Maire-info
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Édition du vendredi 26 septembre 2025
Rénovation urbaine

Rénovation urbaine : doutant du financement futur de l'État, le président de l'Anru réclame « un système de recettes affectées »

À l'occasion d'une table ronde autour de la rénovation urbaine, au congrès de l'USH, les acteurs du secteur se sont projetés sur le futur de cette politique après le lancement d'une mission de préfiguration d'un Anru 3, en juin dernier. En jeu : le financement, la méthode, le périmètre...

Par A.W., à Paris

Priorité au QPV, recyclage du bâti existant, financement sanctuarisé… À l’occasion de la dernière journée du congrès HLM qui s’est déroulé cette semaine à Paris, la question cruciale de la politique de rénovation urbaine a été remise sur la table, hier. 

Un débat qui arrive alors que le deuxième programme de rénovation urbaine de l’Anru touche bientôt à sa fin et que la ministre du Logement, Valérie Létard, a lancé, en juin dernier, une mission de préfiguration pour lancer un nouveau programme – confiée à l’ancien directeur général de l'Anru, Philippe Van de Maele. 

Bien que le bilan de l'agence ait été nuancé, voire critiqué, après les émeutes de l'été 2023, un récent rapport remis au gouvernement en début d’année l’a confortée puisque ses auteurs ont estimé que l’Anru restait « légitime »  à poursuivre le portage de cette politique publique dans les prochaines années.

L’État n’a versé que « 10 % de sa contribution » 

« J’attends des réponses sur quatre grands sujets », a fait valoir, hier, le président de l'Anru, Patrice Vergriete, s’agissant de cette mission de préfiguration. « Le premier, c’est le périmètre : quelle priorité donnée aux QPV et comment on investit d’autres quartiers. Deuxième chose, comment on intègre mieux certains sujets de fond qu’on voit apparaître, comme le changement climatique ou le vieillissement de la population ? En trois, la méthode, et enfin l’argent. » 

Un dernier point particulièrement sensible dans le contexte budgétaire contraint du moment et alors que les élus locaux demandent de préserver les financements actuels, avec le fléchage d’une somme suffisante dans le projet de loi de finances 2026.

« Ce qu’on attend dans les prochains mois, c’est la certitude que les fonds propres [soient] engagés. On a lancé les programmes, il faut que l’État, notamment, puisse nous assurer que l’on pourra être accompagnés dans les deux ans qui viennent tel que c’était prévu », a souligné Marie-Laure Vuittenez, directrice générale d’Habitat et Métropole et présidente de la commission « Quartiers, tranquillité, sécurité, emploi »  de l’Union sociale pour l'habitat (USH).

Si Action Logement et l’USH sont « dans le rythme », puisqu’elles ont versé « 40 % de leur contribution », l’État, lui, est « un peu en retard ». « Il n’a versé qu’à peine 10 % », a dénoncé Patrice Vergriete.

« Doutes »  sur l’engagement futur de l’État

Malgré les annonces de la ministre du Logement d’un déblocage de 116 millions d’euros l’an prochain pour l’Anru (soit plus de deux fois les 50 millions d’euros versés par l’Etat en 2025), l’inquiétude et les incertitudes prévalent dans le contexte actuel. Une somme qui reste, en outre, bien en-deçà des quelque 250 millions d’euros réclamés par l’Agence.

Or si l'État ne versait pas sa part, il y a un risque  de voir un « ralentissement de la cadence ». « Ou bien un portage par des collectivités locales », a prévenu le président de l’Anru. « Je suis maire et président d’une communauté urbaine [Dunkerque], mais je n’ai pas envie d’avancer l’argent pour l’État… surtout quand ont lieu des élections municipales », a réprouvé l'élu.

