Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 4 mai 2023
Catastrophes

Retrait-gonflement des argiles : un arrêté place presque 3 500 communes en état de catastrophe naturelle 

Un décret paru hier au Journal officiel liste pas moins de 3 472 communes reconnues en état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Soit 10 % des communes du pays, à la suite de la sécheresse de l'été dernier. 

Par Franck Lemarc

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Il est absolument exceptionnel – et peut-être même unique – qu’un nombre si important de communes soit, en une fois, reconnu en état de catastrophe naturelle. L’arrêté du 3 avril 2023, publié seulement hier au Journal officiel, liste d’un seul coup presque 3 500 communes, dans 59 départements de métropole. 
Ce nombre étonnant reflète à la fois l’ampleur de la sécheresse et les conséquences de la mise en œuvre de la « nouvelle méthodologie », instaurée en 2019, pour caractériser l’intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols. 

Jusqu'à 60 % des communes de certains départements

En étudiant la liste des communes concernées, et leur répartition sur le territoire, on ne peut être que frappé par leur importante dissémination : plus de la moitié des départements (59) comptent au moins une commune reconnue en état de catastrophe naturelle, et 23 en comptent plus de 50.

On constate sur cette carte réalisée par Maire info que si l’Île-de-France, l’ouest et le centre du pays sont relativement épargnés, toutes les autres régions sont touchées, parfois très durement. Dans trois départements (le Gers, la Gironde et la Moselle), plus de 200 communes sont touchées : 233 dans le Gers, 235 en Gironde, 292 en Moselle. En proportion du nombre de communes par département, les chiffres paraissent encore plus impressionnants : 50,5 % des communes du Gers sont touchées, 60,8 % de celles du Tarn et même 67 % de celles du Var !

Nouvelle méthode

Pour toutes ces communes, il est indiqué que sont réunis « les critères géotechniques et météorologiques fixés par la circulaire du 10 mai 2019 ». Ce texte important (NOR INTE1911312C) du ministère de l’Intérieur, en partant du constat que « les mouvements de terrain différentiels constitutifs aux épisodes de sécheresse réhydratation des sols se sont multipliés ces dernières années ». La méthodologie permettant de mesurer l’intensité de ces phénomènes doit donc « évoluer », poursuit le ministère : l’ancienne méthodologie, faute de « lisibilité »  suffisante, a conduit à « une augmentation significative des recours gracieux et contentieux ». L’État a donc procédé à une révision de cette méthode. 

Cette révision s’appuie sur l’intégration « des progrès de la modélisation hydrométéorologique réalisés par Météo-France », et sur l’adoption « de critères plus lisibles pour caractériser l’intensité d’un épisode », avec la prise en compte à la fois d’un critère géotechnique (présence ou non d’argiles sensibles au phénomène de retrait-gonflement) et d’un critère météorologique (niveau d’humidité des sols superficiels, mesuré quatre fois par an, à chaque saison). 

Cette nouvelle méthode permet, explique le ministère de l’Intérieur, de « mieux caractériser les épisodes de sécheresse-réhydratation des sols sur les périodes automnale et hivernale », et surtout de diminuer les délais d’instruction des demandes communales, « du fait de l'adoption d'un critère météorologique qui peut être mis en œuvre au cours d'une année civile ». 

Une ordonnance et une proposition de loi

L’intensité accrue et la multiplication de ces phénomènes (quelque 10 millions de maisons sont exposées à ce risque) rend plus cruciale encore la question de l’indemnisation de ce type d’aléa, qui a fait – et fait encore – l’objet de plus évolutions législatives. Rappelons notamment l’ordonnance présentée par le gouvernement en début d’année (lire Maire info du 9 février), et qui entrera en vigueur l’année prochaine. Si elle traite de la question de l’indemnisation, cette ordonnance, selon le Sénat, reste « insuffisante »  (lire Maire info du 20 février), notant au passage que les financements prévus par l’ordonnance ne représentent qu’à peine « 50 % des coûts attendus ». 

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté, le 6 avril, une proposition de loi portée par la députée écologiste Sandrine Rousseau (lire Maire info du 12 avril). Ce texte vise à accélérer les procédures d’indemnisation, ses auteurs estimant que les victimes n’ont pas le temps d’attendre les décrets d’application de l’ordonnance, qui pourraient ne pas paraître avant l’été. Point essentiel de ce texte : alors que l’ordonnance réserve l’utilisation de l’indemnité perçue par les victimes à la réparation de leur maison, la proposition de loi Rousseau étend cet usage à l’acquisition ou la construction d’un nouveau logement. 

Vu la quantité impressionnante de communes listées par l’arrêté paru hier, on mesure à quel point il est, en effet, urgent de trouver des solutions d’indemnisation acceptables pour les victimes. 

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