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Édition du mardi 3 décembre 2024
Politique de l'eau

Pollution de l'eau aux pesticides : un rapport fait état d'un niveau de qualité « préoccupant »

Plusieurs inspections générales constatent l'« Ã©chec global » de la préservation de la qualité des ressources en eau en France. Les seuils réglementaires sont régulièrement dépassés, notamment dans la moitié nord du pays.

Par A.W.

C’est un « échec global »  de la préservation de la qualité des ressources en eau. Dans un rapport publié fin novembre, plusieurs services ministériels alertent sur des concentrations en pesticides et métabolites (issus de la dégradation des pesticides) supérieures aux limites réglementaires dans un nombre important de départements. Pour y remédier, ils proposent une série de mesures « à mettre en place d’urgence ».

Daté de juin 2024, mais commandé il y a un an par la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, ce rapport de près de 600 pages a été réalisé par les inspections des affaires sociales (Igas), de l'environnement et du développement durable (Igedd), ainsi que par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).

3 070 captages « sensibles » 

Et ses conclusions sont plutôt inquiétantes puisque les auteurs font état de certaines situations « préoccupantes ». Les analyses disponibles révèlent que « la qualité des eaux brutes est dégradée voire très dégradée dans plusieurs départements et pourrait impacter à court terme l'alimentation en eau potable ». 

C’est notamment le cas dans la partie nord du pays. Avec la situation « la plus critique »  dans l’Aisne. Au niveau de certains captages, les auteurs constatent des teneurs supérieures à 2 µg/l en pesticides métabolites, ce qui signifie que ces « ressources ne devraient plus être utilisées pour produire de l’eau destinée à la consommation humaine et devraient être abandonnées ». 

Par exemple, la concentration de chloridazone desphényl, un métabolite de pesticide, dépasse ainsi 3 µg/l sur certains captages (alors que le seuil est de 0,1 µg/l). Ce sont donc « près de 15 % des captages »  qui dépassent le seuil fixé dans des zones qui correspondent en grande partie à la zone de culture de la betterave industrielle (Aisne, Oise, Somme, Pas-de-Calais, Marne, Calvados, Cher, Loiret, Seine-et-Marne, Aube).

S’agissant des eaux du robinet, le dernier bilan annuel disponible du ministère de la Santé qui porte sur l’année 2022 a montré « des dépassements des limites de qualité pendant plus d’un mois pour cinq métabolites concernant un nombre significatif de personnes », dont « le métolachlore ESA et la chloridazone desphényl (environ quatre millions de personnes chacun) ».

Pour cette dernière, « un quart des départements, situés dans la partie nord de la France, connaissent, à des degrés divers, des dépassements de la limite réglementaire de 0,1 µg/l ». Pour une autre substance, ce sont « 40 départements situés majoritairement dans la moitié nord de la France qui présentent des concentrations supérieures au seuil sur au moins une installation de production »  d’eau potable. Les plus touchés étant l’Aisne, le Calvados, le Seine-Maritime, l’Oise, la Marne, la Seine-et-Marne, l’Orne, l’Eure-et-Loir et la Vienne.

Le rapport observe ainsi que, sur les 33 000 captages du pays, « 3 070 dépassent le seuil de 80 % des exigences de qualité sur les eaux distribuées exclusivement pour un paramètre de la famille des pesticides ».

Impact sur le prix de l’eau

Les inspections notent aussi que « la gestion des non-conformités »  pose « de sérieuses difficultés aux acteurs de terrain », puisque « les règles de gestion sont difficiles à appliquer ou lacunaires, et les autorisations exceptionnelles et les dérogations engendrent une lourde charge administrative sans grande valeur ajoutée ».

Devant la dégradation de la situation, les auteurs du rapport rappellent que les personnes responsables de la production et distribution de l'eau (PRPDE), dont les collectivités, sont « contraintes de mettre en œuvre à court terme des mesures curatives ». Mais la dépollution se fait avec une efficacité et des coûts très variables qui peuvent aller du simple au triple. 

D’autant que « cet écart de coût s’accentue pour les plus petites unités de traitement »  en raison des économies d’échelle plus importantes pour les filières membranaires. « L’impact sur le prix de l’eau sera donc très différent selon la taille des PRPDE et selon les secteurs géographiques ». Résultat, les départements de l’Aisne (2,55 euros/m3) et du Calvados (2,49 euros/m3) présentent des prix moyens plus élevés que la moyenne nationale (2,13 euros/m3).

Augmenter la redevance pollution diffuse

Toute une série de recommandations sont ainsi formulées. Afin de réduire la charge supportée par les consommateurs, « les agences de l’eau doivent pouvoir continuer à financer des mesures curatives dans les territoires ruraux, mais il est indispensable pour ce faire d’augmenter leurs recettes obtenues par la redevance pour pollution diffuse », préconisent les auteurs du rapport qui suggèrent d’« élargir son assiette aux produits biocides ».

En outre, ils estiment que « l’investissement dans les unités de traitement ou dans des réseaux d’interconnexion doit constituer une priorité d’affectation de la DETR et de la Dsil en 2025 ». 

Ils proposent également de créer des « zones soumises à contrainte environnementale »  (ZSCE) pour les aires de captage en dépassement ou proches des limites, avec un « programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats ». « En cas de non atteinte des objectifs, un arrêté doit mettre en place, sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytopharmaceutiques sur ces aires, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés », plaident les inspections, en estimant que « la politique de protection des captages est à refonder ».

Celles-ci réclament, par ailleurs, aux ARS de veiller à ce que « toutes les PRPDE respectent leurs obligations d’information des consommateurs »  en cas d’eau non conformes ainsi que la mise en place de « mesures préventives ambitieuses à mettre en place d’urgence », telles que l’interdiction dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) les usages sur les aires de captages d’eaux souterraines des produits phytopharmaceutiques (PPP) contenant certaines substances générant des métabolites.

Consulter le rapport.

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