Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 7 octobre 2024
Polices municipales

Bruno Retailleau « très favorable à une extension des pouvoirs des policiers municipaux »

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a été longuement auditionné la semaine dernière par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Parmi bien d'autres sujets, il s'est dit très favorable à une évolution des pouvoirs des polices municipales, et disposé à aller « très résolument dans ce sens », tout en disant ne pas vouloir aller contre l'avis de l'AMF. 

Par Franck Lemarc

En plus de deux heures et demie d’audition et plus de trente questions des membres de la commission des lois, Bruno Retailleau a pu détailler ses positions sur à peu près tous les points intéressant son ministère, de l’immigration au trafic de drogue en passant par le scrutin proportionnel, les sapeurs-pompiers ou la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Plusieurs députés l’ont également interrogé à propos de ses déclarations très polémiques sur l’État de droit (« l’État de droit, ça n’est ni intangible ni sacré » ) qui lui ont valu, ce qui paraît un comble, d’être recadré par Marine Le Pen elle-même hier. La chef de file du Rassemblement national, en meeting à Lille, a évoqué sur ce sujet une « divergence majeure »  avec le ministre de l’Intérieur, se voulant la « garante »  de l’État de droit, « immense conquête de la civilisation européenne ». 

Bruno Retailleau, devant les députés, s’est longuement expliqué sur ses propos, expliquant qu’il a voulu dire que lorsque qu’une loi « ne protège pas les Français » , il faut la changer, et prenant l’exemple d’Édouard Balladur qui, après une censure du Conseil constitutionnel sur une loi relative à l’immigration, a modifié la Constitution par référendum. « Je ne crois pas qu’Édouard Balladur était illibéral », a martelé Bruno Retailleau, qui a ironisé sur le fait qu’il ne pensait pas « débuter une carrière d’autocrate à 60 ans passés ». 

Partenariat avec l’AMF

Parmi les nombreuses questions posées au ministre de l’Intérieur, l’une l’a été par Éric Pauget (LR), qui a tout récemment déposé une proposition de loi sur la « judiciarisation »  des pouvoirs de la police municipale (lire Maire info du 20 septembre). Pour rappel, ce texte propose « d’élargir les compétences judiciaires des polices municipales », sous forme d’une expérimentation de cinq ans. Avec l’accord du maire ou du président d’EPCI et après délibération en ce sens du conseil municipal ou communautaire, les directeurs ou chefs de police municipale pourraient être habilités en tant qu’officiers de police judiciaire (OPJ), ce qui conduirait de facto à ce que les agents placés sous leur autorité soient en partie sous le contrôle d’une autorité judiciaire et non plus sous celle, exclusive, du maire. Munies de cette nouvelle autorité, les polices municipales pourraient constater toute une série de délits et d’infractions qu’elles ne peuvent traiter aujourd’hui. 

Le député a demandé au ministre de l’Intérieur quelles étaient ses dispositions vis-à-vis de ce texte. Celui-ci a répondu qu’il était « très favorable à une extension du rôle des policiers municipaux » , tout comme son ministre délégué chargé de la Sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, « passionné »  par la question. « Devant le niveau de délinquance, a poursuivi Bruno Retailleau, le continuum de sécurité nécessite que l’on soit tous au coude à coude et que l’on puisse donner à nos policiers municipaux un certain nombre de nouveaux outils. » 

Il a néanmoins tout de suite posé le problème de fond : « Attention : dès lors que vous irez sur le champ de la police judiciaire, le maire perdra le contrôle de ses policiers. Ils seront sous le contrôle du procureur. »  Et d’ajouter à l’attention de ceux qui l’avaient vivement attaqué un peu avant : « C’est l’État de droit ! ». 

Bruno Retailleau s’est dit prêt à aller « résolument dans ce sens » , tout en prévenant : « Nous ne ferons rien sans l’avis de l’AMF, sans un partenariat avec les maires de France. » L'AMF a, sur ce point, posé un certain nombre de conditions. D'abord, elle souhaite que soit précisément défini le périmètre de cette extension, c'est-à-dire les les compétences précises de police judiciaire qui pourraient être données aux polices municipales. Et, deuxièmement, que la prise de ces compétences ne soit qu'un droit d'option, c'est-à-dire qu'il revienne exclusivement au maire et au conseil municipal de s'en emparer ou non. Ce seraient donc, dans ce cas, les maires qui auraient la faculté de décider ou non de placer les policiers municipaux sous l'autorité du procureur pour l'exercice de ces compétences judiciaires.

Ce qui implquerait que pour l'exercice de ses missions habituelles, en revanche, la police municipale reste sous le contrôle du maire. « La police municipale doit rester sous l’autorité du maire. Elle dispose d’une légitimité propre, fondée sur la proximité de son action au service de la sécurité, de la sûreté et de la tranquillité publique » , écrivaient, en juin dernier, dans une tribune, le président de l’APVF Christophe Bouillon et le vice-président de l’AMF, Philippe Laurent. 

Rappelons que ce sujet sera abordé lors du prochain congrès de l’AMF : mercredi 20 novembre à 16 h 15 aura lieu un débat intitulé : « Polices municipales, le juste équilibre des prérogatives à trouver ». Le débat se poursuivra peut-être dans le cadre du Beauvau de la police municipale, démarré au printemps dernier et resté au milieu du gué pour cause de dissolution, si le nouveau gouvernement le décide.

Mayotte : le ministre favorable à la suppression du droit du sol

Parmi les autres sujets abordés lors de cette audition, Bruno Retailleau a dit son soutien à la proposition de loi constitutionnelle d’Estelle Youssouffa sur la suppression du droit du sol à Mayotte (lire Maire info du 30 septembre). « Cela se justifie totalement » , a déclaré le ministre de l’Intérieur, ajoutant néanmoins que « le congrès aux trois cinquièmes, ça va être compliqué » . Curieuse erreur de droit venant d’un ministre de l’Intérieur puisque, dans le cas d’une proposition de loi constitutionnelle, il n’y a pas de réunion du congrès ni d’obligation d’adoption aux trois cinquièmes : il faut obligatoirement, une fois le texte adopté par le Parlement, convoquer un référendum. 

Bruno Retailleau a également évoqué, plus rapidement, le dispositif des « quartiers de reconquête républicaine » , indiquant qu’il en avait, sur son bureau, une évaluation qui apparaît « très mitigée » 

Interrogé sur le lancement par Michel Barnier d’une « réflexion »  sur l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives, Bruno Retailleau n’a pas fait mystère de son opposition à ce système, qui n’est « pas son truc ». Il en a profité pour rappeler son opposition à la règle du non-cumul des mandats, qui a « déterritorialisé un certain nombre d’élus » . Il a ajouté que la proportionnelle était, à son avis, loin d’être le sujet de préoccupation majeur des Français, tout en se disant, naturellement, « ouvert à toutes les réflexions. » 

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