Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 8 juin 2023
Petite enfance

Projet de loi Plein emploi : les communes, nouvelles « autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant »

Le projet de loi Plein emploi comprend un certain nombre de mesures sur « la gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant », avec en particulier l'affirmation d'un rôle d'autorité organisatrice pour les communes. L'étude d'impact permet d'avoir de premiers éléments sur les conséquences financières de la réforme. 

Par Franck Lemarc

On peut être surpris de trouver des mesures sur la petite enfance dans un texte sur le plein emploi. Mais ce n’est pourtant pas sans logique : les possibilités de retrouver un emploi, pour des parents, dépendent notamment des conditions dans lesquelles ils peuvent faire garder leur enfant. 

Le gouvernement constate que l’offre, en matière d’accueil du jeune enfant, est « insuffisante »  (« 58,8 places théoriques pour 100 enfants de moins de trois ans »  au niveau national) et inégale selon les territoires, notant que « un quart des communes n’offre aucune place d’accueil ». Il faudrait, selon le Haut conseil de l’enfance et de la famille, créer a minima 140 000 places supplémentaires pour éviter qu’un nombre important de mères « soient contraintes, par manque de services d’accueil accessibles, d’arrêter [ou réduire] leur activité professionnelle ». 

Nouvelle répartition des tâches

Dans l’étude d’impact, les auteurs du texte s’essayent à un diagnostic de ces difficultés, où « la pluralité des acteurs »  tient une grande place. Les communes ont « très largement investi cette politique », la Sécurité sociale tient le rôle de co-financeur par le biais des Caf, les départements gèrent les PMI, et les régions « mettent en œuvre la politique de formation de plusieurs diplômes permettant d’exercer en crèche ». Le gouvernement reconnaît que, comme les associations d’élus et les professionnels le déplorent depuis des années, c’est « la pénurie de professionnels »  qui pèse essentiellement sur la capacité de développement de ce secteur. Sans toutefois proposer de solutions réellement convaincantes pour pallier ce problème. 

Les mesures contenues dans le projet de loi s’articulent autour de deux axes : « Clarifier le rôle et les missions des acteurs », et « doter ces acteurs de leviers nouveaux ou rénovés ».

Les nouveaux rôles seraient les suivants : l’État adopterait au niveau national, par arrêté, « une stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant qui détermine des priorités et objectifs en matière de développement quantitatif et qualitatif, (…) d’emploi, de compétences et de qualification ». Les régions devraient tenir compte de cette stratégie pour définir leur schéma de formation sanitaires et sociales. Les départements déclineraient, « dans leur schéma départemental des services aux familles, les orientations nationales tant au plan quantitatif (…) que qualitatif ». 

Quant aux communes, elles deviendraient « autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant ». 

Compétences nouvelles

Ces autorités organisatrices (AO) seraient dotées de « nouveaux leviers » : appui financier, renvoyé à « la convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la Cnaf »  ; possibilité nouvelle de « libération de foncier », avec l’ajout explicite du « développement des services aux familles au nombre des objectifs de la planification urbaine » … Le projet de loi donne aussi aux communes « de nouveaux leviers pour leur permettre de contribuer davantage à la procédure de décision d’ouverture de nouvelles places, en émettant, dans les territoires considérés comme bien dotés en solutions d'accueil, un avis préalable à la demande d’autorisation pour les établissements privés, afin de mieux réguler l’implantation de l’offre au regard de leur besoin ». 

L’étude d’impact détaille les options que le gouvernement a envisagées sans les retenir : création d’un droit opposable, jugé inapplicable eu égard à la pénurie de professionnels ; ou encore mise en place d’un dispositif comparable à la loi SRU pour le logement social, avec « sanction financière en cas de défaillance ». Cette option était clairement rejetée par les associations d’élus, qui ont demandé, pendant la phase de concertation, « une adaptation locale des orientations nationales ». 

Le dispositif retenu donne un certain nombre de missions aux nouvelles AO que seront les communes : le recensement des besoins, « l’information et l’accompagnement des familles », « le pilotage du maintien et du développement des modes d’accueil ». 

Ces missions varieraient en fonction de la taille de communes : toutes les communes devraient assurer « un socle minimal de compétences »  – l’information des parents et le recensement des besoins ainsi que des solutions présentes sur le territoire permettant d’y répondre. Au-delà de 3 500 habitants, les communes devraient, en plus, « élaborer et mettre en œuvre un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre », en concertation avec la Caf. Elles devraient en outre « assurer l’animation du réseau des modes d’accueil collectifs et individuels du territoire ». 

Enfin, les communes de plus de 10 000 habitants auraient l’obligation de mettre en place un Relais petite enfance (RPE) (ce qui est déjà le cas pour 90 % d’entre elle, précise le gouvernement). 

Rappelons que le texte prévoit aussi que le préfet, en qualité de président du conseil départemental des services aux familles, pourrait se substituer aux communes en cas de carence des communes sur ces compétences nouvelles ou lorsque celles-ci sont « imparfaitement »  ou « partiellement »  exercées. Cette forme de tutelle des préfets, ainsi que l’absence de précisions sur l’accompagnement financier, ont conduit l’AMF à émettre un avis défavorable sur ce texte. 

Surcoûts

Ces compétences nouvelles vont en effet amener un accroissement des charges financières pour les communes. Celles-ci seront compensées par des ressources nouvelles qui seront « prévues en loi de finances ou en loi de financement de la Sécurité sociale ». 

Cette compensation ne sera assurée que pour les communes de plus de 3 500 habitants, qui auront quatre nouvelles compétences obligatoires à exercer. Quant aux communes de moins de 3 500 habitants, elles n’auront que deux compétences « socles »  à assumer (recensement et information/accompagnement), ce qui ne devrait « pas générer de surcoûts significatifs », estime le gouvernement. L’étude d’impact chiffre le surcoût à 800 euros par an en moyenne par commune, en partant de l’hypothèse que les communes devront « recevoir individuellement les familles lors d’un entretien d’une heure ». Pour les communes comptant moins de 20 enfants de moins de trois ans, le surcoût moyen serait de « 300 euros ». 

Le gouvernement, estimant ce surcoût dérisoire, n’envisage donc pas de le compenser. Ce qui, même si les sommes ne sont en effet pas très importantes, contrevient à l’article 72-2 de la Constitution qui dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». La Constitution n’a pas prévu dans cet article de conditionner cette règle à un montant particulier. 

Pour ce qui concerne les relais petite enfance (RPE), obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants, les Caf apportent jusqu’à présent un soutien financier équivalent à 27 % des coûts d’investissement et 53,8 % des coûts de fonctionnement. Le financement par l’Etat du complément ainsi que des nouvelles missions confiées aux RPE doit être précisé. 

Le projet de loi prévoit, en l’état, que ces dispositions rentreraient en vigueur en septembre 2025, « pour  laisser suffisamment de temps aux communes pour s’organiser et préparer, le cas échéant, le transfert des compétences à l’échelon intercommunal ». 

Signalons enfin que la prochaine réunion du groupe de travail Petite enfance de l’AMF sera en partie dédiée à un échange sur ces dispositions. Elle aura lieu en visio le mercredi 21 juin à 14 h. Les élus peuvent s'y inscrire en envoyant un mail à dasoces@amf.asso.fr.

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