Logement : subissant des ponctions « record », les bailleurs sociaux fustigent un budget 2026 « catastrophique »
Par A.W.
Ils réclamaient une « rupture forte », les bailleurs sociaux se retrouvent avec un budget « catastrophique » et un niveau « record » de prélèvements sur leurs ressources pour l’année 2026. Après un budget précédant plutôt prometteur, la pilule est particulièrement dure à avaler pour le secteur.
« Dans l’Hexagone comme en Outre-mer », ces mesures « renforcer[ont] les effets » de la crise actuelle, a prévenu l’Union sociale pour l’habitat (USH), dans un communiqué mercredi. Dans ce contexte, le mouvement qui fédère les bailleurs sociaux met en garde « l’ensemble des parlementaires à bien saisir la réalité et les conséquences que pourrait avoir [ce budget] sur les bailleurs sociaux, l’activité économique et la vie de nos concitoyens ». Et ce, dès l’an prochain.
La RLS repart à la hausse
La première préoccupation des bailleurs sociaux porte sur la « réduction de loyers de solidarité » (RLS). Alors qu’ils en attendaient la suspension afin de relancer la production de logements neufs et la réhabilitation de ceux existants déjà, ce prélèvement sur leurs recettes repartirait à la hausse. Selon l’USH, la baisse annoncée des crédits des aides personnelles au logement (APL) est, « en toute hypothèse », « liée à une hausse de la RLS ».
Le gouvernement reviendrait ainsi sur « la dynamique » de l’année 2025 qui avait acté, pour la première fois depuis 2018, une réduction de cette ponction sur les organismes HLM qui a particulièrement rogné leurs marges de manœuvre depuis sa mise en place au tout début du mandat d’Emmanuel Macron. Le fait de la ramener à 1,1 milliard d’euros cette année (contre 1,3 milliard les années précédentes) avait laissé « espérer une prise en compte durable, par le gouvernement, du caractère particulièrement improductif d’une mesure qui pénalise [leur] capacité d’investissement ». Il n’en est rien visiblement.
Ce projet de budget « aggrave encore la charge financière supportée par les bailleurs sociaux », s’inquiète donc le Mouvement HLM. Or l’autofinancement des organismes est « en baisse de 31 % » et « les trésoreries de 7 % », avait rappelé la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, lors du congrès HLM qui s’est tenu il y a moins d’un mois. « Les plus de 10 milliards qui ont été prélevés au secteur [via la RLS] pour alimenter le budget de l’État entravent aujourd’hui nos capacités d’investissement », expliquait-elle, alors même qu’il serait nécessaire de construire « 110 000 logements par an ».
Aides à la pierre : le désengagement de l’État confirmé
Autre mauvaise nouvelle, la confirmation du « désengagement » de l’État dans le financement du Fonds national des aides à la pierre (Fnap), qui permet notamment la production de logements très sociaux.
« Là encore, les bailleurs sociaux seraient amenés à compenser ce désengagement, en versant 375 millions d’euros de cotisations à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), en hausse de 300 millions d’euros », fustigent-ils, alors qu’ils réclamaient le déblocage de 700 millions d’euros pour « soutenir concrètement » la construction et la rénovation, mais surtout sauver ce fonds.
Car cet outil de pilotage de la création de logements sociaux est menacé, faute de financements prévus à partir de l'année prochaine. Le Fonds a, en effet, déjà perçu deux fois moins de recettes en 2025 que l'année précédente et trois fois moins que l'année de sa création, sans compter que la rénovation n’a pas été intégrée aux missions du fonds. En juin dernier, des sénateurs estimaient d’ailleurs qu’il faudrait « au moins 250 millions d’euros » pour le « sécuriser » en 2026 et demandaient le réengagement de l’État, désengagé depuis 2018.
Pour finir, l’USH dénonce l’absence d’aides de l’État pour « la rénovation des logements et les changements de vecteurs ». Un soutien qui était pourtant prévu en 2025 « à hauteur de 200 millions d’euros ». « Aucune aide ne figure dans le projet de loi de finances pour 2026 pour ce type d’interventions », se désolent ainsi les bailleurs sociaux.
« Corriger significativement » le budget
Résultat, si ces trois mesures devaient être maintenues dans la version finale du texte, les prélèvements prévus dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 atteindraient « le niveau record de 2,175 milliards d’euros ». Et la contribution des organismes HLM au budget de l’Etat s’élèverait, depuis 2017, à plus de 16 milliards d’euros, selon le calcul de l’USH.
