Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 23 avril 2021
Urbanisme

Projet de loi climat et artificialisation des sols : ce qu'il faut retenir du texte de l'Assemblée

Le 17 avril, le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », modifié par de nombreux amendements, a été adopté par les députés. Définition et intégration de la notion d'artificialisation des sols dans les documents de planification, prise en compte de la diversité des territoires : le texte s'est enrichi au fil des débats. Le point avant le vote solennel du 4 mai.

Par Caroline Reinhart

Sept titres (au lieu de six), 218 articles (au lieu de 69) : le projet de loi Climat et résilience, gonflé par de nombreux amendements, vient de passer le cap de l’Assemblée nationale. Dispositions centrales pour le bloc local, les articles 47 à 49 du projet de loi visent à atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, et, pour y parvenir, à diviser par deux la « bétonisation »  des terres d’ici 2030. 

Objectif ZAN

Sur la définition même de l’artificialisation des sols, des précisions importantes ont été apportées au texte initial. L’atteinte aux fonctions écologiques (biologiques, physico-chimiques, hydriques et climatiques) est désormais le premier critère de mesure de l’artificialisation d’un sol. Objectif : prendre en compte « le rôle de régulation du cycle de l'eau, de dégradation et de rétention des polluants, de stockage de carbone, de fertilité et production de biomasse, ainsi que d’habitat naturel », selon l’exposé sommaire de l’amendement de Florence Lasserre (Modem, Pyrénées-Atlantiques), retenu dans le texte final. Autre ajout au texte, issu de ce même amendement : un sol est considéré comme artificialisé « lorsque son occupation ou usage porte atteinte à son potentiel agronomique ». Les surfaces de pleine terre – qui refont leur apparition dans le texte – sont explicitement exclues des sols artificialisés.
Sur les modalités d’intégration de cet objectif ZAN aux documents de planification, le projet de loi se contentait de fixer un objectif de réduction de 50 % des terres artificialisées dans la prochaine décennie au regard de la précédente, à décliner dans les Sraddet, Scot, PLU(i), etc. par effet de compatibilité. La question était de savoir comment, compte tenu de la diversité des territoires et des compétences propres à chaque collectivité. Sur ce point, l’AMF avait fait valoir un risque de tutelle d’une collectivité sur une autre, tout comme celui d’une approche verticale ne tenant pas compte de la diversité des territoires, qu’ils soient ruraux ou déjà vertueux en termes de densification (lire Maire info du 10 février). 

Adaptation des Sraddet

Défendu par le député Alain Perea (LaREM, Aude), un amendement a été intégré au texte afin de tenir compte des réductions de consommation du foncier déjà réalisées – ou fixées –dans les documents de planification. Ainsi, les documents révisés dans la dernière décennie qui prévoient déjà la réduction d’un tiers – au moins – de leur consommation foncière d’ici 10 ans sont exclus de la règle des 50 %. Un sous-amendement du rapporteur Lionel Causse (LaREM, Landes), ajoute une autre précision importante : « Ces objectifs sont calculés par rapport à la consommation réelle observée sur les dix années précédant l’entrée en vigueur du document ». Pour ce faire, il sera tenu compte du « potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà urbanisés », et  des « besoins liés aux évolutions démographiques et économiques ». 
De ce point de vue, les associations d’élus – dont l’AMF  – semblent avoir été entendues. En revanche, la proposition de l’AMF visant à préférer la notion de « sobriété foncière »  à celle de ZAN d’ici à 2050, n’a pas été retenue par les députés. 
À la faveur des débats, le texte de l’Assemblée a également allongé les délais fixés par le projet de loi pour l’intégration des objectifs de la loi aux Sraddet, schémas d’aménagement régional, schéma directeur de la région Ile-de-France et PADD de Corse. Les collectivités concernées auront une année (et non plus six mois) pour adapter leurs documents, la procédure de modification simplifiée pouvant être utilisée dans ce cadre. 

Alignement de planètes

Autres nouveautés, portées par le député Jean-Luc Lagleize (MoDem, Haute-Garonne) : la revalorisation des friches et la surélévation des bâtiments existants deviennent officiellement des moyens d’action pour lutter contre l’étalement urbain. Par ailleurs, l’article 50 du projet de loi qui prévoyait la présentation annuelle d’un rapport sur l’artificialisation des sols a été modifié pour que les données mises à disposition par l’État via l’observatoire de l’artificialisation y soient intégrées. À noter que la commission spéciale avait déjà assoupli cette disposition : ce rapport devra être établi tous les deux ans par les communes de moins de 3 500 habitants. 
Enfin, le texte adopté à l’Assemblée comporte des dispositions inédites (nouvel article 49 quinquies). Ainsi, des « conventions de sobriété foncière »  peuvent être conclues par les collectivités, avec pour objet « l’organisation et l’accompagnement de la mise en œuvre du projet global de territoire et du programme d’action porté par les collectivités pour lutter contre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et contre l’artificialisation des sols, pour favoriser le recyclage urbain, la lutte contre la vacance et pour mettre en œuvre la trame verte et bleue, les continuités écologiques et la nature en ville ». Vaste programme pour ce nouvel outil contractuel, qui ne dispense pas de réviser les documents de planification dans les temps impartis par la loi.
Alors que s’est ouvert hier, « Jour de la Terre », un sommet à l’initiative des États-Unis pour préparer la COP26, Barbara Pompili s’est félicitée de cet alignement de planètes, estimant que son texte marquera « une rupture dans la société française ». Rendez-vous mi-juin au Sénat !

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