Certification des comptes locaux : la Cour des comptes veut la rendre obligatoire pour les collectivités les plus importantes
Par A.W.
Malgré les « progrès » réalisés, « le chemin à parcourir » reste « important ». C’est la conclusion rendue par la Cour des comptes dans un bilan définitif, présenté la semaine dernière, concernant l’expérimentation de la certification et des différents modes de fiabilisation des comptes locaux, qu’elle a lancée il y a sept ans.
Pour rappel, cette expérimentation a été mise en œuvre en 2016, dans le cadre de la loi Notre, auprès de 25 collectivités volontaires de toute taille (dix communes allant de Cuers, 10 600 habitants, à Paris, quatre communautés d’agglomération, une communauté de communes, une métropole, six conseils départementaux, deux conseils régionaux et un syndicat départemental d’énergie) qui se sont ainsi lancées dans la certification de leurs comptes sous l’égide d’un commissaire aux comptes.
Garantir des comptes « les plus transparents possibles »
Alors que les comptes de l'État et de la Sécurité sociale sont d'ores et déjà certifiés, de même qu’un certain nombre d'établissements publics nationaux, cette certification a été pensée, par le gouvernement de l'époque à l'origine de l'expérimentation, comme une « étape supplémentaire en faveur de la sincérité et de la transparence de comptes publics ». Celle-ci doit ainsi permettre de garantir la « sincérité », « la régularité » et la « fidélité » des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements.
« Cette certification permettra de progresser en termes d’image sur la qualité des comptes des collectivités pour que l’on puisse dire que l’on a les comptes les plus transparents possibles. Mais cela permettra aussi de progresser techniquement et d’apporter une aide auprès des personnels comptables et financiers », confirmait, en 2016, le maire de Sceaux, Philippe Laurent (alors secrétaire général de l’AMF), en précisant que « ce n’est pas une note financière qui, elle, définit la capacité à rembourser la dette. La certification permet uniquement de garantir la sincérité des comptes, qu’ils soient bons ou mauvais ».
Obligation pour les grandes collectivités
Si la Cour estime que « toutes les collectivités devraient adopter une démarche de fiabilisation de leurs comptes », elle préconise de rendre obligatoire la certification pour les régions, les départements ainsi que pour les autres collectivités, « selon un ou des seuils qui tiennent compte de la forte concentration des enjeux financiers sur un petit nombre d’entités ». L’institution rappelle ainsi que « 1 757 collectivités (soit 2,5 % des 66 454 entités du secteur public local) représentent 80 % du total des dépenses de fonctionnement des collectivités ».
Pour les autres, elle recommande la possibilité de recourir à des « modes alternatifs » à la certification, « selon une palette de formules allant d’un examen limité annuel à une synthèse élaborée par le réseau de la DGFiP ».
Dans ce cadre, l’intervention d’un auditeur externe serait « souhaitable et utile », à ses yeux, afin d’« assurer, non seulement la régularité, mais aussi la sincérité et l’image fidèle des comptes de ces collectivités ». Elle constituerait ainsi « une contribution à la transparence de la gestion publique, pour les responsables de leur gestion et pour l’ensemble des élus et des citoyens ».
Si cette certification par un auditeur externe en est « le mode le plus abouti », elle est aussi « le plus exigeant et le plus coûteux », et ne devrait, pour cette raison, s’imposer qu’aux « plus importantes » collectivités.
Sur ce point, si elles soulignent l’intérêt d’un tel dispositif, les associations d’élus se sont pour l’essentiel d’entre elles opposées, dans leurs différentes réponses à la Cour, à une telle obligation « même pour les collectivités les plus importantes », jugeant qu’une telle démarche de certification devait « rester volontaire ». En cause notamment, les « coûts induits » (honoraires des commissaires aux comptes, adaptation des logiciels, temps investi par les agents publics pour travailler sur la certification).
Des « évolutions profondes » à engager
Malgré les « progrès » réalisés par chacune des collectivités qui ont participé à l’expérimentation, notamment grâce aux « professionnels du chiffre », la Cour pointe donc « l’importance du chemin [encore] à parcourir ».
Afin que l’intervention d'un auditeur externe soit pleinement utile, des marges de progrès substantielles devront être fournies afin d’établir des « comptes réguliers et sincères », selon elle.
De nombreux domaines ont été identifiés pour lesquels des « évolutions profondes » (notamment du cadre légal et réglementaire qui régit la tenue des comptes publics locaux) seront « nécessaires » : qu’il s’agisse des normes comptables, des états financiers, du contrôle interne ou encore des systèmes d’information.
Premier point, les magistrats financiers estiment « indispensable » que les entités publiques locales disposent d’un compte financier unique (CPU), qui présente « une information patrimoniale et budgétaire complète et agrégée », alors qu’elles n’ont, à l’heure actuelle, que des comptes établis sur chacun des segments budgétaires qu’elles instituent. Ce qui conduit à présenter souvent « une situation financière incomplète, voire trompeuse ». Un rapport de gestion contribuerait, en outre, à « améliorer la lisibilité ».
Les sages de la rue Cambon demandent également d’améliorer les performances d’Hélios – le système d’information national unique utilisé par la DGFiP pour tenir la comptabilité de toutes les entités publiques locales – , dont les contrôles intégrés « contribuent à la détection automatisée des anomalies ».
Ils recommandent aussi de « faire évoluer le référentiel comptable et lui conférer une valeur réglementaire », de « supprimer ou limiter les dérogations » accordées à certaines collectivités en fonction de leur nature ou de leur taille (en particulier concernant leur patrimoine), mais aussi de rendre « obligatoire » la mise en place du contrôle interne et de « faciliter l’accès des collectivités et des auditeurs aux informations détenues par des tiers » (immobilisations mises en concession ou mises à disposition, subventions d’investissement versées, recettes fiscales, charges d’intervention et fonds européens gérés par les régions).
Un temps d’adaptation nécessaire
La Cour propose, par ailleurs, d’« assouplir » le calendrier légal et réglementaire d’arrêté des comptes afin, notamment, de « prendre en compte les incidences des échéances électorales » (celui-ci ayant constitué « une difficulté au cours des deux années de certification expérimentale, s’agissant en particulier du respect des dates butoirs » ) et souhaite la mise en place d’un « référentiel d’audit propre au secteur public local » correspondant aux spécificités des collectivités.
Elle estime enfin qu’un temps d’adaptation sera nécessaire avant une généralisation de la démarche de certification avec une mise en œuvre de l’obligation devrait être progressive, « de deux à cinq ans ». L’expérimentation a ainsi montré qu'une seule des collectivités concernées était parvenue, au terme de sept années de mobilisation à « achever le déploiement d’un dispositif de contrôle interne suffisamment complet pour garantir une maîtrise des risques de l’ensemble des cycles comptables ».
« Ces progrès prendront du temps car, au-delà du cadre juridique, ils impliquent des changements des outils et des pratiques des gestionnaires, des comptables publics et des auditeurs externes », souligne la Cour.
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