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Édition du jeudi 17 février 2022
Risques

Retrait-gonflement des sols : l'impossible réforme du régime d'indemnisation ?

La Cour des comptes a rendu public cette semaine un rapport d'évaluation sur l'indemnisation des dommages dus au phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA), qui aboutit à la conclusion que celle-ci, « inadaptée », doit être réformée. Mais sans parvenir à proposer de véritables pistes de réforme.

Par Franck Lemarc

Moins spectaculaire et moins exposé médiatiquement que les inondations ou les tremblements de terre, le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA) n’en demeure pas moins la deuxième cause de catastrophe naturelle en France : il représente à lui seul plus des deux tiers (36 %) de la sinistralité constatée au titre des catastrophes naturelles – le RGA est intégré au régime « Cat Nat »  depuis 1989. Le rapport de la Cour des comptes pointe les difficultés – voire les « incohérences »  – du système mais ne parvient pas à trouver des pistes viables de réforme. 

Régime « inadapté » 

Rappelons que ce phénomène est dû à la variation de la teneur en eau des sols argileux : à la manière d’une éponge, un sol argileux très sec se rétracte, pouvant aller jusqu'à l'apparition de crevasses ; et, en cas de forte pluie, il gonfle. La succession de ces mouvements (retrait-gonflement) abîme la structure des habitations en provoquant des mouvements d’enfoncement du sol en certains points, qui entraînent des fissurations voire, dans certains cas, des effondrements de bâtiment. 

Les changements climatiques laissent craindre une aggravation de ce phénomène dans les années à venir. La Cour des comptes estime néanmoins que le régime Cat Nat n’est pas adapté à cet aléa – suivant en cela l’avis de l’essentiel des administrations centrales. En effet, le régime de catastrophes naturelles était initialement pensé pour répondre à des phénomènes « irrésistibles, imprévisibles et marqués par une cinétique rapide ». Ce dernier critère ne répond pas au RGA, qui peut s’étendre sur plusieurs années. Résultat : un grand nombre de demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n’aboutit pas (presque la moitié en 2019 et 2020). 

Prévention insuffisante

La Cour pointe une politique de prévention « insuffisamment ferme et incitative ». Alors que le RGA a été intégré dans le dispositif des PPR (plans de prévention des risques), peu de plans concernent spécifiquement ce risque : sur la période 2009-2020, « sur les 11 791 communes ayant déposé une demande de reconnaissance Cat Nat, seules 1 974 (soit 6 %) sont concernées par un PPR couvrant le RGA approuvé ». 

De nombreuses habitations continuent par ailleurs d’être construites sur des terrains soumis au risque RGA, sans que les préconisations techniques permettant de limiter le risque soient toujours respectées. Plusieurs études ont pourtant, depuis les années 2000, abouti à des préconisations précises permettant de limiter le risque, en gérant l’écoulement des eaux, en imperméabilisant le sol ou en gérant les arbres, qui « pompent »  l’eau des sols et contribuent à leur assèchement. 

Pourtant, la Cour constate que « le nombre d’habitations construites depuis 20 ans et susceptibles de subir des dommages est considérable, ce qui risque d’aggraver la charge financière d’indemnisation au titre des catastrophes naturelles ». Depuis la loi Elan toutefois, la réalisation d’études de sol avant la vente d’un terrain constructible est devenue obligatoire. 

Craintes sur la pérennité du régime 

L’indemnisation des sinistres liés à ce phénomène pèse très lourd dans le régime Cat Nat : environ 40 % de la sinistralité indemnisée. « Parmi les 20 événements les plus coûteux en termes de dommages assurés sur la période 1989-2020, plus de la moitié relèvent du RGA », précise la Cour. Et les choses risquent d’empirer, dans la mesure où le phénomène connaît une « extension géographique avérée » : alors qu’en 2010 70 départements étaient touchés par le phénomène, ils ont été, en 2019, 92. Selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), 10,4 millions de maisons individuelles (sur un total de 19,2 millions) sont bâties dans une zone d’exposition « moyenne ou forte »  au risque RGA. 

Cette augmentation prévisible du risque est susceptible « de compromettre à moyen terme la soutenabilité du régime Cat Nat »  et « fait craindre pour la pérennité du régime », alerte la Cour des comptes. 

Recommandations

Reste à savoir comment faire évoluer le dispositif. La Cour se montre – une fois n’est pas coutume – très prudente dans ses recommandations, avouant à demi-mot n’avoir, en réalité, pas de solution toute faite à proposer. Si l’accent doit être mis, en amont, sur la prévention, l’information des futurs acheteurs, le respect des prescriptions techniques, la Cour se montre circonspecte en matière d’évolution du régime d’indemnisation : « Même si elle estime que le phénomène de RGA n’est pas assimilable à une catastrophe naturelle et que l’indemnisation des dommages qu’il cause gagnerait à ne plus relever du régime Cat Nat, la Cour considère qu’une clarification préalable des axes de réforme en cours de discussion est nécessaire avant toute refonte du dispositif d’indemnisation. C’est la raison pour laquelle elle ne formule pas de recommandations portant sur l’indemnisation. » 

Les seules recommandations que formule la Cour des comptes visent donc davantage à « faire décroître la survenue des dommages »  qu’à réformer en profondeur le régime d’indemnisation. La Cour estime, en tout état de cause, que la sortie totale de cet aléa du régime Cat Nat pour aller vers une indemnisation « purement assurantielle »  n’est « pas viable », compte tenu, d’une part, de la généralisation de l’aléa, « qui limite son assurabilité », et des « inégalités »  que cela engendrerait entre les assurés. 
 

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