Cantine à un euro : le dispositif étendu à trois fois plus de communes
Par Emmanuelle Stroesser
Le dispositif « cantine à un euro », mesure du plan de lutte contre la pauvreté, s'est véritablement mis en place à la rentrée de septembre 2019. Depuis, le nombre de communes engagées ne décolle pas. Début 2020, près de 160 communes s'y étaient engagées. En mai 2021, on en compte 241, soit à peine une centaine de plus, sur les 4 000 éligibles. La crise sanitaire et en particulier le premier confinement comme les élections municipales ont provoqué « un coup d’arrêt au déploiement de la mesure », explique-t-on au ministère des Solidarités et de la Santé. Il s'agit aujourd'hui de relancer le dispositif en visant un retour à la vie normale à la rentrée… Le gouvernement a revu le dispositif pour le rendre plus attractif, en répondant en partie aux critiques des maires.
L'aide de l’État passe à 3 euros par repas
Au départ ciblé sur les communes rurales éligibles à la DSR « cible » (4 000 communes), la mesure est, depuis le 1er avril 2021, ouverte à toutes les communes rurales en DSR « péréquation ». Soit 12 000 potentiellement.
L'aide de l’État est passée de 2 à 3 euros par repas servi à 1 euro maximum (depuis le 1er janvier). Ce dispositif vise à ce que les communes mettent en place une tarification sociale à la cantine. Cette tarification doit compter au moins trois tarifs (en fonction du revenu ou du quotient familial), dont un à euro maximum par repas. C'est l'un des critères pour bénéficier de l'aide de l’État.
Enfin, l’État s'engage pour trois ans au moins. Une convention va être signée avec chaque commune intéressée pour l'entériner (y compris celles déjà engagées). Ce qui répond à la demande de visibilité des maires sur l'aide financière consentie.
Des critiques prises en compte
La délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté s'appuie aujourd'hui sur les résultats d'une enquête auprès des maires (1) qu'elle a commandée pour justifier ces choix et convaincre les maires de franchir le pas. Persuadée de répondre aux principaux freins des maires que sont le coût, le risque d'explosion des inscriptions, et la complexité du dispositif.
La délégation a calculé que la nouvelle subvention de 3 euros, « couvre le reste à charge pour la commune », voire permet d'améliorer la qualité des repas, en tenant compte d'un coût de revient moyen pour un repas de 5,30 euros hors frais de fonctionnement et d'un tarif moyen facturé aux familles de 3,30 euros (2).
La délégation n'a pas de mesure précise du nombre d'enfants supplémentaires inscrits, les remontées sont encore « floues », mais l'enquête Ipsos indique que les communes ont été rassurées sur ce point. « Il n'y a pas d'explosion des inscriptions », assure la déléguée, Marine Jeantet. L'argument est paradoxalement mis en avant car il indique que les communes « n'ont pas à craindre d'impact budgétaire ».
Quant à la partie administrative du dispositif, tout se fait via l'Agence de service des paiements (ASP), en ligne, avec un formulaire à remplir. « C'est simple », assure la déléguée.
Une pratique plus répandue dans les villes
Si la mesure vise les communes rurales de moins de 10 000 habitants, c'est parce que c'est dans cette strate que la tarification sociale (en général basée sur le quotient familial) est la moins répandue dans les cantines. 75 % des communes de plus de 10 000 habitants ont une tarification sociale à la cantine, à l'inverse, 25 % des communes de moins de 10 000 habitants n'en ont pas, ce qui peut s’expliquer par des difficultés d’ingénierie ou d’aides directes venant des CCAS, comme l'indique une étude de l'AMF d'octobre dernier prise en référence par le gouvernement.
Certain que le dispositif souffre d'un défaut d'information, le gouvernement parie donc sur une relance de la communication en faveur de ce dispositif. « L'accès à la cantine permet d’améliorer la concentration et un bon déroulement des apprentissages pour les enfants, de protéger aussi contre le surpoids et l'obésité, deux problèmes de santé publique croissant, et c'est un moment de socialisation important » insiste la déléguée interministérielle. Elle rappelle que les enfants de familles défavorisées sont deux fois moins nombreux à accéder à la cantine – 40 % n’y mangent pas. Avant la crise sanitaire, on estimait à 3 millions le nombre d’enfants pauvres en France.
De son côté, l’AMF a regretté que cette mesure soit limitée aux communes éligibles à la DSR cible, depuis élargie à la fraction péréquation, considérant qu’elle ne prend pas suffisamment en compte les communes en difficulté dans leur ensemble. Il en est d'ailleurs de même concernant le volet du Plan de relance consacré aux cantines pour les aider à répondre aux objectifs de la loi Egalim du 30 octobre 2018.
(1) Étude d’opinion menée par l’Institut Ipsos auprès de plus de 3000 communes
(2) Chiffres tirés de l'étude Ipsos
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