Pour Bercy, la suppression ou la baisse des impôts économiques locaux est bien « sur la table »
D’un côté, il y a les déclarations faites à la tribune du congrès des maires. Et de l’autre, celles qui s’adressent aux milieux économiques. En réalité, la suppression des impôts locaux économiques – improprement nommés « impôts de production » – est bien « toujours sur la table ».
Au congrès des maires de novembre, les membres du gouvernement – et le chef de l’État lui-même – avaient soufflé le chaud et le froid. Entre, d’un côté, un président de la République qui vilipendait à la tribune le « fétichisme de l’autonomie fiscale » des collectivités ou un Marc Fesneau, ministre des Relations avec le Parlement, qui estimait que l’autonomie fiscale est « une fausse liberté » ; et, de l’autre, un Olivier Dussopt, secrétaire d’État chargé de la Fonction publique, qui jurait lors du débat finances au congrès qu'il n'est « pas envisagé par le gouvernement de supprimer les impôts économiques perçus par les collectivités territoriales » – qui croire ?
C3S, CFE, CVAE…
Rappelons que l’on parle ici des impôts payés par les entreprises, à savoir la CFE et la CVAE (cotisation sur la valeur foncière et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), qui reviennent aux collectivités, et la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés), qui est collectée par l’État pour financer l’assurance vieillesse. CFE et CVAE représentent quelque 26 milliards d’euros de recettes pour les collectivités. Il est à noter que le terme même d'impôt de production est remis en cause par bien des élus, dans la mesure où la CVAE, par exemple, est appuyée sur la valeur ajoutée c'est-à-dire, in fine, la richesse produite par l'entreprise. De même, la cotisation minimale CFE n'est nullement détachée de l'activité réelle de l'entreprise.
Cela fait longtemps, néanmoins, que les organisations patronales, en particulier dans les milieux industriels, militent pour la diminution, voire la suppression, de ces impôts considérés comme « un boulet fiscal » réduisant gravement la compétitivité des entreprises.
Depuis plusieurs mois, plusieurs membres du gouvernement relayent ce discours, et il semble ouvertement envisagé aujourd’hui de diminuer fortement la C3S. Mais que va-t-il se passer pour les impôts économiques locaux ?
La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, Agnès Panier-Runacher, a encore donné quelques éléments de réponse, hier, lors d’une cérémonie de remise de prix organisé par la chaîne de télévision BFM-Business – davantage tournée vers les milieux économiques que sa grande sœur BFMTV. Lors de cette soirée, la secrétaire d’État a notamment déclaré, répondant à la question « Où en est la réflexion de Bercy sur la suppression des impôts de production ? » : « Pour être toujours parmi les premiers dans la compétition mondiale se pose la question de la compétitivité/coût, et donc des impôts de production. Nous allons faire des propositions avec Bruno Le Maire pour baisser ces impôts, pour retrouver une compétitivité qui soit proche de la moyenne européenne. (…) Sur la C3S c’est à l’État d’agir. Sur les autres sujets il faut qu’on travaille main dans la main avec les collectivités locales, mais c’est clairement un sujet qui est sur la table aujourd’hui. »
Manque de données objectives
Voilà qui a au moins le mérite d’être clair : le gouvernement veut lancer ce débat. Mais pour qu'il soit réellement utile, il conviendrait au moins de commencer par disposer de données objectives sur un certain nombre de sujets. Quel est le poids réel de la fiscalité économique locale pour les entreprises comme pour les collectivités ? Pèse-t-elle réellement sur la compétitivité des entreprises ?
D'autant que tous les contribuables à ces impôts ne sont pas des entreprises et encore moins des entreprises de production. Par exemple, une grande partie du versement transport est acquittée par des employeurs ou des personnes morales du secteur non marchand (hôpitaux, administrations, associations,…). Selon un rapport de l’IGF de 2018, la CFE et la CVAE payées par l’industrie manufacturière ne représentent respectivement qu''environ un quart du produit total de ces taxes.
D'autres questions sont à poser. Les choix d’implantation des entreprises se font-ils sur la question de la fiscalité, ou en fonction de bien d’autres critères – aménagement, services, transport, etc. – ? Et au-delà de ce que les collectivités reçoivent des entreprises via la fiscalité économique, que donnent-elles en échange, autrement dit, quel est le « retour sur investissement » de ces impôts pour les entreprises en matière, par exemple, d’aménagement, de services, d’investissements pour assurer la couverture numérique, etc. ?
Ces réflexions pourraient être menées dès cet hiver par les associations d’élus, accompagnées par l'Observatoire des finances et de la gestion locales. « C'est le rôle premier de l'Observatoire que d'alimenter le débat avec des données objectives, et donc incontestables. Sur ce sujet, il est impératif de déconstruire les fausses évidences et les raccourcis faciles », rappelle ce matin pour Maire info André Laignel, président de l'OFGL
Il y a, en tout cas, urgence : le président de la République a annoncé la semaine dernière qu’il rendrait ses arbitrages en la matière en janvier prochain, lors de ses vœux aux forces vives de la nation.
Franck Lemarc
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