Réforme des retraites au Sénat : la question de la retraite des élus locaux fait son apparition
Par Franck Lemarc
Après l’échec du débat à l’Assemblée nationale, lors duquel le texte n’a finalement pas pu être débattu dans son ensemble, le PLFRSS arrive aujourd’hui en séance publique au Sénat pour dix jours au maximum, les débats devant s’achever au plus tard le 12 mars.
Le nombre d’amendements déposés sur ce texte, s’il reste élevé, est plus raisonnable qu’à l’Assemblée nationale : il y en a 4 727. Deux motions ont par ailleurs été déposées, qui seront discutées en premier.
La première, déposée par les sénateurs communistes, est une « exception d’irrecevabilité » : elle vise à faire déclarer « irrecevable » par le Sénat ce projet de loi, au motif qu’il « ne respecte pas la procédure législative » : l’utilisation de l’article 47-1, qui permet, lors de l’examen de textes financiers, de limiter le temps de débat, ne devrait selon ces sénateurs être réservé « qu’aux textes financiers relevant de l’urgence dont la non-adoption pourrait causer par exemple un péril budgétaire au pays ». Quant aux sénateurs écologistes, ils ont déposé une « question préalable » visant à décider « qu’il n’y a pas lieu de poursuivre le débat » sur ce texte, pour les mêmes raisons que les sénateurs communistes, mais en ajoutant que les « alertes » du Conseil d’État (lire Maire info du 23 février) laissent présager qu’une partie des dispositions en débat seront « frappées d’inconstitutionnalité ».
Hausse des cotisations employeurs
Sans revenir sur le fond du texte, à savoir le report de l’âge de départ en retraite et l’accélération de la réforme Touraine, précisons que plusieurs dispositions en discussion concernent directement les maires et la fonction publique territoriale.
Plusieurs amendements déposés par l’opposition visent à s’opposer à la volonté du gouvernement d’augmenter les cotisations retraites d’un point pour les employeurs territoriaux et hospitaliers. Ils dénoncent le fait que cette décision a été prise « sans aucune concertation » avec les associations d’élus. « La facture serait d'autant plus lourde pour les collectivités, que celles-ci devront à moyen terme contribuer obligatoirement à la protection sociale complémentaire de leurs agents. Pour rappel, les employeurs territoriaux financeront au minimum 20% des cotisations prévoyance de leurs agents dès le 1er janvier 2025, et 50 % de leurs cotisations santé dès 2026 », souligne le sénateur centriste Jean-Michel Arnaud. Les auteurs de ces amendements ne se montrent pas convaincus de la volonté affichée par le gouvernement de « compenser » cette hausse et demandent, comme l’AMF, la « remise à plat du système de retraites des agents territoriaux compte tenu notamment de la part croissante d’emplois contractuels dans les collectivités ».
Des sénateurs centristes demandent, par ailleurs, la fin des prélèvements de la CNRACL vers les autres caisses déficitaires, à compter du 1er septembre prochain. « Le montant de cette contribution est estimé à 670 millions d’euros en 2023, soit un montant quasiment équivalent à celui que génèrerait une progression d’un point du taux de cotisation. La suppression de cette participation au régime pourrait donc constituer une réponse au déséquilibre financier que la CNRACL connaît, sans solliciter par ailleurs employeurs publics et budget de l’État. »
Signalons un autre amendement, des sénateurs centristes toujours, visant à élargir le classement des agents territoriaux dans la catégorie active, qui permet de partir un peu plus tôt en retraite. Les sénateurs demandent que certains emplois, bien que sédentaires, puissent être placés en catégorie active du fait de « leur risque particulier d’usure professionnelle », notamment « dans les filières technique et sociale ».
Le régime Ircantec élus
Plusieurs amendements s’attaquent à la question des indemnités de fonction des élus locaux et de leur incidence sur les pensions de retraite – ou sur d’autres aides financières.
Maire info relatait hier la situation catastrophique des agriculteurs en activité de plus de 67 ans, anciens élus, qui n’auraient plus droit aux aides financières de la PAC parce qu’ils touchent, en tant qu’anciens élus, une pension Ircantec. Le même type de problème touche les avocats élus locaux, la Caisse nationale des barreaux français refusant de liquider leur retraite professionnelle au motif qu’ils continuent à cotiser à l’Ircantec.
L’AMF a annoncé son intention de demander que le régime « Ircantec élus » soit distingué des autres régimes, pour éviter ce type de problème.
Plusieurs amendements (présentés par les sénateurs socialistes), relayent cette demande afin que le régime Ircantec élus « n’interfère pas avec les autres régimes de retraite obligatoires ».
Valoriser l'engagement des élus
Un autre amendement (lui aussi défendu par les sénateurs socialistes) propose de s’interroger sur la « valorisation de l’engagement des élus locaux », et demande un rapport au gouvernement sur la possibilité de permettre d’attribuer aux élus locaux des trimestres pour chaque mandat réalisé. Les sénateurs rappellent que de nombreux élus ont dû « réduire, voire abandonner leur activité professionnelle pour mieux se consacrer à leur mandat », ce qui restreint d’autant leurs droits en matière de retraite. L’amendement propose donc un rapport, sous un an, sur cette question de la « compensation » de cet engagement par l’attribution de trimestres supplémentaires.
Le gouvernement a pris les devants sur ce sujet en déposant un amendement intéressant, et propose une réforme qui pourrait améliorer la situation de nombreux élus. L’amendement propose de permettre les rachats de trimestre « pour les années pendant lesquelles un assuré a été membre d’un organe délibérant, indépendamment du nombre de trimestres qu’il aurait ou non validé pour cette année ». En effet, précise le gouvernement, le système actuel permet le rachat de trimestres pour les années incomplètes, mais pas dans le cas où un élu n’aurait validé aucun trimestre.
Par ailleurs, le gouvernement relève que beaucoup d'élus qui touchent des indemnités de fonction inférieures à 1 833 euros par mois (soit l’écrasante majorité d’entre eux), « ne cotisent pas au régime de base de la Sécurité sociale », et, de ce fait, ne valident pas forcément quatre trimestres par an. L’amendement propose donc « d’offrir la possibilité à ces élus locaux », de façon non obligatoire donc et avec l'accord exprès de la collectivité, « d’être assujettis aux cotisations de Sécurité sociale, dont la cotisation d’assurance vieillesse, sur l’indemnité de fonction qu’ils perçoivent ».
Cet amendement émanant du gouvernement, on peut espérer que, même si le débat ne devait pas arriver à son terme et si le gouvernement choisissait de passer en force, il serait conservé dans la version finale. Le texte prévoit que ce dispositif ferait l’objet d’un décret, qu’il faudra alors étudier avec attention.
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