Agenda rural : trois mois après Eppe-Sauvage, où en est le plan pour les territoires ruraux ?
Selon l'exécutif, il est pour les territoires ruraux ce qu’est la politique de la ville pour les quartiers défavorisés. Supervisé par un comité de suivi qui se réunira toutes les « six à huit semaines », l’Agenda rural et ses 183 mesures - dix ont été ajoutées par le gouvernement depuis sa présentation par le Premier ministre Édouard Philippe à Eppe-Sauvage, dans le Nord (lire Maire info du 20 septembre 2019) - était au cœur d’un débat organisé, mardi au Sénat, à l’initiative du groupe Les Républicains. « L’outil a vocation à s’enrichir et s’inscrira dans la durée », a souligné, à cette occasion, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Dont le ministère « aurait pu s'appeler ministère de l'Aménagement du territoire », a-t-elle répliqué d’emblée à Jacques Genest, sénateur Les Républicains de l’Ardèche, remonté contre « la fin de la politique d’aménagement du territoire (…) perçue comme un luxe superflu ».
« Sa hausse (dans le budget 2020, ndlr) ne résulte que de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont l'effort réel de la part de l'État n'est que de 10 millions d'euros, et sur lesquels les élus locaux n'auront guère leur mot à dire », a observé le sénateur ardéchois, égratignant au passage les « mesures homéopathiques » de l’exécutif sur les déserts médicaux mais aussi sa décision de « sonner le glas du plan France très haut débit » (lire Maire info du 17 décembre 2019), deux sujets « qui préoccupent particulièrement les élus locaux ».
Ce qui a changé le 1er janvier 2020
Certaines des 183 mesures sont déjà effectives, a annoncé la ministre, « comme le soutien aux petits commerces dans les communes de moins de 3 500 habitants avec des exonérations fiscales - cotisation foncière des entreprises (CFE), cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), foncier bâti - compensées par l'État à 33 % », le développement des Maisons France services (lire Maire info du 4 juillet 2019) et la mise en route, depuis le 1er janvier 2020, de l’Agence nationale de cohésion des territoires (lire Maire info du 13 décembre 2019).
Présidée par Caroline Cayeux, maire de Beauvais (Oise) et présidente de Villes de France, l’ANCT gérera « la politique en faveur de la ruralité » mais aussi le plan « Petites villes de demain » (lire Maire info du 23 septembre 2019), dont l’objectif est d’aider entre 800 et 1000 communes de moins de 20 000 habitants « dans la définition de leur projet de territoire, afin de faire vivre leur centre-ville ». « Quelle sera la pondération des critères (nombre et nature des équipements dont elles disposent, critères de fragilité…) pour sélectionner les petites villes qui auront charge de centralité ? », s’interrogeait Jean-Claude Requier, sénateur PRG du Lot.
« Il faut de la souplesse dans les critères, a estimé Jacqueline Gourault. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités territoriales car des initiatives ont déjà été lancées par certaines régions - c'est le cas en région Centre Val-de-Loire - et départements. La Banque des territoires financera les postes de chef de projet à hauteur de 25 %. Elle prendra en charge à 100 % les missions de management pour les territoires en difficulté. Une enveloppe de 50 millions d'euros d'investissement est prévue pour développer une centaine d'opérations. L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah) cofinancera le poste de chef de projet et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) valorisera les projets locaux. »
Santé : des stages en milieu rural pour les internes
Comme Jacques Genest l’avait prédit en introduction, la santé et l’accès aux soins ont été maintes fois évoqués par les sénateurs. « Vous voulez lutter contre les déserts médicaux [dans lesquels vivent 8 millions de Français selon l’Assemblée des départements de France, ndlr] sans contraindre les médecins », reprochait, par exemple, Guillaume Gontard, sénateur communiste (CRCE) de l’Isère à la ministre. « Face à l'urgence de la lutte contre les déserts médicaux, le plan d'action du gouvernement propose le recrutement de 600 médecins salariés, ainsi que le déploiement de médecins supplémentaires et d'internes, en zones sous-denses. C'est trop peu », déplorait encore Jean-Marie Janssens, sénateur UDI du Loir-et-Cher.
« Déjà, 28 décrets sont sortis en application de la loi Santé. Et le gouvernement a souhaité anticiper l'application de certaines mesures : ainsi, les stages en milieu rural pour les internes feront l'objet d'un décret prochain qui les rendra possibles dès la rentrée universitaire de cette année. Les campagnes de vaccination hivernale sont désormais accessibles aux pharmaciens et aux infirmiers. Les tests pour détecter les angines bactériennes peuvent se faire en pharmacie. Aux professionnels de santé de se saisir de toutes ces nouvelles possibilités », a répondu la ministre.
« 1 000 cafés » : une quinzaine de cafés « prochainement » ouverts
À la demande de Bernard Buis, sénateur La République en marche de la Drôme, Jacqueline Gourault a ensuite réalisé « un bilan d’étape » de l’opération « 1 000 cafés » portée par le groupe d’économie sociale et solidaire SOS (lire Maire info du 12 septembre 2019). « Il a reçu la candidature de 500 communes et de 1 200 personnes souhaitant gérer un café. Puisque nous devons aussi tenir compte de la liberté commerciale, l'étude des candidatures est en cours. Une quinzaine de cafés devraient ouvrir prochainement », a annoncé la ministre.
Sur la mobilité, enfin, Didier Mandelli, sénateur Les Républicains de la Vendée, a rappelé que le Sénat « a œuvré pour que les intercommunalités puissent organiser dans leurs territoires des solutions d'intermodalité ». Comment les financer ? Jacqueline Gourault a évoqué la « piste » de la mutualisation du versement transport entre les communes, à l'échelle du département. Didier Mandelli préconiserait de préférence de rendre possible le versement d’une fraction de la TICPE aux intercommunalités qui prendront la compétence. Une « solution équitable et simple, beaucoup plus que celle d'un financement départemental ».
Ludovic Galtier
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