Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 16 décembre 2024
Parlement

Gouvernements démissionnaires : des députés recommandent de « renforcer » le contrôle du Parlement

S'ils souhaitent limiter le pouvoir accordé à un exécutif qui a perdu sa légitimité, les députés estiment que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a « globalement respecté », l'été dernier, le cadre des affaires courantes.

Par A.W.

Le contrôle des parlementaires sur les gouvernements démissionnaires doit être « véritablement renforcé ». C’est ce que concluent deux députés, dans un rapport adopté mercredi, dans lequel ils estiment que ce contrôle constitue « une exigence démocratique fondamentale », afin de « protéger notre République face aux dérives »  d’un exécutif qui a perdu sa « légitimité ».

Une situation qui reste d’actualité puisque les ministres du gouvernement démissionnaire du gouvernement Barnier sont toujours en place.

Affaires courantes : le cadre « globalement respecté »  cet été

Face à la durée « inédite »  de 67 jours « dans l’histoire des IVe et Ve Républiques »  (dont la durée était en moyenne de « deux semaines » ) durant laquelle le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal a expédié les affaires courantes, l’été dernier, la commission des lois de l’Assemblée avait décidé de créer, en octobre, une mission d’information flash sur « le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire ».

Deux mois plus tard, les deux rapporteurs, Léa Balage El Mariky, députée écologiste de Paris, et Stéphane Mazars, député Renaissance de l’Aveyron, estiment que le gouvernement démissionnaire Attal a « globalement respecté »  le cadre des affaires courantes, même si « le périmètre des affaires courantes peut parfois être sujet à débat ».

Ils ont ainsi pu constater « la réduction importante du nombre d’actes édictés […] à l’été 2024, par rapport aux années précédentes : 340 décrets ont été pris […], soit la moitié de moins qu’à la même période l’année passée ». Et « aucun acte »  pris par celui-ci « n’a été suspendu ou annulé par le juge administratif au motif qu’il excédait le champ de l’expédition des affaires courantes ».

Les deux députés rappellent au passage que cette période de gestion des affaires courantes, bien qu’inédite, reste « nettement plus brève que dans de nombreux régimes parlementaires étrangers, en particulier ceux dotés d’un mode de scrutin proportionnel nécessitant la formation de coalitions gouvernementales », comme c’est le cas en Belgique qui a connu cette situation pendant 541 jours.

« Éviter les abus » 

Reste que « s’il perd l’usage de l’outil de sanction ultime du gouvernement [via la censure], le Parlement doit continuer d’exercer son contrôle sur l’activité du gouvernement démissionnaire », assurent les deux députés.

Une situation résumée par la formule du constitutionnaliste Marcel Waline sur l’impossibilité de renverser les gouvernements démissionnaires, complété par celle d’un professeur de droit auditionné lors de la mission flash : « On ne tue pas les morts… », mais « rien n’empêche d’ouvrir le cercueil pour vérifier qu’ils le sont bien ».

Ce faisant, la mission a pu prendre conscience de « la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période »  de gestion des affaires courantes par le gouvernement Attal, allant du 16 juillet au 21 septembre 2024. Période durant laquelle le Parlement ne siégeait pas de droit (ils n’ont pu siéger que pendant 15 jours).

Léa Balage El Mariky estime ainsi qu’un gouvernement démissionnaire peut créer « un flou démocratique », « une transparence affaiblie »  et « un équilibre des pouvoirs fragilisé », puisque « sans contrôle parlementaire renforcé, les abus deviennent possibles ». Et la députée de Paris de citer, sur X, l’actuel ministre démissionnaire de la Fonction publique (et ancien ministre démissionnaire du Logement sous le gouvernement Attal) « Guillaume Kasbarian qui souhaite passer en force sa loi »  ou encore l’actuel ministre démissionnaire de l’Intérieur « Bruno Retailleau qui veut suspendre les demandes d'asiles de Syriens ».

Prérogatives spéciales, recours au Conseil d’État…

Afin de « prévenir tout dépassement des prérogatives gouvernementales », il est donc « essentiel », selon elle, « d’encadrer ces périodes, car c’est l’équilibre démocratique qui est en jeu ».

Aux yeux des rapporteurs, il revient au Parlement de s'assurer « que les actes pris »  par le gouvernement démissionnaire « entrent bien dans le périmètre des affaires courantes », et que « les actions de représentation n'excèdent pas le champ de ce qui est indispensable ». 

Ils souhaitent ainsi renforcer le contrôle parlementaire dans ce type de période en se dotant, si nécessaire, « des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête ».

Stéphane Mazars plaide ainsi pour pouvoir « auditionner en commission les ministres démissionnaires », inscrire dans la loi un droit d’information du Parlement « comme cela existait durant la période d’épidémie du covid-19 », mais aussi « donner la possibilité aux parlementaires d’initier des recours devant le Conseil d’État contre des actes pris par un gouvernement démissionnaire ».

Ils proposent de modifier la Constitution pour que le gouvernement se réunisse de plein droit lorsque l’expédition des affaires courantes dépasserait une quinzaine de jours.

Les députés préconisent également d’accorder aux parlementaires la possibilité de déposer des « questions écrites »  ou « d’orienter, par des votes, l’action du gouvernement démissionnaire sur des choix politiques majeurs ».

Consulter le rapport.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2