Rapport Azéma-Mathiot : revoir l'éducation prioritaire au coeur des quartiers et dans tous les territoiresÂ
L'Éducation nationale devrait conforter l'éducation prioritaire sur certains territoires (les REP+) mais revoir sa politique sur tout le reste du territoire pour mieux prendre en compte « la diversité des besoins régionaux ». C'est ce qui est proposé dans le rapport Azéma-Mathiot, remis mardi 5 novembre au ministre de l'Éducation nationale (1).
L'inspectrice générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche et le professeur des universités avaient reçu mission « d'apporter une vision globale de ce que doit être la politique territoriale de l'Éducation nationale ». Le « double objectif » fixé étant « l'élévation générale du niveau des élèves et de justice sociale, compte tenu de l’ampleur et de la diversité des difficultés territoriales qui affectent la réussite scolaire des élèves ».
Les auteurs partent d'un constat, peu flatteur : l'approche territoriale de l'Éducation nationale est « binaire et inadaptée ». D'un côté, la politique d'éducation prioritaire, plutôt concentrée dans les zones urbaines, a un « faible impact ». De l'autre, dans les territoires ruraux, les politiques sont « parcellaires » et négligent – au niveau national - la question des transports. Globalement, les inégalités territoriales, loin de diminuer, se renforcent, avec de fortes disparités.
C'est donc l'ensemble du système qu'il faut revoir. Les auteurs prônent une continuité éducative, assise sur la diversité territoriale et un accompagnement des élèves les plus modestes « dans tous les territoires ». Après avoir rencontré tout le panel possible d'acteurs concernés et d’experts sur la question (dont la commission Politique de la ville de l'AMF au printemps dernier), les auteurs ont arrêté 25 mesures, dont la mise en œuvre pourrait être assez rapide – puisqu'elles sont « destinées à être mises en place à partir de la rentrée scolaire 2020 ».
Ne maintenir que les REP+ au niveau national
D'un côté, l'éducation prioritaire serait recentrée sur l'éducation prioritaire renforcée, soit les REP +. La carte des Rep+ serait reconduite, jusqu’en 2022. Et la mesure de dédoublement, généralisée aux CP et CE1 et bientôt aux maternelles en REP, serait étendue « à l’ensemble des écoles concentrant des difficultés sociales » dans les quartiers de la politique de la ville. Autrement dit, les écoles dites orphelines, qui sont en politique de la ville mais dont le collège de référence est, lui, hors de ce périmètre. Cette mesure serait mise en œuvre « progressivement » d'ici 2022, préconisent les auteurs, compte tenu « du nombre significatif d’écoles concernées (entre 650 et 1150 selon que l’on retienne le strict périmètre QPV ou un périmètre élargi à 100 mètres) » et donc des postes supplémentaires requis (« entre 500 et 1 000 » ) ainsi que « des enjeux d’organisation des locaux ».
Du nouveau pour les petites villes et bourgs
Le rapport préconise de prévoir « un dispositif spécifique défini nationalement au bénéfice des écoles des petites villes et bourgs en difficulté sociale et scolaire ». La mesure fait écho au constat, rappelé il y a quelques jours par le rapport Lafon-Roux (lire Maire info du 23 octobre), que « 70% des enfants socialement défavorisés ne sont pas scolarisés en REP ». Or les travaux menés dans le cadre de la mission ont « fait ressortir une problématique scolaire spécifique pour la catégorie des ''petites villes'' et "petits bourgs" ». Certaines écoles et collèges « connaissent, au sein du monde rural, les indicateurs de réussite scolaire les plus défavorables (proportion de jeunes en difficulté de lecture, part des jeunes sortis du système éducatif sans diplôme) que semblent confirmer les résultats des évaluations ». La mission préconise plusieurs pistes : soit « étendre la mesure de dédoublement aux écoles de ces territoires » ; soit «envisager un dispositif similaire à Plus de maîtres que de classes » – un dispositif lancé sous le précédent quinquennat et abandonné depuis. Le besoin de postes est estimé à « plusieurs dizaines ».
Plus globalement, « pour répondre à la diversité des territoires », la mission préconise, en lieu et place des REP, de « créer une politique de priorisation académique » avec quelques mesures qui n'ont pas fini de faire débat. Comme de « développer une politique d’association de l’enseignement privé sous contrat aux politiques de mixité et de cohésion territoriale » ou encore « d'adapter le calibrage et la territorialisation des moyens académiques ».
Moins polémique, elle propose « d'intégrer les priorités territoriales scolaires aux dispositifs et financements interministériels d’aménagement du territoire ». Ce qui implique de « définir des agendas académiques territoriaux fondés sur une nouvelle grille territoriale ». Avec notamment le nouvel indice d’éloignement élaboré par les services du ministère. Cela comblerait l'absence actuelle de toute planification, hormis celles des conventions ruralité.
À noter enfin, l'accent mis sur la nécessité de « mieux prendre en compte les incidences des transports des élèves sur leur réussite et leur parcours ». Ainsi que celle de « développer de nouvelles formes de co-construction État-collectivités en matière de politiques éducatives ». La mission évoque « l'élaboration d'un vademecum conjoint État-associations nationales de collectivités École, collège et lycée du XXIe siècle ».
Le ministère n'a pour l'heure pas fait de communication officielle sur ces propositions.
E.S.
(1) « Territoires et réussite », rapport de Ariane Azéma et Pierre Mathiot, octobre 2019
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