Des mesures qui inquiètent, donc, au moment où la crise du secteur s'aggrave avec près de 2,9 millions de demandeurs de logements sociaux, en hausse de presque 300 000 par rapport à la fin d’année 2023. Désormais ce sont « 100 000 nouvelles demandes par semestre » qui sont recensées, contre « 100 000 nouveaux demandeurs par an » auparavant, rappelait ainsi récemment la présidente du Mouvement HLM. Et « la demande progresse dans tous les territoires » sans distinction entre les zones considérées comme tendues et le reste de la France.
Au regard des potentielles conséquences sur le secteur, Emmanuelle Cosse estime donc que « le débat parlementaire doit corriger significativement » ce projet de budget afin de « nous permettre de relancer l’économie ». Et celle-ci d’inviter le nouveau ministre du Logement et de la Ville, Vincent Jeanbrun, à « considérer que le premier combat à mener, en matière de politique du logement, est celui du budget ».
Après le départ de sa prédécesseure, Valérie Létard – dont l’action a été saluée, notamment par l’USH qui a estimé qu’elle a « démontré que le volontarisme politique pouvait infléchir une politique mal pensée » – , la réaction de l’ancien maire de L'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, sera particulièrement scrutée, certaines de ses propositions étant clivantes.
Doublement de la dotation de l’Anru
Celui-ci avait, en effet, présenté, en juin dernier, un « plan banlieues » dans lequel il proposait notamment de mettre fin au « logement social à vie » ou de plafonner à 30 % la part de logements sociaux par commune. On le sait, l’USH a maintes fois critiqué cette posture et rappelé qu’il « n'existe pas de logement social à vie ». Pointant « le caractère fallacieux et démagogique » de cette assertion, elle jugeait « dérangeant de laisser penser que les locataires HLM actuels seraient responsables » de la pénurie actuelle.
Seule potentielle satisfaction, la confirmation du versement par l’État d'une dotation de 116 millions d'euros en 2026 – contre 50 millions d’euros en 2025 – à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), conformément à la promesse faite en juin dernier par l'ex-ministre du Logement. L’objectif étant de « poursuivre l’effort de rénovation urbaine » mis en œuvre dans 448 quartiers prioritaires de la ville (QPV) dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), est-il indiqué dans le projet de budget.
Afin de « sécuriser la trajectoire financière de l'Anru », le gouvernement est toutefois contraint de reporter la date limite d'engagement du NPNRU de 2026 à 2027. Cela doit également permettre « d’assurer la soutenabilité des contributions des collectivités territoriales qui peuvent avoir des tensions budgétaires ».
En septembre dernier, le président de l'Anru Patrice Vergriete, avait réclamé « un système de recettes affectées » , celui-ci doutant du financement futur de l'État au moment où est lancée une « mission de préfiguration » pour un troisième programme Anru.
En parallèle, et afin de « soutenir les collectivités territoriales et permettre la production de nouveaux logements », les établissements publics fonciers bénéficieront d’une hausse du plafond de la taxe spéciale d’équipement de 10 millions d'euros, annonce également le gouvernement.
Les aides de MaPrimeRénov’ recentrées
Par ailleurs, le projet de budget a aussi confirmé le recentrage des aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' « sur les logements prioritaires » en ce qui concerne « les rénovations d’ampleur ». Pour ce qui est des aides versées au titre « des rénovations dites par gestes », elles cibleront « en priorité la décarbonation », est-il indiqué dans le projet de loi de finances.
Cette évolution sera, en outre, couplée à une « mobilisation accrue de recettes liées aux certificats d’économie d’énergie (CEE) » (qui sont financés par les énergéticiens dans un volume fixé par l'État), qui doivent, selon le PLF, permettre en 2026 de « rénover plus efficacement davantage de logements », mais surtout de réduire les moyens de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui distribue ces subventions.
Celle-ci verra ainsi sa dotation baisser (de 500 millions d'euros en crédits de paiement et de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement) et ne disposera plus que de 1,5 milliard d'euros en 2026, selon une annexe au projet de budget.
Rappelons que le tout nouveau ministre de l’Industrie (jusque-là président d'Intercommunalités de France), Sébastien Martin, a déposé, il y a quelques jours, en tant que député et avant d’intégrer le nouveau gouvernement Lecornu, une proposition de loi visant à transférer la compétence de MaPrimeRénov’ aux intercommunalités et aux départements. On ne sait pas quand cette proposition de loi sera débattue, ni même si elle le sera.
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