Politique de la ville : les « premiers pas » du comité interministériel
C'est donc bien à Grigny, en région parisienne, que le Premier ministre s'est déplacé pour présider le comité interministériel des villes (CIV), vendredi 29 janvier. C’est « là où la mobilisation des maires et des associations a commencé en 2017 », avec l’appel de Grigny, rappelle le maire de Roubaix, Guillaume Delbar.
Un premier pas symbolique
Le « symbole » est peut-être surtout important pour la communication du gouvernement, raille gentiment Philippe Rio, le maire de Grigny. Ce qui compte aujourd'hui, c'est « l'étape importante » de ce CIV. « Nous avons bien fait de nous mobiliser car nous n'avions rien pour les quartiers jusque-là » souligne l'élu. Autre point positif : les mesures annoncées font l'équilibre entre « l'humain et l'urbain », et c'est « ce que nous demandions, une globalité de l'intervention, car on ne peut pas faire de la rénovation urbaine sans s'occuper de santé, de sport, d'éducation ou de sécurité ».
La politique de la ville concerne, comme l'a rappelé Jean Castex, « près d'un Français sur dix », 8 % exactement de la population, avec une proportion de jeunes (moins de 25 ans) bien supérieure à la moyenne nationale, tout comme le taux de chômage, de 23,4%, soit presque trois fois plus élevé qu'en dehors de ces quartiers (9,1% en moyenne nationale).
Une quinzaine de nouvelles mesures ont été annoncées à l'issue du CIV par le Premier ministre depuis le centre de vie sociale de la Grande Borne. L'enjeu étant de « poursuivre et d’intensifier les efforts » déployés dans les quartiers, après avoir « tiré les leçons » de la crise actuelle et « dressé des perspectives ».
Mesures nouvelles annoncées
Ce sont les mesures de sécurité que le Premier ministre a commencé par préciser, après avoir évoqué le projet de loi confortant les principes républicains en cours d'examen au Parlement, et les enjeux de lutte contre les « visées séparatistes » et « l’islamisme radical ».
Concrètement, il annonce sept nouveaux quartiers de reconquête républicaine (QRR) (en plus des 55 créés depuis 2017) avec 180 policiers en plus (soit total de 1 200), à Libourne (33), La Ricamarie-Montrambert-Méline (42), Vaulx-en-Velin (69), Rillieux-la-Pape (69), Annemasse (74), Le Havre (76), Bonneville (74). A noter encore 10 millions d'euros supplémentaires alloués au Fonds de prévention de la délinquance, « par exemple (pour) l'aide à la poursuite de l'équipement des communes qui le souhaitent en caméras de vidéoprotection ».
Autre mesure : le recrutement de 300 éducateurs spécialités et la formation de 300 médiateurs, en priorité dans les 62 QRR, pour renforcer la prévention de la délinquance. Il n'est pas précisé qui recrutera ces personnels.
La rénovation urbaine bénéficie de 2 milliards d'euros de plus, s'ajoutant au programme de 10 milliards. Cette enveloppe supplémenaire provient surtout d'Action logement, à hauteur de 1,4 milliards d'euros. C'est l'équivalent d'une centaine de nouvelles opérations estime l'ANRU. Pour son président, Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois, « cela va permettre de réaliser plus de constructions et de réhabilitations de logements, de démolitions de logements dégradés et d’intervenir sur plus d’équipements scolaires, culturels, sportifs, sociaux et d’immobiliers d’entreprises, largement attendus par les habitants et les élus de ces territoires ».
100 millions d'euros d'investissement sont créés pour les équipements sportifs, et 6 millions prévus pour les associations « socio-sportives » des quartiers. « Sans notre mobilisation, nous n'aurions rien obtenu car ce sujet n'était clairement pas dans les radars du gouvernement », indique Gilles Leproust, maire d'Allonnes et secrétaire général de Ville et Banlieue.
Sur le logement, le gouvernement tape du poing sur la table pour « responsabiliser les acteurs sur l’atteinte des objectifs de mixité ». Il veut « renforcer » la loi « pour accélérer la conclusion des conventions intercommunales du logement », car seul un quart des territoires en a adopté une. L'enjeu étant que les logements sociaux ne soient plus concentrés sur les quartiers prioritaires. Il renforce au passage (de 50 millions d'euros) le plan pour lutter contre les copropriétés dégradées.
Côté vie sociale, l'objectif est fixé à 400 maisons de services publics d'ici à 2022, 60 maisons et centres de santé ouverts d'ici à 2022 et 200 cités éducatives d'ici à 2022. Le CIV annonce 6 cités éducatives de plus pour 2021 et projette 70 en 2022. À noter encore l'augmentation des aides pour la création de places en crèches.
L'emploi bénéficie également de nouvelles mesures, notamment les contrats aidés (PEC) sont doublés (portés à 12 000). Les cités de l'emploi doivent, comme les cités éducatives continuer à se déployer en 2022. Avec un accompagnement renforcé dans les Pôles emploi (500 conseillers supplémentaires), précisément « dans les 66 agences Pôle Emploi présentant le plus fort taux de demandeurs d’emploi habitant dans les QPV concentrant le plus de difficultés ».
Un point de départ pour les élus
Les annonces sont « loin d’être au niveau de ce que nous attendions mais c’est un point de départ », résume Gilles Leproust. Pour Philippe Rio, ces engagements « aideront à atténuer la misère sociale dans nos quartiers prioritaires de la ville ». Mais « c'est maintenant que tout commence » préviennent les élus. Satisfaits d'avoir obtenu quelques avancées, et déterminés à ce qu'elles soient complétées. Car certaines « propositions urgentes » n'ont pas été prises en compte, ou « pas assez ». Et de citer la culture, notamment, ou le sport. Justement les élus se retrouvaient ce matin à Garges-les-Gonesses, pour un premier conseil de solutions centré sur le sport. Une dizaine de propositions vont être soumises à la ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai. Un autre rendez-vous est déjà donné pour le 23 février, à la Courneuve, sur la lutte contre les discriminations
Sur la méthode, les élus ne veulent « rien lâcher » non plus. Le CIV promet dans chaque département un « conseil territorial de la politique de la ville » et « une aide en ingénierie aux communes afin de les accompagner notamment dans la mobilisation des fonds européens ». Dans la Sarthe, Gilles Leproust a pris les devants en envoyant dès ce matin une lettre au préfet lui demandant de réunir les quatre communes concernées. Philippe Rio insiste lui sur tout le travail restant à faire pour que les fonds européens arrivent bien dans les quartiers.
Emmanuelle Stroesser
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