressées au Défenseur des droits. »
La Défenseure des droits insiste sur le caractère alarmant de cette croissance des atteintes aux droits pour ces personnes, particulièrement car, entre 2019 et 2022, « le nombre de réclamations portant sur les droits fondamentaux des personnes étrangères a bondi de 231 %. »
Les motifs les plus fréquents pour lesquels l’institution est saisie concernent majoritairement le parcours du combattant qu’il faut mener pour « obtenir un rendez-vous en préfecture pour la demande ou le renouvellement de leur titre de séjour, avec des délais aux conséquences graves. »
Protection de l’enfance
Du côté de la protection de l’enfance, le tableau n’est guère plus réjouissant. La situation est « extrêmement inquiétante » selon le rapport qui « met en garde les pouvoirs publics sur une situation qui ne cesse de se dégrader au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant : manque de places en foyer et d’assistants familiaux, placements non exécutés, mesures d’assistance éducative en milieu ouvert prises en charge dans des délais pouvant excéder 6 mois, et ruptures dans les parcours des enfants… telles sont les situations extrêmement préoccupantes qui révèlent la non prise en compte des besoins de l’enfant. »
Ce constat n’est pas sans rappeler la publication récente du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales relatif à la qualité de l'accueil et à la prévention de la maltraitance dans les crèches (lire Maire info du 12 avril). Le rapport dénonce là aussi une « maltraitance institutionnelle » et des situations de maltraitances sur les enfants très inquiétantes. Claire Hédon a d’ailleurs confié ceci hier à l’AFP : « Comme ce qu’il se passe dans les Ehpad, cela concerne aussi la petite enfance. On manque de moyens pour les personnes vulnérables ».
Les services publics pointés du doigt
« La mission « Relation des usagers avec les services publics » comptabilise à elle seule plus de 82 200 réclamations, qui mettent en exergue un défaut de communication avec les administrations et un recul certain des services publics sur tout le territoire » , peut-on lire dans le rapport. Difficultés dans la prise de rendez-vous, impossibilité de suivre un dossier, difficultés pour contacter un service public autrement que par Internet, « être soupçonné de fraude aux prestations sociales alors que l’on est de bonne foi » … Claire Hédon regrette ces « obstacles à l’accès aux droits et qui pénalisent très fortement les personnes dans leur vie quotidienne. »
La dématérialisation est la principale mise en cause en ce qui concerne la dégradation des services publics. De plus en plus de démarches, pour ne pas dire toutes, sont désormais à faire en ligne. En plus de l’illectronisme qui est un obstacle indéniable pour certains usagers, nombreux sont ceux qui subissent « une atteinte à leurs droits en raison de dysfonctionnements » . Le rapport donne l’exemple de la plateforme « MaPrimeRénov’ », « qui a connu des défaillances notables. »
La maltraitance institutionnelle est aussi largement dénoncée dans ce rapport d’activité notamment à destination des « usagers les plus vulnérables » comme « les enfants en situation de handicap, les personnes âgées dépendantes, les personnes en situation de précarité économique et sociale, les Gens du voyage, les personnes détenues, ou encore les personnes étrangères. »
Ainsi, pour Claire Hédon, « ce rapport porte la parole de celles et ceux qui éprouvent ou ont éprouvé des difficultés à faire respecter leurs droits. Prendre en compte cette parole est non seulement une exigence démocratique, mais aussi la seule voie pour rétablir la confiance dans nos services publics et nos institutions. »
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