Projet de loi Climat : au Sénat, le gouvernement introduit de nouvelles dispositions
Par Franck Lemarc
Dès lundi, à l’ouverture des débats, c’est un dialogue de sourds qui s’est installé entre Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et une partie du Sénat, conduite par la rapporteure LR du texte, Marta de Cidrac, qui a dénoncé dès le départ « un texte inabouti, voire en trompe-l’œil ».
Amendements gouvernementaux
Le gouvernement a déposé plus d’une soixantaine d’amendements à son propre texte. Si une moitié environ de ces amendements vise à annuler les dispositions adoptées en commissions du Sénat (lire Maire info de lundi), un bon nombre d’entre eux sont, en revanche, entièrement nouveaux – ce qui veut dire que le gouvernement introduit des dispositions supplémentaires dans son texte, sans que ces dispositions aient pu être visées par le Conseil d’État. Cette pratique, devenue certes courante, ne peut qu’alimenter les critiques de l’opposition selon lesquelles le texte présenté à l’Assemblée nationale était « inabouti ».
Parmi ces dispositions nouvelles, mentionnons d’abord toute une série d’amendements sur la réforme du Code minier, qui, en l’espèce, ne concernent pas directement les collectivités territoriales.
Le gouvernement semble se rallier en partie à l’avis du Sénat sur la question des petites centrales hydroélectriques, en demandant que l’État « encourage, avec les collectivités locales concernées, la mise en place de processus de conciliation ». Il propose de mettre en place, à titre d’expérimentation, un « médiateur de l’hydroélectricité ». Il s’agit de trouver des voies de compromis entre l’application des règles concernant la défense de la biodiversité et l’activité des micro-barrages hydroélectriques.
Autre amendement gouvernemental nouveau : celui sur l’éolien en mer. Le gouvernement demande à pouvoir légiférer par ordonnance pour « simplifier la phase d’autorisation des projets éoliens en mer » – sans toutefois, « diminuer le niveau d’exigence en matière de protection de l’environnement ni de participation du public ».
Un autre amendement vise à permettre à l’État, « le cas échéant avec des collectivités locales et des partenaires privés », de créer des sociétés d’économie mixte à opération unique (Semop) pour la création et l’exploitation de terminaux de fret. Jusqu’à présent, la création d’une Semop était réservée aux seules collectivités locales.
Le gouvernement a également choisi de préciser sa doctrine en matière de ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité). Alors que, dans son texte initial, il était écrit que l’obligation de créer une ZFE-m est réputée satisfaite lorsque celle-ci a été créée « sur la majeure partie du territoire de l’établissement », le gouvernement revoit sa copie : « La notion de ‘’majeure partie du territoire de l’établissement public’’ implique la création de ZFE sur des grandes surfaces, potentiellement peu denses, tandis que l’enjeu en matière de santé publique vise plutôt à couvrir les zones les plus densément peuplées de l’agglomération », explique-t-il dans l’exposé des motifs de son amendement. L’expression « sur la majeure partie du territoire » serait donc remplacée par « couvrant la majeure partie de la population ».
Encore et toujours la publicité
Quant aux amendements issus du Sénat, environ 80 ont déjà été adoptés.
Parmi eux, on retiendra la suppression de l’article 7 du texte, qui permet aux maires et présidents d’EPCI de réglementer, voire d’interdire les enseignes et publicités lumineuses intérieures des commerces. Les sénateurs estiment (comme le Conseil d’État du reste) que ces dispositions portent atteinte à la liberté du commerce.
Le très critiqué article 6, qui prévoit de décentraliser le pouvoir de police de publicité des préfets aux maires, a été amendé en séance. En commission, les sénateurs avaient décidé que les communes dépourvues d’un RLP (règlement local de publicité) devaient pouvoir garder la possibilité de transférer ce pouvoir de police au préfet. Mais en séance, un amendement a été adopté qui prévoit que « notamment dans les plus petites communes, en l’absence d’un règlement local de publicité, la compétence de police revienne au préfet et qu’elle puisse être transférée au maire, sans conditions ». C'est donc un retour en arrière, puisque le préfet pourrait, comme le prévoyait le texte initial, rendre la compétence aux maire « sans condition » – ce qui est, précisément, ce que ne souhaite pas l'AMF. Cet amendement est d'autant plus surprenant qu'il est présenté, dans l'exposé des motifs, comme « répondant à un objectif de préservation des maires ».
Les débats vont continuer au Sénat sur ce texte jusqu’au 29 juin au plus tard. Une commission mixte paritaire devra ensuite se réunir pour tenter de trouver un compromis entre les deux chambres – faute de quoi, une nouvelle lecture aura lieu à la rentrée.
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