Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 8 juin 2023
Emploi

Projet de loi Plein emploi : quel rôle pour les missions locales ?

Le gouvernement a présenté hier en Conseil des ministres le projet de loi Plein emploi, qui a été déposé dans la foulée au Sénat. L'un des axes majeurs de ce texte est la création du réseau France travail, qui va inclure les missions locales. Mais pour quelles missions ? Explications.

Par Franck Lemarc

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© D.R.

Le projet de loi présenté hier en Conseil des ministres est relativement bref : 11 articles, répartis en cinq titres. Le titre Ier traite de l’accompagnent des personnes en recherche d’emploi, et codifie notamment le fameux « contrat d’engagement unifié » , qui définit de nouveaux devoirs notamment pour les allocataires du RSA. Le titre II traite du nouveau réseau France travail. Le titre III est consacré à la question de l’emploi des personnes en situation de handicap. Le titre IV, enfin, est consacré à la gouvernance en matière d’accueil du jeune enfant (lire article ci-dessous). 

France travail

La création du réseau France travail, prévue dans les articles 4 à 7 du projet de loi, va profondément changer la donne, puisqu’elle vise à réunir sous une même bannière les différents opérateurs et intervenants que sont, aujourd’hui, Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi. Petite subtilité de ce texte : le terme de « France travail »  va désigner à l’avenir deux entités bien différentes.

D’une part, l’opérateur Pôle emploi va changer de nom, pour devenir France travail. D’autre part, le réseau constitué par Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi va, lui aussi, s’appeler France travail. Cette idée incompréhensible va générer, on peut d’ores et déjà en être certain, bien des confusions. La très volumineuse étude d’impact attachée à ce texte (226 pages), permet d’en savoir plus sur l’articulation prévue entre ces différents acteurs dans le futur réseau France travail. 

L’étude d’impact analyse le rôle actuel non seulement des trois acteurs principaux que sont Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi, mais aussi celui des autres – et très nombreux – acteurs que sont l’Apec, l’Afpa, les maisons de l’emploi, les structures d’insertion par l’activité économique, etc. Et de commenter : « Notre système actuel se caractérise comme l’un des systèmes européens qui cumule le plus grand nombre d’acteurs intervenant dans ce champ : Etat, régions, départements, bloc communal, mais aussi une multitude d’opérateurs publics et d’acteurs associatifs et privés. »  Selon le gouvernement, « cette fragmentation des compétences institutionnelles »  conduit à « repenser le modèle de la coopération pour garantir une action commune »  en direction des demandeurs d’emploi comme des entreprises. En particulier, le gouvernement déplore un manque de partage de données entre les différentes structures et « un manque d’interconnexion des systèmes d’information pour orienter efficacement les décisions et actions à prendre » . Les dispositions prévues dans le texte visent dont à « garantir une articulation optimale entre les acteurs.

Pas de « fusion », mais de nouvelles missions

La question se pose, depuis que les premiers éléments de ce projet de loi ont été connus : le gouvernement prévoit-il une fusion pure en simple de Pôle emploi et des missions locales ? Cette question est d’autant plus légitime qu’en 2018, le gouvernement avait lancé quelques ballons d’essai pour « dissoudre » , en quelque sorte, les missions locales dans Pôle emploi (lire Maire info du 4 septembre 2018). 

Il semble qu’il n’en soit plus question. Dans l’étude d’impact, on peut lire que deux options ont été étudiées et rejetées par le gouvernement : premièrement, le statu quo, c’est-à-dire « le maintien des missions locales (…) en-dehors du réseau des opérateurs France Travail », ce qui aurait été « contraire aux objectifs de la réforme » . Et, à l’inverse, « la fusion de ces entités »  avec Pôle emploi devenu France travail. Cette option n’a pas été retenue, parce que « les missions locales (…) ont développé une forte expertise propre en matière d’accompagnement de certains publics que l’Etat ne souhaite pas remettre en cause ». Dont acte : il n’y aura pas de fusion. Toutefois, il faudra éviter l’écueil de la concurrence qui peut déjà être constatée sur le terrain entre les missions locales et des agences de Pôle emploi dans le cadre du suivi des contrats d’engagement jeune.

Que deviendront alors les missions locales dans le nouveau réseau ? Des « opérateurs spécialisés », qui participeront à la gouvernance de France travail « à tous les niveaux, et notamment au niveau local ». L'AMF, a ce sujet, a fait part de ses craintes que ce nouveau statut s'apparente à une tutelle de l'État sur ces structures, présidées par les maires et financées au premier chef par les communes et les intercommunalités. 

Les missions qui relèveront des missions locales dans le réseau sont précisément listées dans l’étude d’impact : inscrire les jeunes auprès de l’opérateur France travail (ex-Pôle emploi), établir « un diagnostic personnalisé », « définir un accompagnement adapté » , réaliser cet accompagnement et « contrôler le respect des engagements pris ». 

Elles auront également un certain nombre de missions au titre « d’opérateurs spécialisés » : « Faciliter et permettre l’accès des jeunes à l’offre de services des acteurs du réseau France Travail au travers de leurs actions d’aller vers », « assurer  l’accompagnement direct ou en appui des membres du réseau France Travail des jeunes ayant besoin d’un accompagnement socio-professionnel », « contribuer auprès de l’opérateur France Travail et les partenaires du réseau à apporter une réponse appropriée aux besoins de recrutement de toutes les entreprises le nécessitant » … 

Ces actions se dérouleront dans le cadre d’un « conventionnement direct entre les missions locales et leurs financeurs, l’État et les collectivités » . Rappelons que le projet de loi prévoit des instances de « gouvernance locale », co-présidées par l’État et les collectivités, dont les modalités seront fixées par décret. 

Les régions très réservées

Le gouvernement affirme, dans l’étude d’impact, que les nouvelles  dispositions prévues dans son projet de loi « ne remettent pas en cause les compétences des départements et des régions »  en matière d’insertion, pour les premiers, et de formation professionnelle, pour les secondes. 

Ce n’est manifestement pas l’avis de l’association Régions de France qui, dans un communiqué paru hier, qualifie ce projet de « flou, régressif et recentralisateur » . « Ce texte est régressif, en ce qu’il entend standardiser la gouvernance et les outils, contre les logiques de territorialisation et d’adaptation par les acteurs locaux » , écrit Régions de France. Il est recentralisateur, « car il entraîne une nouvelle perte de compétence des Régions au profit d’une recentralisation par les outils et la gouvernance. Avec cette loi, la compétence exclusive des régions sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, issue de 40 ans de décentralisation, devient une compétence partagée État-région. La région se réduira demain à un rôle d’opérateur de l’État, via les Pactes régionaux d’investissement dans les compétences, dont la deuxième génération est annoncée à partir de 2024. » 

L’association espère que le Parlement entendra ses arguments et modifiera le texte dans ce sens. Elle refuse en particulier que, comme le prévoit la première mouture du texte, la co-présidence des comités locaux France travail par les collectivités soit « soumise à la signature d’une charte d’engagement »  : « Les collectivités ne sauraient être soumises à des décisions de conférences des financeurs et ne sont pas des opérateurs de l’État ». 
 

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