Maire-info
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Édition du mercredi 5 juillet 2023
Urbanisme

Rénovation énergétique des logements : le Sénat formule des recommandations pour préserver le bâti ancien

La sénatrice Sabine Drexler a présenté hier les conclusions de son rapport sur les modalités de conciliation de l'objectif de rénovation énergétique des bâtiments avec celui de la préservation du patrimoine. Elle propose notamment l'identification par les collectivités des bâtis à préserver.

Par Lucile Bonnin

Le bâti ancien datant d’avant 1948 représente un peu plus de 10 millions de logements, soit 30 % du parc. Une part non négligeable du parc immobilier de logements qui doit être rénové pour faire face au dérèglement climatique. 

Promulguée en 2021, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, rend notamment obligatoire le diagnostic de performance énergétique (DPE) pour vendre et louer un bien immobilier. Les travaux de rénovation énergétique sont donc « appelés à se multiplier » . Face à ce phénomène, l’enjeu est d’empêcher qu’une partie du patrimoine traditionnel disparaisse. 

Ainsi, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a chargé Sabine Drexler (Haut-Rhin) d'une mission d'information flash sur le patrimoine et la transition écologique. Dix recommandations ont été formulées dans ce rapport afin de « mieux concilier les objectifs de rénovation thermique avec ceux de la préservation du patrimoine bâti ». 

Des outils inadaptés 

Un constat est tout d’abord dressé : la « législation en matière de rénovation thermique (…) tient insuffisamment compte des qualités intrinsèques du bâti ancien » . La sénatrice regrette que, dans la loi Climat et résilience, « aucune disposition n’existe pour le patrimoine non protégé sauf lorsque le coût des travaux de rénovation énergétique performante excède 50 % de la valeur vénale du bien ou lorsque ces travaux font courir un risque de pathologie du bâti attesté par un homme de l’art ».

La mission pointe avant tout le hors sol de certaines dispositions de la loi comme les modalités de calcul du nouveau DPE qui sont « trop simplificatrices »  (60 % du bâti ancien est classé E, F, G) ou encore les solutions d’isolation qui sont inadaptées. La sénatrice prend notamment l’exemple de l’isolation par l’extérieur « qui est à proscrire en cas de façade en pierre de taille ou de façade à pan de bois ou à colombage, ou du remplacement des menuiseries extérieures, susceptible de faire perdre sa cohérence patrimoniale au bâti ». 

Ces outils inadaptés font peser des risques multiples selon la rapporteure : risque de vacance des logements dans le bâti ancien, risque d’effacement progressif du patrimoine non protégé et de banalisation des caractéristiques architecturales propres à chaque région, risque d’accélération de la disparition des savoir-faire traditionnels et risque de gaspillage de l’argent public. 

Sur ces sujets, la commission propose d’adapter le DPE aux spécificités du bâti ancien. Elle recommande aussi « que l’impact environnemental et le caractère durable des travaux engagés fassent partie des critères pris en considération pour l’élaboration des prescriptions en matière de travaux »  et insiste sur la formation des architectes et diagnostiqueurs à cette particularité. 

Meilleure identification des bâtiments à protéger 

« La commission juge indispensable de mieux identifier le bâti ancien à préserver » . Pour cela, elle propose que ce soit les collectivités territoriales qui identifient le patrimoine bâti à préserver dans leurs documents d’urbanisme. 

La rapporteure constate que de nombreux maires « se retrouvent aujourd’hui dépassés par la multiplication des demandes d’autorisation d’isolation par l’extérieur et ils n’ont pas le droit de s’y opposer, à moins que des protections patrimoniales ne l’interdisent » . Elle ajoute que par manque de communication sur le sujet, beaucoup « ignorent que le PLU peut identifier le patrimoine à conserver et définir des prescriptions de nature à assurer sa préservation ». « Je crois nécessaire d’encourager les maires à s’emparer de cette possibilité, ajoute-t-elle. À cet effet, je pense qu’il pourrait être efficace de conditionner l’octroi ou de bonifier le taux de certaines subventions départementales, régionales ou nationales à l’élaboration d’un tel PLU patrimonial ». Cependant cette proposition reviendrait à défavoriser les communes qui n’ont pas un tel niveau de PLU ou les communes qui n’en n’ont pas, or la mission flash reconnait également « la lourdeur de la procédure de révision d’un PLU ».

En matière d’aides financières, la commission préconise que « les aides publiques soient conditionnées à la bonne prise en compte »  des caractéristiques spécifiques du bâti ancien. Surtout, la rapporteure propose développer de nouveaux outils fiscaux notamment pour le patrimoine non protégé en milieu rural. Le label de la Fondation du patrimoine pourrait être étendu aux travaux de rénovation énergétique respectueux du bâti ancien. « Éventuellement, on pourrait l’étendre jusqu’aux communes de 50 000 habitants afin de mieux traiter la problématique du patrimoine non protégé dans les centres anciens » , a-t-elle précisé. 

Ces recommandations vont être bientôt présentées au gouvernement avec l’espoir qu’elles puissent être mises en application avant 2025.

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