Projet de loi 4D : une ambition minimale en matière de décentralisation
Ce sont nos confrères de Contexte qui ont dévoilé, vendredi, l’exposé des motifs et les 66 articles, après les ultimes arbitrages, du texte. Même si son « surnom » reste « projet de loi 4D », pour « différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification », ce dernier terme ne figure pas dans le titre officiel du projet de loi qui, de façon plus intelligible, parle de « simplification de l’action publique locale ».
Les élus ne doivent cependant pas s’attendre à un grand chambardement en matière de décentralisation : les demandes récurrentes, depuis plus de deux ans, faites notamment par Territoires unis (AMF, ADF et Régions de France) n’ont pas trouvé réponse. Alors que ces associations demandent, pour faire court, que tout ce qui ne dépend pas du régalien devienne une compétence des collectivités territoriales, le texte final reste timide sur ces questions, bien loin de la « nouvelle étape de la décentralisation » réclamée par Territoires unis.
Avant de revenir, dans une prochaine édition, sur les mesures de déconcentration et de simplification, voici déjà ce qui concerne les deux premiers « D », différenciation et décentralisation.
Différenciation
Le titre Ier du texte est relatif à la différenciation : « Lorsqu’une spécificité objective le justifie, le droit peut être adapté aux spécificités locales », écrit le gouvernement. Néanmoins, le champ de différenciation qui est explicitement prévu par le projet de loi est extraordinairement réduit : l’article 2 ne cite que « la fixation du nombre d’élus au conseil d’administration des CCAS et CIAS, le délai de publication de la liste des terrains qui n'ont pas fait l'objet d'une mise en ''défens'' [clôturage, ndlr] et du nombre de bestiaux admis au pâturage et au panage ou encore la facturation de redevance d’occupation pour travaux. »
Plus ambitieux, l’article 3 prévoit que dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique (CTAP), des délégations partielles de compétences (et non de la totalité de la compétence) puissent se faire entre collectivités et EPCI « la réalisation de projets structurants sur les territoires ».
Le texte prévoit également une réforme de la consultation citoyenne locale, en abaissant les seuils à partir desquels une demande de consultation citoyenne est recevable. Le texte propose de passer ce seuil à un dixième des électeurs d’une commune au lieu d’un cinquième.
Écologie
Le texte propose de « clarifier » la répartition des compétences des différents niveaux de collectivités en matière de transition écologique. Pas de grande révolution non plus à attendre : les régions verraient leur compétence en matière de planification de la transition écologique « réaffirmée », y compris dans le domaine de l’économie circulaire. Les communes et EPCI verraient « renforcer » leur positionnement en matière « d’animation et de coordination de la transition énergétique au niveau local » – ce qu’ils font déjà avec les plans climat air énergie territoriaux.
Transports
La question, qui a longtemps fait débat, a enfin été arbitrée : les routes nationales non concédées seraient, « en partie » du moins, transférées aux départements, à la métropole de Lyon et aux métropoles. Mais en même temps, une autre partie des routes nationales, voire des autoroutes, passerait sous la compétence des régions volontaires, à titre expérimental. La maîtrise d’ouvrage des routes nationales pourrait être également transférée, localement, à « des régions, départements, métropoles, communautés urbaines ».
Le texte organise également la possibilité du transfert « des petites lignes ferroviaires et de leurs gares » aux régions ; et la possibilité pour les collectivités ou les EPCI de mettre en place des radars automatiques routiers en lieu et place de l’État.
Logement
Un important chapitre du projet de loi concerne le logement. Il dispose notamment que le dispositif de la loi SRU relatif au logement social (article 55) soit prolongé jusqu’en 2031 (au lieu de 2025). Il prévoit également de renforcer le rôle des EPCI dans la définition des objectifs de mixité sociale, en permettant à ceux-ci, en cas d’absence de conclusion de la commission intercommunale d’attributions, de définir directement les objectifs.
Il deviendrait également possible qu’un certain nombre de compétences puisse être délégué aux EPCI « en un bloc insécable » : les aides à la pierre, la gestion du droit au logement décent, la gestion de l’hébergement d’urgence. Le texte prévoit aussi de passer de 30 ans à 10 ans le délai pour lancer une procédure d’acquisition de biens sans maître. Dans le cadre des projets partenariaux d’aménagement (PPA) et des grandes opérations d’urbanisme (GOU), l’exercice du droit de préemption serait « automatiquement transféré à l’EPCI ».
Le projet de loi propose aussi de prolonger l’expérimentation relative à l’encadrement des loyers.
Santé
Pour « renforcer le poids des élus locaux » au sein des ARS, le conseil de surveillance de ces dernières serait transformé en conseil d’administration, dont « deux vice-présidents » seraient des élus locaux. Hélas, rien de tel n’a été prévu pour les hôpitaux eux-mêmes, contrairement aux demandes constantes de l’AMF.
Le texte permettrait aux collectivités de financer directement un établissement de santé, quel que soit son statut. Les dispositions applicables aux collectivités « pour gérer des centres de santé » sont « précisées » dans le texte, afin qu’elles puissent plus facilement recruter des professionnels.
Et c’est tout. On est donc très loin d’une véritable décentralisation de la santé telle que souhaitée par les associations nationales d’élus.
Transferts financiers
L’article 33 du texte précise que ces transferts de compétences ouvriront droit à une compensation financière dès lors qu’ils se traduiront par une augmentation des charges des collectivités (ce qui est une obligation constitutionnelle). Il en fixe les règles : les ressources transférées sont « équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l'État à l'exercice des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts ». Elles seront calculées par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, pour les charges d’investissement ; et des trois années précédentes pour les charges de fonctionnement.
Les ressources transférées aux métropoles et aux communautés urbaines seraient des « crédits budgétaires » fixés en loi de finances. Ce montant serait « garanti ». Il ne pourrait donc pas être diminué après le transfert.
Maire info reviendra, dans une prochaine édition, sur la deuxième partie de ce texte, consacrée à la déconcentration et aux mesures de simplification.
Franck Lemarc
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