Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 19 janvier 2023
Réforme des retraites

Réforme des retraites : vers une très mauvaise surprise pour les employeurs territoriaux ?

Alors que le gouvernement avait promis que la réforme des retraites ne se traduirait pas par une augmentation des cotisations employeurs, la Première ministre a laissé entendre qu'il pourrait en être autrement. Décryptage.

Par Franck Lemarc

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C’est une petite phrase prononcée par la Première ministre samedi dernier, sur France inter, qui a dû faire sursauter bien des maires : « On va aussi demander aux employeurs dans la fonction publique territoriale d’augmenter un peu leurs cotisations. »  Voilà qui représenterait à la fois une mauvaise surprise et une mauvaise manière, dans la mesure où le gouvernement s’était engagé, dans les mois qui ont précédé l’annonce de cette réforme, à ne pas toucher aux cotisations sociales des employeurs publics.

Retour sur la parole donnée

C’était même l’un des éléments de satisfaction qui avait été mis en avant par les associations d’élus. Que ce soit Philippe Laurent, maire de Sceaux et porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux, ou Murielle Fabre, maire de Lampertheim et secrétaire générale de l’AMF, tous s’étaient félicités que le gouvernement ait choisi de ne pas augmenter les cotisations – tout en faisant état d’autres inquiétudes sur les conséquences de la réforme, (lire Maire info du 11 janvier). Ce point apparaissait comme un préalable à l’acceptation de cette réforme par les associations d’élus. 

Mais les déclarations d’Élisabeth Borne, samedi, font craindre un retour sur la parole donnée. Ces déclarations ont été complétées par des informations données par nos confrères des Échos, le 17 janvier, dont les sources à Matignon évoquent une augmentation d’un point des cotisations pour les employeurs territoriaux : le taux de contribution employeur, qui finance la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), pourrait passer de 30,65 % à 31,65 %, selon Les Échos, ce qui représenterait quelque 460 millions d’euros de dépenses supplémentaires par an pour les employeurs territoriaux. 

« Surprise » 

Dans un courrier envoyé hier à la Première ministre par le président de l’AMF, David Lisnard, que Maire info a pu consulter, celui-ci dit sa « surprise »  à propos de cette annonce. « Deux des ministres de votre gouvernement, M. Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques et Mme Faure, ministre déléguée aux Collectivités locales et à la Ruralité, se sont entretenus vendredi dernier avec la coordination des employeurs territoriaux et n’ont pas fait part aux associations d’élus locaux de cette décision. »  Pire : « Le document adressé par le ministre à la suite de cette réunion indiquait en introduction que la réforme repose sur des principes structurants, parmi lesquels la non-augmentation du coût du travail. » 

Si réellement le gouvernement souhaite augmenter d’un point les cotisations employeurs, cela revient clairement, pourtant, à augmenter le coût du travail. 

Transferts vers d’autres caisses

Selon les informations des Échos, l’objectif de cette augmentation serait de « financer la revalorisation de la retraite minimale à 85 % du smic pour tous les retraités ayant une carrière complète ». Et ce alors que la CNRACL est déjà fortement déficitaire. 

Sauf qu’une part de ce déficit est dû au fait que cette caisse est régulièrement ponctionnée pour alimenter les autres régimes de retraite : depuis 1974, ce sont « plus de 80 milliards d’euros »  qui ont été transférés, au titre de la compensation, de la CNRACL vers d’autres caisses, rappelle David Lisnard. 

Il n’est pas question pour l’AMF de remettre en cause « le principe de solidarité », la compensation entre régimes étant « le fondement de notre système de retraites », affirme le maire de Cannes. Mais supporter à la fois les ponctions dues à la compensation et une hausse de la compensation ne paraît pas acceptable : « Aucune hausse de cotisation ne peut s’entendre si elle ne s’accompagne pas dans le même temps de l’extinction de la compensation. » 

La question des contractuels

Reste la question de fond : le déficit de la CNRACL, au-delà de la compensation, est dû à une double cause. D’une part, la question démographique, comme pour les autres régimes, c’est-à-dire la diminution du nombre des actifs par rapport aux retraités. Et, d’autre part, le recours de plus en plus fréquent aux agents contractuels, dont les cotisations ne vont pas à la CNRACL mais à la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse). Ce qui, mécaniquement, diminue les ressources de la CNRACL. Pour David Lisnard, la question du déséquilibre financier de la caisse de retraite des agents de la territoriale doit donc « s’appréhender et se résoudre par une réflexion structurelle sur le périmètre des différents régimes ». Il rappelle que l’AMF plaide « pour une affiliation des contractuels et des fonctionnaires dont le temps de travail est inférieur à 28 heures »  à la CNRACL. 

En conclusion, le maire de Cannes demande instamment à la Première ministre de « surseoir à toute décision précipitée sur le taux de cotisation CNRACL ». Il appelle, en revanche, à l’ouverture rapide d’une négociation de fond « sur les différentes options pour remédier au déséquilibre »  de cette caisse. 

Reste à savoir la réponse qu’apportera la Première ministre à ces interrogations. Cette réponse, écrit David Lisnard, « conditionnera le positionnement de l’AMF sur le projet de réforme des retraites ». 

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