Risques majeurs : deux ans après Lubrizol, quelles avancées ?
Par Caroline Reinhart
Faire toute la lumière sur l’accident, tirer les leçons pour éviter un Lubrizol 2 : tel était l’objectif double de la commission d’enquête sénatoriale mise en place à la suite de l’incendie de l’usine Lubrizol, en 2019. C’est dans le cadre du droit de suite que Barbara Pompili a été entendue, le 27 octobre, pour faire le point sur les avancées réelles en matière de prévention des risques depuis l’accident, au regard du rapport des sénatrices Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, rendu public le 2 juin 2020, et intitulé Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir.
Tout en partageant l’« onde de choc » provoquée par l’accident, la ministre Barbara Pompili a dû, en préambule, rappeler un principe de réalité : le risque zéro n’existe pas. Pour autant, le gouvernement a répondu présent, estime-t-elle, pour tirer les enseignements de cet accident marquant – au delà des habitants ayant directement subi ses conséquences. Le plan d’action « Tous résilients face aux risques », présenté le 18 octobre, « coïncide avec les 42 recommandations de la commission d’enquête : 37 sont soldées ou en cours de mise en œuvre », a-t-elle précisé. Au delà de ces annonces visant à renforcer la culture du risque, des textes ont également été publiés pour durcir la réglementation applicable aux sites industriels, a rappelé la ministre.
Exercices renforcés, bureau d’enquête
Deux décrets et cinq arrêtés ont ainsi été publiés entre 2020 et 2021, pour, notamment, renforcer les fréquences d’exercices des plans d’opération interne (POI) – plans propres à l’établissement en cas d’accident majeur : un an pour les établissements Seveso seuil haut, trois ans pour les autres. Autre réponse textuelle à Lubrizol, concernant les entrepôts : la disparition programmée de la pratique du « saucissonnage » administratif, les entrepôts devant être considérés dans leur ensemble pour déterminer leur régime ICPE. À partir de 2023, les exploitants d’entrepôts existants, quel que soit leur régime ICPE, seront tenus de réaliser un plan de défense incendie, mais aussi une étude pour vérifier l'absence d' « effet domino thermique » vers des bâtiments voisins.
Autre mesure discutée lors de l’audition de Barbara Pompili : la création d’un bureau d’enquête et d’analyse (BEA), autorité indépendante, destinée à améliorer la transparence et l’information des citoyens. 17 enquêtes sont d’ores et déjà ouvertes, dont 8 achevées depuis janvier 2020, a précisé la ministre. Sur la question de l’indemnisation des victimes d’accident majeur – sujet brûlant dans le cadre de Lubrizol – la loi Asap de 2020 a clarifié les choses, en indiquant expressément qu’elle était « à la charge de l’exploitant », estime la ministre.
Les maires, derniers informés ?
Les sénateurs présents ont relevé avec force le besoin des élus locaux, « premiers concernés » d’être associés au dispositif d’information en cas d’accident. La sénatrice des Yvelines Marta de Cidrac a notamment posé la question de la présence d’élus au conseil d’administration ou de surveillance de l’exploitant, ce à quoi Barbara Pompili a botté en touche. Philippe Tabarot, sénateur de Seine-Maritime, a également souligné que les maires se retrouvent parfois dessaisis de leur rôle opérationnel, faute de communication suffisante avec le préfet.
Pour Barbara Pompili, la meilleure réponse opérationnelle repose sur la « coordination » entre les acteurs, via, notamment l’adoption d’un plan communal de sauvegarde (PCS) au niveau intercommunal. Les élus seront en outre informés des exercices de sécurité dans le cadre des plans particuliers d’intervention (PPI), a-t-elle précisé. De même que l’État peut fournir une aide technique pour l’établissement des PCS, et des Dicrim (document d'information communal sur les risques majeurs).
Concernant le plan d’action « Tous résilients face aux risques », « on ne demande pas grand chose aux collectivités, l’État les aidera à diffuser cette culture du risque via des fournitures pédagogiques, des supports techniques », a indiqué la ministre. Elles pourront aussi organiser des manifestations dans le cadre de la journée nationale de résilience face aux risques, qui aura lieu tous les 13 octobre. La mission d’information présidée par Fred Courant a également relevé le besoin des collectivités d’avoir une « version grand public » des documents qui encadrent la gestion du risque, extrêmement longs et techniques.
Cell broadcast, Dreal
Tout en reconnaissant que « depuis le rapport de 2020, le gouvernement n’est pas resté inerte », le sénateur de l’Eure Hervé Maurey, ancien président de la commission d’enquête et de la commission de l’aménagement du territoire, est intervenu pour que la ministre précise certaines annonces faites par le gouvernement après l’accident de Lubrizol. Avec en tête le développement d’un système d’alerte « cell broadcast », consistant à informer la population à proximité d’un accident par SMS : la ministre a assuré que son déploiement aurait bien lieu à l’été 2022. Quant au sujet sensible des effectifs des Dreal et des inspecteurs des installations classées, Barbara Pompili a assuré que les objectifs seraient tenus (50 inspecteurs supplémentaires en deux ans – dont 20 en 2022).
Si « 37 recommandations de la commission d’enquête sont effectivement soldées », a conclu Jean-François Longeot, sénateur du Doubs, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ayant conduit les débats, « il faudra néanmoins vérifier l’application effective du principe pollueur-payeur ».
Visionner l’audition de Barbara Pompili.
Consulter le rapport sénatorial « Prévenir et prévoir pour ne plus subir ».
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