Service public de la petite enfance : des incertitudes persistent avant sa mise en place au 1er janvier 2025
Par Emmanuelle Stroesser
L'attente est « fiévreuse » reconnait Daniel Cornalba, maire de l'Étang la ville (78), co président du groupe de travail Petite enfance de l'AMF. Car si les maires sont « favorables au service public de la petite enfance » (SPPE), qui reconnaît leur rôle en les consacrant autorités organisatrices, les inconnues sont encore fortes sur les conditions de sa mise en œuvre.
La compensation financière n'existe plus
L'instabilité politique – avec la démission du gouvernement – a des incidences directes sur les moyens financiers qui sont censés accompagner cette réforme. Le projet de loi de finances 2025 prévoyait 86 millions de crédits pour compenser les dépenses nouvelles que les communes devront engager.
Une somme déjà jugée insuffisante par l'AMF. Le ministère lui-même ayant calculé qu'elle ne permettrait de couvrir qu'entre 50 et 80 % des dépenses nouvelles. Pour l'heure, cette ligne de crédits n'est même plus d'actualité tant qu'un nouveau budget 2025 n'est pas redéposé au Parlement, ce qui au mieux, n'arrivera qu'en début d'année prochaine. Les crédits reconduits ne comprennent donc, pour l'heure, aucune compensation.
Quant au projet de décret sur les modalités de répartition de cette compensation, l'AMF n'en a toujours pas vu la moindre ébauche. Les élus restent donc toujours sans réponse sur la compensation prévue par exemple en cas de transfert de la compétence d'une commune à son EPCI. « Nous sommes toujours très loin du compte », résume, sobrement, Daniel Cornalba. Le ton est calme, la conclusion n'en n'est pas moins brutale : « Sans compensation, il n'y aura pas de capacité à faire la réforme. Il ne s'agit pas d'être plaintifs, mais réalistes ».
Le résultat d'une enquête menée par le ministère en donne une illustration : quatre villes sur dix n'ont pas d'agent dédié à la petite enfance en dehors de leur crèche. « Or il faudra des moyens, notamment humains, pour assurer les quatre compétences* assignées aux communes en tant qu'autorités organisatrices, et n'en déplaise à ceux qui reprochent aux communes de trop recruter ».
Les enjeux restent majeurs
Les communes demandent « avec vigueur » d'être aidées sur le déploiement de ce SPPE. « Et pas juste avec une foire aux questions (FAQ) comme l'a bien dit au congrès [des maires] une élue à l'intention de la ministre chargée de la Famille et de la Petite enfance, Agnès Canayer, et aux directions de l’État qui étaient présentes », rappelle Daniel Cornalba. Le ministère a justement mis en ligne sur son site internet fin novembre plusieurs documents : un dépliant (6 pages) destiné aux élus résumant leurs obligations liées au SPPE, un guide pratique sur « la façon d'informer et orienter les familles à la recherche d'un mode d'accueil » (47 pages), un « vademecum sur les bonnes pratiques pour faciliter l'accès à un mode d'accueil du jeune enfant » (88 pages), ou un « argumentaire sur les idées reçues sur les modes d'accueil » (20 pages). Des documents sans doute utiles à qui prendra le temps d'en déchiffrer certains…
« Les administrations et la ministre Agnès Canayer se sont voulus rassurant lors du point info consacré au SPPE au congrès des maires, sur leur volonté et détermination à nous accompagner, nous jugerons sur les faits, mais pour le moment, cela reste flou... », ne peut que constater Daniel Cornalba.
Invitation à l'action
Pour autant, il n'est pas question de demander un report du lancement du SPPE. Car toutes ces questions ne remettent pas en cause l'ambition d'améliorer la réponse, en nombre et en qualité, en termes d'offre d'accueil de la petite enfance. « C'est un bon défi à relever collectivement car cela répond à de réels besoins, non satisfaits et cela participe à l'attractivité de nos territoires », explique Daniel Cornalba.
La Cnaf de son côté encourage d'ailleurs les maires à se saisir dès aujourd'hui des financements mobilisés pour les aider au maintien de places de crèches et en créer de nouvelles. Ceux-là sont effectivement déjà disponibles, et assurés jusqu'en 2027.
L'attente d'un nouveau gouvernement, ne doit pas forcer à l'inertie, acquiesce Daniel Cornalba. « Toute incertitude a tendance à faire ralentir beaucoup de chose. Mais cela ne doit pas nous empêcher d'aller de l'avant », reprend l'élu. Celui-ci espère que cette réforme sera « l'occasion pour toutes les communes de se poser la question de ce qu'elles peuvent améliorer en termes d'information des familles, de qualité du service, de recensement des besoins, de développement de l'offre. Bref de faire mieux, même si cela prendra parfois du temps ». Le groupe de travail de l'AMF va, lui, reprendre ses travaux en 2025 en reposant les questions – cruciales – de personnel et ressources humaines.
*Compétence 1 - recensement des besoins des enfants de moins de trois ans et modes d'accueil disponible pour les familles ; compétence 2 - information et accompagnement des familles et futurs parents ; compétence 3 - planification du développement des modes d'accueil du jeune enfant ; compétence 4 – soutenir la qualité des modes d'accueil.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Retrait-gonflement des argiles : un décret encadre davantage les expertises assurantielles
Des députés veulent à nouveau tenter de restaurer le cumul des mandats
Lecture, calcul, compréhension : les adultes français sont en dessous de la moyenne de l'OCDE