Programme Petites villes de demain : les retours du terrain des élus locaux
Par Lucile Bonnin
Alors que le programme Petites villes de demain arrive à son terme en mars 2026, plusieurs évaluations ont été menées sur ce programme de revitalisation des villes de moins de 20 000 habitants. Un rapport d’évaluation interne des Petites villes de demain a par exemple été réalisé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) (lire Maire info du 9 octobre).
Cette semaine, c’est au tour de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de dresser un bilan, dans un rapport d’information adopté mercredi et avec cette fois-ci « une approche plus qualitative et territorialisée ».
La mission d’information a pu bénéficier du témoignage de près de 90 élus locaux et de plus de 20 chefs de projet dans une dizaine de départements. Au total, 1 646 communes ont été sélectionnées pour bénéficier du dispositif sur proposition des préfets de département.
Fort engagement de l’état territorial et appui en ingénierie
À l’image du rapport de l’ANCT qui dresse un bilan plutôt positif du programme, notamment sur l’état d’avancement des projets portés par les communes dans le cadre de leur projet de territoire, le rapport du Sénat se fait l’écho d’une « expérience largement positive » et d’une mise en œuvre efficace.
« Les élus ont été très nombreux à percevoir le label PVD comme une "marque de considération" et de "reconnaissance" et un gage de "visibilité renforcée" et ce, d’autant plus que leurs territoires ne se vivaient pas comme des priorités en matière d’aménagement du territoire », constatent les rapporteurs. Le point fort du programme est sans conteste l’appui en ingénierie qu'il permet d'apporter. Selon les élus, cet appui « a permis l’élaboration de projets "structurants", "ambitieux", "porteurs de sens pour nos concitoyens" ».
Les rapporteurs ont pu également constater « un fort degré d’engagement de l’État territorial » et n’hésitent pas à saluer « la créativité » dont ont fait preuve les services déconcentrés de l’État dans l’animation de ce dispositif. Pour mettre en valeur des initiatives locales et inviter à ce qu’elles soient répliquées ailleurs, des échanges et ateliers ont par exemple été organisés dans l’Oise et une cartographie a été réalisée dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Frustrations et risques de concurrence
Mais le programme ne fait pas un sans-faute. Les sénateurs ont identifié deux bémols dans le déploiement de ce dispositif.
Le premier est financier. La mission parle d’une ambigüité originelle concernant l’enveloppe de trois milliards d’euros sur six ans. « Cette enveloppe ne correspondait pas à des moyens supplémentaires affectés au dispositif mais à des dotations et fonds de droit commun – DETR, DSIL, fonds friche et fonds vert – lissés sur six ans, en ce qui concerne les 1,47 milliards d’euros correspondant aux crédits engagés par l’État. » Autre ambiguïté : l’enveloppe annoncée correspond à un soutien en ingénierie via des crédits de fonctionnement et non à un soutien à l’investissement des communes. Le programme a ainsi pu susciter chez les élus locaux de la « frustration ».
Le second point faible du dispositif est en réalité davantage un angle mort qui devra être rectifié si le programme est effectivement reconduit au-delà de 2026. Dans certains territoires, une concurrence territoriale accrue a pu pénaliser certains projets. La mission déplore un déploiement à plusieurs vitesses du fait de la difficulté à recruter et fidéliser un chef de projet, une polarisation fréquente au niveau intercommunal et manque de coordination, « voire une attitude non coopérative » de certains financeurs.
Prolongation du programme et cap sur les « Territoires de demain »
Les sénateurs mettent un point d’honneur à rappeler que si le programme est un succès il faut maintenant conclure et « ne pas porter un coup d’arrêt à la dynamique ainsi enclenchée ». Pour mémoire, selon l’ANCT, « seules 20 % des actions prévues par les conventions-cadre PVD » ont été livrées fin 2024. La mission recommande de prolonger le co-financement des chefs de projet de deux ans afin d’assurer la concrétisation des projets lancés.
Pour aller plus loin, et étant donné les résultats positifs qu’a pu produire ce programme, la mission appelle de ses vœux à lancer « une démarche "Territoires de demain" permettant d’accompagner à plus vaste échelle les territoires ruraux volontaires dans la conduite de leurs projets structurants » et ce dès 2028. Cette nouvelle étape reposerait essentiellement sur « une assistance à maîtrise d’ouvrage juridique afin que le recours local à l’ingénierie puisse s’appuyer prioritairement sur l’ingénierie publique existante » à l’échelle intercommunale. On peut se demander dans quelle mesure cet élan pourra bénéficier à toutes les collectivités, notamment aux plus petites communes ou intercommunalités qui ne disposent pas de beaucoup de moyens en termes d’ingénierie. De même, sans enveloppe financière consacrée à l’investissement dans les projets, il est difficilement imaginable que l’ensemble des collectivités puissent bénéficier de cet « après Petites villes de demain ».
Dans son discours prononcé face aux sénateurs (lire Maire info du 16 octobre), Sébastien Lecornu a déclaré que « le gouvernement poursuivra ce qui a été fait il y a quelques années par Jacqueline Gourault avec le plan Action cœur de ville et Petites villes de demain pour sauver et surtout développer le commerce de centre-ville ». Reste à connaître les modalités de cette poursuite annoncée.
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