Celui qui a été ministre du Logement a ainsi fait part de ses « doutes sur la capacité de l’État à s’engager »  à l'avenir. « Le principe de l’annualité budgétaire fait que je ne crois plus en la parole de l’État lorsqu’il me dit qu’il va me payer en 2030. À Dunkerque, il me faut huit ans pour sortir un programme complexe de logements. Qui peut dire la conjoncture du budget de l’État dans huit ans ? » 

« Moi, je crois en un système de recettes affectées sanctuarisé qui serait géré par l’Anru dans la durée, a-t-il plaidé. Ce sont des moyens qui ne seront pas remis en cause chaque année, contractuellement et juridiquement engagés. Avec des recettes affectées, on pourra dire aux maires : là vous vous engagez pour dix ans ». 

Toujours la « priorité »  aux quartiers

Autre enjeu : faut-il étendre cette politique au-delà des quartiers de la politique de la ville (QPV) ? Pas forcément, ont laissé entendre les intervenants de la table ronde.

Sur la base d’une enquête menée auprès de 300 quartiers, Marie-Laure Vuittenez a constaté qu’il y a « encore un énorme besoin sur les QPV et sur les quartiers assimilés. On a encore des morceaux de ville à traiter, que ce soient des grandes agglomérations, des villes moyennes, en zone détendu aussi. Donc la question ne se pose pas tellement ».

Même analyse du côté de Patrice Vergriete : « Il reste des nouveaux territoires que l’on n’avait pas forcément repérés initialement [avec] beaucoup de quartiers de la politique de la ville toujours en difficulté. Cette politique doit donc rester prioritaires pour ces quartiers. L’Anru, c’est les QPV. » 

« Est-ce qu’il faut un programme complémentaire ? Pour des territoires qui nécessiteraient l’expertise de l’Anru, pour des centres-villes anciens où on aurait des taux de vacance de logements très élevés. Pourquoi pas, mais laissons le programme national de rénovation urbaine poursuivre sa voie sur les QPV. On verra après s’il y a d’autres quartiers qui nécessitent une intervention », a-t-il tranché.

De leur côté, les auteurs du rapport consacrés à l’Anru estimaient aussi « nécessaire »  de maintenir un programme centré sur les quartiers, mais proposaient toutefois de l’élargir à d’autres territoires fragiles ou « risquant de l’être demain, notamment sous l’effet du changement climatique ». 

Recyclage du bâti ancien

« Il faut sûrement plus de souplesse, de décentralisation, approfondir la co-construction avec les habitants », a également expliqué le président de l’Anru qui prône aussi « une meilleure articulation entre l’urbain et le social ». « La création de l’Anru a un peu coupé en deux la politique de la ville : d’un côté la transformation urbaine et de l’autre le projet social. Il faut arrêter ça. Là où il y a un projet Anru, il faut aussi que ce soit le lieu du projet social. A quoi bon rénover une école s’il n’y a pas les profs dedans ? A quoi bon rénover une maison de quartier si on n’a pas l’équipe d’animation dedans ? » 

Par ailleurs, les intervenants ont estimé que « la suite [de la politique de rénovation urbaine] doit passer par le recyclage », comme l'a expliqué Fabienne Abécassis, directrice générale déléguée du bailleur social Erilia. « Sur l’Anru 3, ce sera un grand point. On a des objets qui datent des années 70 qui sont obsolètes et que l’on ne sait pas traiter aujourd’hui […] Il faut recycler le bâti existant. On n’est pas obligé de tout détruire, on peut faire du neuf avec du vieux ».

« L’Anru 1 a parfois fait beaucoup de mal sur le tissu social local »  avec ses démolitions quasi systématiques, a déploré Marie-Laure Vuittenez avant de rappeler qu’il faut « lutter contre le sentiment d’effacement des populations qui accueillent ces programmes de rénovation urbaine ». « Aujourd’hui c’est déjà mieux, mais s’il y a un Anru 3, [il faudra] avoir une approche différente du bâti existant [et] la possibilité de retravailler sur le tissu existant ».

« On a des personnes qui sont ancrées historiquement, il ne faut surtout pas qu’elles bougent si elles souhaitent rester. On peut viser une transformation de ces quartiers tout en gardant aussi ce qui fait la qualité de ces quartiers et leur richesse », a soutenu la directrice générale d’Habitat et Métropole qui plaide aussi pour « un Anru adapté à la transformation climatique ».

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