Les banques alimentaires s'inquiètent de l'état de santé détérioré de leurs bénéficiaires, dont le nombre exploseÂ
Par A.W.
Santé mentale dégradée, problèmes cardiaques, obésité, diabète… Dans une étude qu’elle vient de présenter au Salon de l’agriculture, la Fédération nationale des banques alimentaires s’alarme de l’état de santé dégradé des personnes bénéficiaires de l’aide alimentaire, alors que le nombre de personnes accueillies dans ces structures ne cesse de progresser depuis la crise du covid-19.
Rien que sur l’année 2023, le réseau des banques alimentaires évalue cette hausse à « plus 10 % », et à 30 % en trois ans. Ce sont donc désormais 2,6 millions de personnes qui en sont bénéficiaires, du fait essentiellement de la hausse du prix des produits alimentaires essentiels sur les dix dernières années – beurre et légumes frais (+ 72 %), pâtes et viande (près de 30 %).
Nouvelles populations
Si ce sont toujours majoritairement des personnes seules (41 %) et des familles monoparentales (31 %) qui sont accueillies, l’arrivée de nouvelles populations dans les structures d’aide alimentaire se confirme avec une part de jeunes (+ 19 % en cinq ans) et de travailleurs pauvres en augmentation. « 17 % des personnes accueillies ont un emploi, dont 60 % en CDI, et les deux tiers en temps partiel », constate le réseau.
Un afflux que certaines associations ont dorénavant parfois du mal à juguler, d’autant que les dons de la grande distribution ont tendance à diminuer en quantité, mais aussi en qualité.
Parmi les constats inquiétants, le réseau estime ainsi à plus d’un tiers le nombre de personnes ayant répondu à son enquête* qui ne mangent que deux repas par jour, voire moins pour 3,6 % d’entre elles. Outre des prix alimentaires devenus prohibitifs pour elles, le manque d’équipements de cuisine constitue également un frein majeur à l’adoption de bonnes pratiques liées à l’alimentation puisque 6 % d’entre elles n’ont pas de réfrigérateur, 9 % n’ont pas de plaques de cuisson et 10 % n’ont pas de four.
Parmi elles, les familles monoparentales apparaissent comme étant les ménages « les plus en difficulté » car elles dépendent « majoritairement » de l’aide alimentaire : elles le sont « deux à trois fois plus » que les autres typologies de ménages pour leur approvisionnement en protéines (47 %), fruits, légumes (40 %) et légumineuses (28 %), selon les données du réseau de banques alimentaires.
Plus de deux tiers de ces familles se retrouvent même en situation d’insuffisance alimentaire, c’est-à-dire qu’elles n’ont accès à une alimentation ni en qualité ni en quantité suffisante. Résultat, « plus de la moitié des monoparents mangent moins d’une portion de légumes par jour », ces derniers se privant possiblement volontairement afin de « garantir une alimentation en quantité suffisante à leurs enfants », envisagent les auteurs de l’étude qui soulignent, au passage, que les répondants ne fréquentent quasiment pas les fast-foods puisque « 90 % d’entre eux ne s’y rendent jamais ou alors une fois par mois ».
Santé mentale, diabète, obésité…
Mais derrière cette précarité alimentaire, ce sont les conséquences manifestes sur la santé qui affleurent. Si les répondants à l’enquête assurent être très majoritairement bien sensibilisés au lien entre alimentation et santé, leur état de santé est moins bon que la moyenne nationale puisque plus de sept d’entre eux sur dix déclarent au moins un problème de santé.
Dans le détail, « un quart [d’entre eux] estiment que leur état de santé est mauvais ou très mauvais », « près d’un tiers » souffre de problèmes cardio-vasculaires ou de surpoids et d’obésité, quand 15 % se disent diabétiques, « contre 5 % dans la population générale ».
Autre point préoccupant : leur santé mentale est atteinte puisque 15 % des répondants déclarent se sentir « mal ou très mal ». Là aussi, les familles monoparentales sont particulièrement vulnérables. Plus de la moitié d’entre elles déclarent que leur état de santé est « mauvais ou très mauvais » et près des deux tiers ne pas avoir un bon moral.
Le réseau de banque alimentaire pointe aussi un risque particulier chez les personnes âgées : la dénutrition. Bien qu’elles se considèrent majoritairement en bonne santé, les personnes de plus de 65 ans y sont souvent exposées. « Seuls 32 % des répondants [de cette tranche d'âge] annoncent consommer de la viande une fois par jour ou plus, 15 % consomment des œufs une fois par jour ou plus, et seulement 8 % d’entre eux consomment des produits laitiers trois fois par jour », notent les auteurs de l’étude.
Vivre seul est aussi « un frein à l’amélioration des habitudes alimentaires » puisque 10 % des personnes dans ce cas consomment majoritairement des plats préparés.
« Inquiétudes » sur les coupes budgétaires
Dans ce contexte, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), dont fait partie la Fédération nationale des banques alimentaires, a critiqué les récentes coupes budgétaires décidées par Bercy, dont « les principaux contributeurs » seront « les ménages modestes », selon elle.
« Cette trajectoire de réduction de la dépense publique, couplée avec la réforme du RSA et la suppression de l’allocation spécifique de solidarité, est très inquiétante et les plus pauvres sont à nouveau mis sous pression », a-t-elle déploré, tout comme l’Unccas qui a exprimé son « inquiétude » face à des baisses budgétaires « touchant les secteurs vitaux de la vie quotidienne ».
Dans le cadre des 10 milliards d’euros d’économies voulues par Bruno Le Maire, le gouvernement a en effet décidé de notamment réduire les moyens accordés au principal véhicule financier de l’État en matière de lutte contre la précarité alimentaire (le programme 304 « Solidarité, insertion et égalité des chances » ), sans que l’on sache pour l’heure si l’aide alimentaire est directement ciblée. L’exécutif a, en outre, entériné une baisse de 125 millions d’euros du programme « vie étudiante », qui finance notamment les Crous, parmi toute une série de réductions budgétaires.
Dans ce cadre, la proposition de loi socialiste prévoyant notamment d'expérimenter, dans dix territoires dits « zéro faim », la tarification sociale dans les cantines scolaires et un chèque « alimentation durable » devrait être particulièrement suivie. Instaurant également une TVA à 0 % sur les achats effectués par les banques alimentaires, les CCAS et les CIAS, elle doit être examinée en séance demain, après avoir été adoptée en commission à l’Assemblée, il y a quelques jours.
*140 personnes accueillies dans le cadre d’ateliers du programme de prévention santé menés par le réseau.
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