Maire-info
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Édition du mercredi 3 mai 2023
Environnement

Polluants éternels : les premières actions du gouvernement jugées bien timides

Le gouvernement a mis en consultation un projet d'arrêté sur la surveillance des « polluants éternels » dans l'eau. Amaris, l'association qui regroupe les collectivités soumises à des risques technologiques, s'inquiète déjà de la faible ambition de ce dispositif, face à un enjeu de santé publique majeur. 

Par Franck Lemarc

Les « polluants éternels ». Derrière cette appellation inquiétante – à juste titre – se cachent des substances appelées PFAS (per- et polyfluoroalkylées), produits chimiques très utilisés dans l’industrie pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs. Elles sont, par exemple, indispensables à la fabrication des poêles en Teflon ou des vêtements en GoreTex, mais on en trouve aussi dans les mousses anti-incendie, les cosmétiques, les emballages…

Le revers de la médaille de la grande stabilité chimique des PFAS est qu’ils ne se dégradent quasiment pas : autrement dit, ils persistent dans l’environnement – air, sol et eau – de façon presque illimitée. 

Concentrations stratosphériques

Depuis une vingtaine d’année, les scientifiques alertent sur la dangerosité de ces produits, dont plusieurs sont classés cancérogènes, mais qui seraient également responsables de problèmes cardiovasculaires, de baisse de fertilité ou de cholestérol. On découvre maintenant, grâce à une alarmante étude danoise rendue publique le 19 avril, que les PFAS joueraient un rôle très important dans l’émergence de l’obésité. 

Or il apparaît, selon plusieurs études et enquêtes, que les PFAS sont présents partout : au point que Santé publique France estimait en 2020 que l’un des PFAS, le PFOA, est présent « dans le sang de 100 % des adultes et des enfants en France ». Résistants aux traitements dans les stations d’épuration, on les retrouve dans les eaux après traitement. Ils seraient également présents dans les fumées des incinérateurs de déchets, ce qui signifie que la pollution se fait à la fois par l’eau et par l’air. 

Selon une étude réalisée en 2015, la concentration nationale de PFAS dans les eaux de surface, en France, attendrait 28 nanogrammes par litre (ng/l), quand la norme de qualité environnementale de l’Union européenne est de … 4,4 ng/l. Mais ce n’est pas le pire : dans les eaux souterraines, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) a mesuré, près de Paris, une concentration stratosphérique en PFOA de 10 000 ng/l, selon un rapport récent de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable. 

« Faible portée »  du plan gouvernemental

Autrement dit, il ne serait que temps de prendre ce problème à bras le corps. Le gouvernement s’est décidé à lancer, en janvier dernier, « un plan d’action »  sur ce sujet. Parmi les axes de ce plan, une meilleure « connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux »  et une plus grande « transparence sur les informations disponibles ». Avec, à terme, l’objectif de « réduire les émissions des industriels de façon significative ». 

La première étape de ce plan sera la publication d’un arrêté ministériel « prévoyant la surveillance des PFAS dans les milieux aqueux des secteurs industriels concernés », dont le projet a été mis en consultation publique fin janvier. 

C’est cet arrêté dont l’association Amaris a dénoncé, hier, la « faible portée » : « Alors que l’arrêté mis en consultation par le ministère de la Transition écologique, affiche l’objectif d’identifier tous les rejets aqueux de PFAS et les secteurs d’activités émetteurs de ces substances, il ressort que l’inventaire sera limité aux seules sources massives de contamination, ce qui reste insuffisant pour pouvoir agir », s’alarme l’association présidée par Alban Bruneau, vice-président de la Communauté urbaine du Havre. 

Amaris, qui regroupe les collectivités exposées au risque industriel, demande donc que l’arrêté soit largement étoffé. L’association demande que la campagne de mesure prévue, au lieu de s’en tenir aux « sources massives », soit étendue à « l’ensemble des ICPE », et que soit appliquée la méthodologie du dispositif RDSE (rejets de substances dangereuses dans l’eau), « ce qui permettra de réunir les conditions nécessaires pour connaître, qualifier, et quantifier les sources d’émission, de valider et bancariser les données ». Elle souhaite également que soient plus clairement définies des normes « qui permettent de conclure à une contamination ou non des milieux ». 

Enfin, Amaris s’étonne que le projet de décret prévoie la transmission des résultats des mesures, aux seuls préfets, alors que le gouvernement a inscrit dans les axes majeurs de son plan « la transparence ». « Considérant l’impact sur les domaines de compétences des collectivités (eau potable, assainissement, déchets) et sur la santé des habitants », Amaris demande que les données recueillies soient entièrement publiques.

Le moins que l’on puisse dire est que le démarrage du « plan d’action »  gouvernemental semble poussif, et certainement pas à la hauteur des enjeux de santé publique majeurs que pose la présence – et la persistance – des PFAS dans l’environnement. 

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