Réforme des retraites : les difficultés qu'elle posera aux employeurs territoriaux
Par Franck Lemarc
« Des motifs de satisfaction, et des inquiétudes. » C’est ainsi que Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, réagit ce matin après les annonces faites par le gouvernement hier. Au chapitre des satisfactions, bien sûr, le fait que le projet de réforme ne prévoie aucune augmentation des taux de cotisations retraites pour les employeurs, en l’état actuel des choses, et même « si l’on n’est pas bien sûr à l’abri d’une future autre réforme sur ce sujet », ajoute la maire de Lampertheim. Reste qu'avec la réforme de la rémunération des fonctionnaires territoriaux qui va s’ouvrir (transfert primes-points), « il va mécaniquement y avoir un surcoût sur les assiettes de cotisation ». L’AMF, dans un communiqué publié hier soir, demande donc « des études d’impacts dynamiques des coûts réels induits sur le calcul des pensions de retraite pour en mesurer les effets sur des finances locales déjà très contraintes ».
Autre élément salué par l’association : la réintroduction de la retraite progressive pour les fonctionnaires. « Mais quels en seront les contours, le financement, les modalités ?, interroge Murielle Fabre. Il faut que les employeurs territoriaux soient très étroitement associés à ces réflexions. »
Pistes de réflexion
L’absence de hausse des cotisations employeurs ne signifie pas que la réforme sera indolore pour les employeurs territoriaux. C’est ce qu’explique à Maire info Philippe Laurent, maire de Sceaux et porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux (1) : « En réalité, il y aura des conséquences budgétaires. Le fait que les agents travaillent plus longtemps va forcément conduire à une augmentation des congés maladie, de l’absentéisme, etc. » D’autant, ajoute Murielle Fabre, qu’il « ne faut pas oublier que dans la fonction publique territoriale, nous avons plus d’agents de catégorie C que dans les autres versants et une proportion plus importante de métiers pénibles. » Ces « spécificités » de la FPT n’ont, apparemment, pas été prises en compte dans le projet de réforme du gouvernement – la secrétaire générale de l’AMF note d’ailleurs que « si le gouvernement a concerté avec les organisations syndicales, il n’a même pas reçu les employeurs territoriaux ». Ceux-ci ont donc diffusé, dès la mi-décembre, une contribution dans laquelle ils exposent les difficultés qu’ils anticipent et des pistes pour y remédier. « La réforme, écrit la Coordination, représente un défi quant à l’usure professionnelle des agents dans la mesure où elle conduit mécaniquement à maintenir plus longtemps en position d’activité des agents exposés à la pénibilité voire des agents déjà en situation d’invalidité. » Il y aura bien, avec cette réforme, « un transfert de couverture assurantielle » : les agents qui auraient dû être à la retraite et, à ce titre, couverts par le système de retraite, vont l’être demain par leur employeur.
« Il va falloir que l’on agisse en amont pour éviter cette situation, explique Philippe Laurent, en multipliant les actions de prévention et de formation. » Mais d’autres pistes se dessinent, à commencer par « une extension des catégories actives à d’autres métiers exposés au risque d’usure ». Voire, poursuit Philippe Laurent, à une réflexion « sur les critères de pénibilité ». Aujourd’hui, « la notion de pénibilité ne s’appuie quasiment que sur des critères physiques (charge lourdes, etc.). Mais nous constatons tous que certains métiers, même s’ils ne sont pas physiques, sont extrêmement usants – je pense aux animateurs, aux métiers de la petite enfance. Il faut une réflexion sur ce sujet. »
Mobilité entre filières et entre versants
Les employeurs territoriaux attendent également des évolutions sur les possibilités qui pourraient s’ouvrir en matière de mobilité, « entre filières, voire entre versants de la fonction publique », précise Philippe Laurent. « Si les agents doivent travailler plus longtemps, il est d'autant plus nécessaire de faciliter les possibilités de reconversion, de ‘’deuxième carrière’’ dans un métier moins pénible. Y compris en passant d’un versant à un autre de la fonction publique ». La Coordination des employeurs demande donc « un approfondissement de la mutualisation, (…) ce qui appelle un rapprochement territorial entre employeurs publics des différents versants. »
Il faut maintenant attendre la publication du texte lui-même pour être fixé sur le fait de savoir si le gouvernement a intégré certains de ces points dans sa réforme – la présentation faite hier étant trop générale pour le savoir. Cette publication s’accompagnera de celle d’une étude d’impact qui permettra, peut-être, de chiffrer précisément les conséquences financières de la réforme pour les employeurs territoriaux.
Dans son communiqué d’hier, l’AMF se dit « vigilante » sur ce sujet, et demande au gouvernement de ne pas négliger « l’équilibre et l’avenir des organismes de retraite du versant territorial, qui ont déjà très largement participé à la compensation des autres régimes déficitaires. » Elle espère que cette réforme puisse être « l’occasion de conforter les conditions de leur équilibre ».
(1) AMF – AMRF – APVF – CNFPT – Départements de France – FNCDG – France urbaine – Intercommunalités de France – Régions de France – Villes de France – Collège employeurs du CSFPT.
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