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Édition du mardi 24 septembre 2024
Patrimoine

Centre des monuments nationaux : une fréquentation à son apogée mais des dépenses considérables

Vincent Éblé, sénateur de Seine-et-Marne et Didier Rambaud, sénateur de l'Isère, ont présenté leur rapport de contrôle budgétaire sur le Centre des monuments nationaux (CMN) à la commission des finances du Sénat. Les recettes sont certes en augmentation, mais les dépenses le sont tout autant.

Par Lucile Bonnin

Les récents succès en matière de fréquentation ne compensent pas la hausse des dépenses du CMN. Ce sont les conclusions du rapport du sénateur Vincent Éblé et du sénateur Didier Rambaud, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Culture, sur le Centre des monuments nationaux.

« Le Centre gère un ensemble de 110 monuments, qui se caractérisent surtout par leur grande diversité et par leur répartition sur l’ensemble du territoire national, a détaillé mercredi dernier Didier Rambaud au Palais du Luxembourg. On compte ainsi dans le parc du CMN des sites connus internationalement, en particulier à Paris : Arc de Triomphe, Panthéon ou Sainte-Chapelle, pour ne citer qu’eux. S’y ajoutent d’autres lieux symboliques pour le patrimoine français, comme la cité de Carcassonne ou le Mont-Saint-Michel. Le CMN gère également de nombreux monuments de petite taille, parfois nettement moins connus, allant de sites préhistoriques jusqu’à la villa Savoye, construite à Poissy par Le Corbusier. » 

Le fonctionnement du CMN est « dans l’ensemble positif »  mais les sénateurs tirent la sonnette d’alarme sur le fait que la croissance des dépenses puisse « fragiliser le principe fondateur du CMN, à savoir la solidarité financière entre les sites du réseau. » 

Croissance continue de la fréquentation des monuments 

Le satisfecit réside avant tout du côté de la fréquentation des monuments du CMN. En effet, la fréquentation a « atteint des niveaux inédits en 2023 avec plus de 11,6 millions de visiteurs, contre seulement 9,2 millions dix ans plus tôt. Le trou d’air consécutif à la crise sanitaire a été de courte durée : dès 2023, la fréquentation a été supérieure de 13 % à celle observée en 2019. » 

Cette hausse de la fréquentation va de pair avec une hausse des ressources. « Entre 2014 et 2023, les ressources du CMN ont augmenté de 157 %, soit un total de 220 millions d’euros et 135 millions d’euros supplémentaires en dix ans », peut-on lire dans le rapport. Les recettes de billetterie ont augmenté de 55 % en dix ans, en sachant que se sont elles qui lui permettent de « s’autofinancer à hauteur de 50 % du total de son budget ». Par ailleurs, « les financements apportés annuellement par l’État représentent toutefois en 2023 un peu plus de la moitié des recettes du CMN, contre seulement 17 % en 2014. La subvention pour charges de service public (SCSP) s’élève en 2024 à près de 45 millions d’euros. » 

Des dépenses qui ont plus que doublé en dix ans

Le problème principal relevé dans le rapport est que ces recettes, qui sont certes « très dynamiques », « peinent à suivre l’évolution des dépenses, elles aussi en forte hausse ». Les dépenses du CMN ont en effet augmenté de 130 % entre 2014 et 2023, passant de 116 à près de 270 millions d’euros. En cause, notamment, plusieurs grands chantiers comme la rénovation de l’hôtel de la Marine à Paris ou encore le grand chantier de la Cité de la langue française à Villers-Cotterêts.

Cette augmentation fulgurante des dépenses fait apparaître « un risque d’éviction des financements liés à l’entretien courant, les moyens étant concentrés sur les opérations les plus importantes, explique le sénateur Vincent Éblé. Les enjeux pour la conservation sont pourtant élevés : le Centre estime à 270 millions d’euros les besoins pour l’entretien des monuments en situation de péril ou de mauvais état. Le risque le plus important est que la hausse des dépenses fragilise le principe fondateur du CMN, à savoir la solidarité financière entre les sites du réseau. De fait, les recettes sont versées dans une caisse commune, laquelle est ensuite répartie selon les besoins du parc. » 

La commission recommande donc, pour « ne pas ébranler le modèle de péréquation »  de consolider les récents succès en matière de fréquentation. « La stabilisation du parc de monuments devrait permettre de réorienter une partie des dépenses vers l’investissement courant et l’animation culturelle. Celle-ci contribue à fidéliser un public local et à améliorer la visibilité du Centre, encore trop peu connu du grand public. » 

Une stratégie locale à consolider 

Un court passage dans le rapport fait référence à la communication à l’échelle locale, qui ne serait pas assez soutenue. Lors de la présentation du rapport, Antoine Lefèvre, sénateur de l’Aisne, indique que « les liaisons avec les acteurs du territoire manquent de force, en particulier avec les collectivités. »  Il présente un exemple : « L’Aisne est concernée par le château des sires de Coucy, en gestion commune avec le château de Pierrefonds, et par la Cité internationale de la langue française. Concernant les craintes exprimées sur les coûts et sur le budget de fonctionnement de cet équipement, il faut travailler localement à augmenter la capacité d’hébergement, presque nulle sur place. Il y a des réserves sur le site pour développer un projet utile au renforcement de la fréquentation. » 

En effet, le rapport souligne que « les relations entre les monuments et les collectivités restent largement dépendantes des situations locales et du produit de l’histoire, sans que le siège du CMN n’ait mis en place de cadre commun sur ce point pour l’ensemble des monuments. »  Les sénateurs identifient donc comme nécessaire de « mettre davantage l’accent sur l’animation du réseau et le déploiement d’actions culturelles au-delà de la seule mise à disposition du patrimoine, tout en mesurant l’effet levier des animations culturelles sur la fréquentation des monuments ». 

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