Agenda rural : dix-huit mois après, quels résultats ?
Il y a dix-huit mois tout juste, le gouvernement, dirigé à l’époque par Édouard Philippe, reprenait la quasi-intégralité des propositions d’un rapport parlementaire à son compte pour lancer l’acte II du quinquennat, celui des territoires, et se départir de l’étiquette de majorité des villes qui lui colle à la peau. Le 22 septembre 2019, l’Agenda rural, 181 mesures au compteur, était ainsi officialisé. « 60 % d’entre elles ont été réalisées et 25 % sont en cours de réalisation, soit 85 % de mise en œuvre totale ou partielle », se réjouissaient, hier à l’issue du Conseil des ministres, Jacqueline Gourault et Joël Giraud, les deux membres du gouvernement chargés de son suivi. Leurs objectifs : « Faire des territoires ruraux les fers de lance de la transition écologique, renforcer leur attractivité, améliorer la vie quotidienne des habitants, appuyer les élus locaux dans leur action ».
Une partie des 181 mesures retenues par l’exécutif figuraient, en effet, dans la loi Engagement et proximité du 24 décembre 2019. Parmi elles : la réunion trimestrielle au moins dans les EPCI de la « conférence des maires », dont l’objectif est de redonner du poids à la parole de maires ruraux dépossédés de leur pouvoir à mesure de l’élargissement de leur intercommunalité.
Ce que ne disent pas les ministres dans leur point d’hier, c’est que, paradoxalement et contrairement à la volonté des maires ruraux, la loi a maintenu le caractère obligatoire du transfert de l’eau et l’assainissement, avec une possibilité donnée aux EPCI de redéléguer, par la suite, « tout ou partie » de ces compétences à des communes ou des syndicats.
« Un catalogue de bonnes intentions »
Les deux ministres ont ensuite énuméré une série « d’avancées substantielles », sans précisions sur leur portée concrète. Ils citent, pêle-mêle, le « doublement des bénéficiaires des ''cordées de la réussite'' en zone rurale », la « mise en place de 31 campus connectés dans les zones rurales », le déploiement du programme Territoires d’industrie (Maire info y a consacré un article hier) ou encore « le remboursement des consultations en télémédecine prorogé dans le cadre du Ségur de la santé ».
« Le problème de cet agenda, regrettait le mois dernier sur France 3 Centre-Val-de-Loire le maire d’Issoudun (Indre) et premier vice-président de l’AMF, André Laignel, c’est qu’il s’agit d’un catalogue de bonnes intentions qui montrent la volonté de s’adresser aux ruraux, mais il y a peu d’actions concrètes et aucun moyen financier clairement identifié. »
Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales mobilise « 20 millions d’euros sur deux ans pour accélérer le lancement d’un « acte II » de l’Agenda rural ».
La fibre progresse mais le « calvaire » continue dans les campagnes
Dans un tout autre domaine, on constate bien que l’aménagement numérique a progressé en zone rurale (passage de 24 % à 54 % du taux de déploiement de la fibre ; passage de 73 % à 84 % du territoire couvert par au moins un opérateur 4G) mais, comme l’a fait remarquer la Cour des comptes dans son rapport annuel, « des interrogations demeurent sur la capacité à atteindre 100 % de couverture en THD (et 55 % en Ftth) à horizon 2022 dans les zones de réseaux d’initiative publique (Rip). »
Sur le terrain, les difficultés opérationnelles s’accumulent, comme l’a répété hier lors de son audition au Sénat, la nouvelle présidente de l’Autorité de régulation des télécoms. Laure de la Raudière a dénoncé le « calvaire », causé par le manque d’entretien du vieux réseau cuivre d’Orange, dans les campagnes. En attendant le 100 % fibre en 2025, ce réseau est encore utilisé par 21 millions de Français.
Des référents ruralité dans chaque ministère
Jacqueline Gourault et Joël Giraud saluent aussi, au sujet de « l’accessibilité des services publics et de l’inclusion numérique », la labellisation de 1 123 France services, le déploiement de 4 000 conseillers numériques sur le territoire et le développement d’une nouvelle offre de service avec 80 « fabriques de territoire » dans les territoires ruraux. Mais pour André Laignel, « quelle que soit la bonne volonté, on continue à avoir un affaiblissement des services publics que ça soit les transports, la grande misère de la santé… ». Tout ça, sans compter, l'avenir incertain des Zones de revitalisation rurale (ZRR).
Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 28 millions d’euros, soit 10 millions de plus qu’en 2020, pour garantir le déploiement d’ici 2022 d’au moins un espace France Services par canton, y compris dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, rétorque le gouvernement, qui se félicite d’avoir « mis en place une méthode de travail ambitieuse en interministériel avec les services déconcentrés, avec la désignation de référents ruralité dans les ministères et dans chaque préfecture ».
Bientôt des « stratégies départementales ruralité »
Il annonce enfin que « les préfets sont en train de rédiger des ''stratégies départementales ruralité'', qui permettront de décliner l’agenda rural au plus près du terrain » et « qu’outre le marché d’ingénierie de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui prendra intégralement en charge les prestations réalisées au profit des communes de 3 500 à 15 000 habitants, le financement de chefs de projets dans les collectivités va s’intensifier dans le cadre de programmes de l’ANCT (petites villes de demain notamment) »
Prochain rendez-vous à la fin du printemps avec le troisième comité interministériel aux ruralités. Le CIR « sera l’occasion de faire le bilan de la mise en œuvre de l’agenda rural et de renforcer l’action de l’État sur les domaines d’action prioritaires en faveur des territoires ruraux ».
Ludovic Galtier
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