Projet de loi constitutionnelle sur le climat : le Conseil d'État invite le gouvernement à revoir sa copie
Alors que le projet de loi dit « Climat et Résilience » devrait être présenté en conseil des ministres le 10 février (lire Maire info du 20 janvier), le volet constitutionnel de la réforme fait déjà débat. Et ce n’est pas l’avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de texte qui calmera les esprits.
Reprenant une proposition de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), le gouvernement a présenté le 20 janvier un projet de loi « complétant l’article premier de la Constitution et relatif à la protection de l’environnement », comprenant un article unique rédigé comme tel : « (La France) garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».
« Un contrôle juridictionnel de plus en plus poussé »
Trois projets de texte en trois ans : le Conseil d’État commence à être rôdé sur la place que pourrait occuper la question environnementale dans la Constitution. Dans son avis du 21 janvier, le Conseil d’État rappelle que « le principe de protection de l’environnement occupe déjà la plus haute place dans la hiérarchie des normes », la Charte de l’environnement de 2005 ayant été adossée au « bloc de constitutionnalité », lui donnant ainsi la même valeur que la Déclaration des droits de l’homme de 1789.
De plus, « la cause environnementale fait l’objet d’un contrôle juridictionnel de plus en plus poussé, tant du juge constitutionnel que des juges administratif ou judiciaire, européen et international », relèvent les juges du Palais-Royal. Ainsi, la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel – et notamment ses décisions n°2019-823 QPC (lire Maire info du 3 février 2020) et n° 2020-809 DC – « confèrent une importance plus grande aux effets de la Charte de l’environnement », estime le Conseil d’État.
« Une quasi-obligation de résultat » pour les pouvoirs publics
Renvoyant à ses avis de 2018 et 2019, la Haute juridiction rappelle sa position : « si l’inscription de la préoccupation environnementale à l’article 1er de la Constitution revêt une portée symbolique qui ne peut être ignorée, elle ne lui confère, par elle-même, aucune prééminence d’ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles ».
En 2019, le Conseil d’État avait déjà mis en garde le gouvernement « sur les conséquences lourdes et en partie imprévisibles que la disposition alors envisagée était susceptible d’avoir sur la responsabilité de l’État et des pouvoirs publics territoriaux, en leur imposant une obligation d’agir ».
Dans le cadre du projet de texte actuel, le Conseil d’État réitère son argumentaire. Si la formulation selon laquelle la France « garantit » la préservation de la biodiversité et de l’environnement est conservée, cela « imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d’être plus lourdes et imprévisibles que celles issues (…) de la Charte de l'environnement », estime la juridiction. Compte tenu des « effets potentiellement puissants et largement indéterminés » de l’emploi du terme « garantit », le Conseil d’État suggère au gouvernement de préférer le terme « préserve ». Dans le même sens, la juridiction propose, s’agissant du dérèglement climatique, de substituer au verbe « lutter » le verbe « agir », « plus approprié », et surtout moins contraignant pour les pouvoirs publics.
Le Conseil d’Etat invite ainsi le gouvernement à revoir sa copie. Et lui suggère de préciser, dans l’exposé des motifs du projet, « les effets juridiques qu’il attend de la réforme, notamment sur la conciliation entre la préoccupation environnementale et les autres intérêts publics ». Un tacle en forme d’avertissement : le référendum annoncé sur ce volet pourrait s’avérer inapproprié, ses conséquences juridiques n’ayant pas été suffisamment précisées. Beaucoup de bruit pour un symbole ? Les parlementaires trancheront.
Caroline Saint-André
Consulter l’avis du Conseil d’État du 21 janvier.
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