Maire-info
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Édition du vendredi 29 octobre 2021
Crise sanitaire

Projet de loi sanitaire : les sénateurs souhaitent une sortie territorialisée du pass

Le Sénat a décidé de ramener du 31 juillet au 28 février la possibilité de recourir au pass sanitaire et exclu de l'obligation vaccinale le personnel administratif des crèches. Désormais, députés et sénateurs doivent tenter de s'accorder sur un texte commun en commission mixte paritaire. 

Par A.W.

Prolongation des mesures de freinage contre l’épidémie de Covid-19 ramenée du 31 juillet 2022 au 28 février, sortie territorialisée du pass sanitaire, exclusion de l'obligation vaccinale du personnel administratif des crèche… Les sénateurs ont largement remanié le projet de loi portant « diverses dispositions de vigilance sanitaire »  issu des débats à l’Assemblée.

Un texte qu’ils ont adopté, hier, en première lecture par 158 voix pour (la majorité des groupes LR et centriste) et 106 contre, les socialistes s’étant abstenus. Députés et sénateurs devront ainsi tenter de s'accorder sur une version commune en commission mixte paritaire, malgré des positions qui semblent difficilement compatibles. 

Assouplir les contraintes 

Le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a en effet estimé que « le temps d'assouplir les contraintes est venu »  et souligné que le texte ainsi modifié « porte la marque du Sénat », à la fois « gardien des libertés publiques »  et « soucieux de l'équilibre des pouvoirs ». 

De son côté, la ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a assuré que le gouvernement était « déterminé à retenir comme horizon le mois de juillet 2022 »  afin de prolonger l’arsenal juridique permettant de prendre des mesures d’exception. 

Sans surprise, les sénateurs ont refusé de lui accorder ce que Bruno Retailleau considère comme « un blanc-seing ». Ils ont donc ramené l'échéance du 31 juillet au 28 février, date de suspension prévue des travaux parlementaires avant les échéances électorales. « Il est bien naturel de ne pas laisser le gouvernement enjamber deux élections majeures », a soutenu la centriste Nathalie Goulet (Orne), préférant refuser de « jouer à la roulette russe avec des mesures d’urgence »  et imaginant « un pass sanitaire dans les mains d'un Zemmour ou d'une Le Pen... » 

Suppression du pass sanitaire « sur le territoire métropolitain » 

Comme l’avait initialement proposé la commission des lois de l’Assemblée sous l’impulsion d’un député LaREM, les sénateurs ont décidé de territorialiser le recours au pass sanitaire à partir du 15 novembre, contre l’avis du gouvernement. « Les mesures prises doivent être proportionnées à la situation réelle. […] La règle doit redevenir la liberté et la contrainte, l'exception », a lancé le chef de file Les Républicains.

Si la mesure venait à être maintenue, elle circonscrirait l’application du pass aux départements n'ayant pas atteint un taux de vaccination de 80 % de la population éligible et dans lesquels une circulation active du virus serait constatée. Or, comme l’ont reconnu les sénateurs porteurs de l’amendement, la conséquence directe serait de « supprimer le pass sanitaire sur le territoire métropolitain puisque l’ensemble des départements ont effectivement dépassé le taux de vaccination complet de 80 % de leur population éligible ». 

Finalement, seuls certains départements ultramarins dont les taux de vaccination sont « encore bien trop faibles »  seraient encore concernés, alors que l’épidémie connaît « une reprise légère mais sensible »  en France à l’entrée dans la période hivernale, selon le gouvernement. Celui-ci estime, toutefois, que le pays pouvait espérer « un hiver relativement serein »  grâce à son taux de vaccination.

Reste que l'imposition du pass sanitaire resterait possible pour accéder aux établissements accueillant des personnes vulnérables « dans l'ensemble des départements ». Seraient ainsi concernés les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux.

Crèches : le personnel administratif exclu de l’obligation vaccinale

Autre mesure particulièrement importante, la rapporteure et sénatrice de l’Aisne Pascale Gruny (LR) est revenue sur la décision du Conseil d’Etat du 25 octobre en faisant adopter un amendement excluant expressément de l'obligation vaccinale le personnel non soignant (administratif) des crèches. Pour rappel, la plus haute juridiction administrative a estimé, cette semaine, que l'obligation vaccinale s'appliquait bien à l'ensemble du personnel des crèches. 

Si le gouvernement s’y est opposé c’est qu’il a préféré soutenir un amendement similaire considéré « plus large et plus précis » … mais qui a finalement été retiré car jugé moins « solide juridiquement ».

Les sénateurs ont, par ailleurs, rétabli « la liberté d’accès aux activités de loisirs se déroulant en extérieur », en limitant le recours au passe sanitaire à celles qui ont lieu en intérieur. 

Comme c’est le cas dans les établissements scolaires, ils ont également décidé de permettre aux mineurs de continuer à pratiquer, une activité physique et sportive au sein d’une association sportive ou d’un club sans avoir à présenter de pass sanitaire. D’autant que les retours concernant les inscriptions dans les associations sportives en ce début d’année montrent que « les mineurs de 12 à 18 ans se sont éloignés de la pratique, quand le retour en club des moins de 12 ans est extrêmement dynamique ». Deux dispositions pour lesquelles s’est, là aussi, opposé le gouvernement.

Données de santé : l'accès des directeurs d’école supprimé

Invoquant le secret médical, les sénateurs ont supprimé la disposition controversée permettant aux directeurs d’établissement scolaire de connaître le statut vaccinal des élèves. Une mesure qui aurait « des conséquences désastreuses pour des élèves déjà en difficulté », a assuré le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier (RN). Selon lui, le gouvernement ouvrirait ainsi « une nouvelle boîte de Pandore, pour moins d'école, moins de liberté et moins de protection de la vie privée »  et conforterait « les bases d'une société inégalitaire ».

Brigitte Bourguignon a défendu le fait que cette disposition « ne préfigure[rait] en aucun cas l'instauration d'un pass sanitaire à l'école »  et qu’elle ouvrait aux directeurs d'établissements scolaires l'accès au statut vaccinal et virologique des élèves dans le but d’« améliorer le suivi de l'épidémie en milieu scolaire ».

Contre l’avis de la commission et du gouvernement, les sénateurs ont aussi permis aux élus locaux d'émettre un avis et de faire des propositions sur les mesures sanitaires envisagées par le préfet. « Alors que le gouvernement n'arrête pas de vanter le dialogue maire-préfet, les relations ne sont pas forcément des plus fluides. Mieux vaut que les parlementaires et les élus locaux puissent émettre un avis circonstancié sur les mesures envisagées par le préfet, plutôt que d'échanger de manière trop générale ou sur des décisions déjà prises », a jugé la sénatrice écologiste du Rhône Raymonde Poncet Monge.

A noter que le gouvernement - qui avait initialement déclaré que l’autotest ne pourrait plus être valable pour bénéficier du pass sanitaire (à l’occasion de la fin de la gratuité des tests) - a finalement donné un avis favorable à la proposition sénatoriale d’inclure de nouveau l’autotest (« réalisé sous la supervision d’un professionnel de santé » ) parmi les tests permettant de bénéficier du pass sanitaire.

Par ailleurs, une demande de rapport sur « les conséquences des fermetures de lits d’hôpitaux »  a été adopté. Un sujet sur lequel le conseil scientifique a récemment alerté.

Consulter le texte adopté.
 

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