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Édition du mercredi 12 avril 2023
Risques

Retrait-gonflement de l'argile : une proposition de loi écologiste adoptée par les députés

Dans le cadre de la niche parlementaire réservée aux écologistes, une proposition de loi visant à « mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l'argile » a été largement adoptée en première lecture, le 6 avril dernier, à l'Assemblée nationale.

Par Caroline Reinhart

Les images de maisons fissurées et de leurs habitants désemparés reviennent en Une. Phénomène lié à la sécheresse puis à la réhydratation des sols, le retrait-gonflement de l’argile, dit « RGA », provoque des mouvements de terrain susceptibles d’abimer la structure des bâtiments, pouvant aller jusqu’à l’effondrement. En 2021, le RGA concernait déjà 48 % du territoire national, et 10,4 millions de maisons individuelles – soit plus de la moitié de l'habitat individuel – étaient exposées à un risque moyen ou fort. Des chiffres officiels monstres, déjà obsolètes avec l’accélération du changement climatique et la multiplication des épisodes de sécheresse. 

Pourtant connu de longue date, le RGA n’a fait l’objet d’« aucune politique efficace de prévention »  jusqu’à la loi Élan de 2018, qui établit des règles de construction dans les zones à risque, estime la Cour des comptes dans un rapport de 2022. L’enjeu est de taille : « Le RGA représente depuis 1989, 36 % de la sinistralité constatée au titre des catastrophes naturelles et la moitié des évènements les plus coûteux sur la même période (…). Toutes les études s’accordent à reconnaître que les coûts liés au phénomène de RGA vont fortement augmenter au cours des trente prochaines années. »  Une charge lourde dont peuvent se dédouaner les assureurs dans le cadre réglementaire actuel : pour être indemnisés, les assurés doivent habiter une commune reconnue en état de catastrophe naturelle par arrêté, mais aussi démontrer que le RGA est la cause des dommages rencontrés. Résultat : près de la moitié des demandes d’indemnisation restent lettre morte.

Période de retour 

Remis sur la table par la loi « 3DS »  du 21 février 2022, ayant habilité le gouvernement à prendre l’ordonnance du 8 février dernier, le RGA fait depuis couler beaucoup d’encre. Issu du rapport co-présenté par la députée écologiste Sandrine Rousseau), la proposition de loi visant à « mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile », a réussi à dépasser les clivages pour être largement adoptée avec 115 voix pour et 9 contre. Pour les assurés, le temps presse : pas question d’attendre les textes officiels promis par le gouvernement (plusieurs décrets d’application de l’ordonnance du 8 février, et une circulaire « avant l’été » ).

Concrètement, la proposition de loi adoptée réduit la « période de retour »  à 10 ans pour mieux prendre en compte le risque sécheresse, défini aujourd’hui par la mesure de la variation de l’humidité des sols par rapport à des indicateurs sur les 50 dernières années. Pour faciliter les indemnisations, la PPL étend également la durée d’application des arrêtés de reconnaissance de catastrophe naturelle à « douze mois ». Par ailleurs, le texte prévoit qu’un refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devra être motivé, via la communication des rapports d’expertise ayant fondé la décision.

Frais d’expertise

Surtout, la proposition de loi adoptée instaure une présomption de causalité entre dommages et RGA lorsque l’état de catastrophe naturelle de sécheresse est reconnu. Et indique que « l’expertise pouvant être demandée par l’assureur (…) doit obligatoirement contenir une étude de sol vérifiant que les fondations des constructions sont adaptées aux caractéristiques du sol. Cette expertise peut également être demandée par l’assuré, avec une prise en charge par l’assureur. L’assureur informe également l’assuré de la possibilité pour ce dernier de se faire assister par un expert d’assuré aux fins de contre expertise. Les honoraires de cet expert d’assuré sont pris en charge par l’assureur ». Le texte prévoit également que « l’aggravation d’une fissure est considérée comme un événement nouveau, nonobstant l’apparition antérieure de microfissures, ouvrant droit à indemnisation si l’aggravation de la fissure est apparue pendant la période de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse. ».

À noter par ailleurs que le texte revient sur l’ordonnance du 8 février, qui flèche l’utilisation de l’indemnité perçue par l’assuré à la seule réparation du bâti ayant subi des dommages. La proposition de loi prévoit que l'assuré pourrait également l’utiliser « pour acquérir ou faire construire un nouveau logement ». Reste à savoir si ce texte sera inscrit à l’ordre du jour du Sénat, lui-même auteur d’un rapport sur « le financement du risque de RGA et de ses conséquences sur le bâti »  – la question reste entière. 

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