Plan pauvreté du gouvernement : les mesures qui concernent les collectivités
Par Franck Lemarc
Pas moins de 34 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté, regroupées dans le collectif Alerte, ont encore appelé le gouvernement, la semaine dernière, à donner « une réponse structurelle à la pauvreté ». Car l’urgence est là : l’explosion de l’inflation, depuis plus d’un an, conduit de plus en plus de ménages vers la pauvreté, voire la grande pauvreté. Selon la dernière enquête du Secours populaire (lire Maire info du 7 septembre), 60 % des personnes interrogés estiment que leur pouvoir d’achat a fortement diminué en trois ans.
Autre symptôme de la crise, due à la fois à la hausse des prix des produits alimentaires et à celle des prix de l’énergie : les associations caritatives ne peuvent plus faire face. L’exemple le plus médiatisé a été celui des Restos du cœur, qui craignent devoir refuser des bénéficiaires l’hiver prochain – s’attendant à devoir en distribuer 30 millions de plus que l’an dernier.
« Devoir d’action »
Face à cette situation, la Première ministre a déclaré hier que le gouvernement a « un devoir d’action », et qu’il est impératif de « regarder en face les forces et les lacunes de notre modèle social » . Le « Pacte des solidarités » présenté hier par le gouvernement « s’articule autour de deux objectifs : corriger les inégalités structurelles et répondre à l’urgence de la situation sociale d’aujourd’hui. »
Sur la réponse « très concrète et à court terme » à la crise née de l’inflation, la Première ministre a dévoilé les mesures les plus importantes : une aide exceptionnelle « aux associations d’aide alimentaire » , non chiffrée, qui sera « intégrée au projet de loi de finances pour 2024 » ; une remise à plat du système d’attribution des bourses étudiantes, « pour le rendre plus juste » ; la rénovation de 12 000 places de logement Crous (logements étudiants) d’ici 2027 et la création de 30 000 places d’ici la fin du quinquennat ; le maintien en 2024 du chiffre 2023 d’ouverture de places d’hébergement d’urgence (203 000 places) ; le renforcement de MaPrimeRénov’, dont les crédits vont « presque doubler ».
Puis les différents ministres ont présenté, plus précisément, l’intégralité du Pacte, autour de quatre axes : la prévention de la pauvreté dès l’enfance, la sortie de la pauvreté par le retour à l’emploi, l’accès aux droits et la transition « écologique et solidaire ». Voici quelques-unes des mesures qui concernent le plus directement les collectivités locales.
Enfance
Un tiers des crédits nouveaux du Pacte seront consacrés à l’enfance. Le Service public de la petite enfance (SPPE), qui entrera en vigueur après l’adoption de la loi sur l’emploi qui sera discuté à l’Assemblée nationale dès la semaine prochaine, va s’accompagner de la création d’un « Fonds d’innovation de la petite enfance » . Le gouvernement entend « assurer le large déploiement des Lieux d’Accueils enfants-parents et multiplier par trois les dispositifs passerelles vers l’école maternelle ».
Pour soutenir les parents, le gouvernement s’engage à achever le maillage du territoire avec « au moins une maison des parents par département » en 2027.
Pour lutter contre la malnutrition infantile, Aurore Bergé veut « poursuivre le déploiement des petits déjeuners à l’école » et développer les repas à un euro à la cantine. Elle a annoncé, à l’attention des communes, « la mise en place d’un bonus Egalim portant l’aide de l’État jusqu’à 4 euros ».
Le nombre de médiateurs scolaires va être « triplé » , pour faire en sorte que « au-delà de la seule inscription à l’école, (…) les conditions sont bien remplies pour que l’assiduité quotidienne soit réellement possible ».
Concernant les vacances, la « pierre angulaire » du Pacte sera le Pass’Colo, déjà annoncé l’été dernier, qui apportera une aide de 200 à 350 euros pour partir en colonie de vacances, et qui sera ouverte à « 80 % des familles ».
Enfin, le programme « Ouverture » aura pour ambition d’augmenter l’offre de loisirs sur le temps périscolaire : le gouvernement et la Caf vont « augmenter de 12 % le nombre d’heures d’accueil de loisirs périscolaires financés ».
Sortir de la pauvreté
Pour aider les familles les plus modestes à retourner vers l’emploi, le gouvernement veut « lever un certain nombre de freins ». Sur les modes de garde d’abord, avec l’ouverture de « 1 000 crèches et dispositifs à vocation d’insertion professionnelle supplémentaires d’ici la fin du quinquennat ». Il veut aussi agir sur la mobilité en créant « des plateformes de mobilité », mais Aurore Bergé n’est pas entrée dans les détails sur ce point. Pour « lever les freins financiers à la reprise d’emploi » (comme la mobilité ou la nécessité d’acheter des vêtements neufs), une « prime reprise d’emploi » va être créée. Son montant n’a pas été précisé.
Accès aux droits
Le gouvernement met l’accent contre le non-recours : il va lancer une expérimentation sur les déclarations pré-remplies pour le RSA et la prime d’activité, visant à une généralisation en 2025. Les 39 « territoires zéro non-recours » ont été dévoilés en juillet, et le gouvernement va créer « 610 nouveaux centres sociaux et espaces de vie sociale », notamment dans les QPV et les territoires ruraux.
Logement
Le ministre chargé du Logement, Patrice Vergriete, a présenté les mesures spécifiques à ce domaine : l’accent va être mis sur « la prévention des expulsion et l’apurement des dettes pour les familles les plus fragiles » . Autre axe prioritaire : les femmes à la rue. Vingt accueils de jour vont leur être « spécifiquement dédiés » , un réseau de coordinateurs entre les acteurs de la santé et ceux de l’hébergement va être créé dans « 10 territoires » ; les 1500 places pour les femmes sortant de maternité vont être pérennisées.
Transition écologique
Enfin, le gouvernement entend s’attaquer à la précarité énergétique, en « améliorant le recours au chèque énergie » . Il va aider les départements à créer des plateformes de lutte contre la précarité énergétique, en subventionnant « les départements et les métropoles » à hauteur de 35 millions d’euros.
Les aides à l’achat de vélo vont être « renforcées » pour les plus modestes, et le gouvernement annonce vouloir se diriger vers « le déploiement de la tarification sociale de l’eau » : une nouvelle aide, à destination des EPCI, va voir le jour, « pour les aider à développer des tarifications sociales de l’eau », et un décret va venir « sécuriser les initiatives déjà initiées ».
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